Après avoir redonné une nouvelle jeunesse aux titres qu’il avait co-écrit avec Iggy en 1973 pour Raw Power en sortant l’album Re-Licked, James Williamson semble s’amuser comme un petit fou en jouant ces morceaux selon lui sous-estimés à l’époque. Aujourd'hui, il remet le couvert avec Acoustic K.O.
Mais pour adhérer pleinement à ces travaux, il faut d’abord réussir à oublier l’image de l’iguane. Pas facile tant ces titres lui collent à la peau. "Raw Power" sans Iggy ? Est-ce seulement envisageable ? C’est comme AC/DC sans Bon Scott ou Brian Johnson. Personne n’aurait misé un kopek là-dessus puis quand AxL Rose reprend le flambeau, on trouve ça très bien. Bien que les puristes considèrent qu’AC/DC ne soit pas AC/DC avec AxL Rose, il faut essayer de ne pas aborder ces relectures de la même manière. On ne vient pas ici chercher du Stooges mais plutôt le travail de James Williamson mis en avant et soutenu par des artistes de choix. Sur Re-Licked, Lisa Kekaula, Jello Biafra et tant d’autres figures emblématiques du rock ‘n' roll venaient prêter main forte. Ici, pour ce quatre titres, c’est avec Deniz Tek que James va travailler. Deniz Tek, c’est le pote des Stooges du début, le jeune d’Ann Arbor qui traine avec les frères Asheton avant de s’exiler en Australie pour fonder le combo majeur de punk rock Radio Birdman. Une telle association ne pouvait que faire des étincelles.
Les quatre titres retenus sont des morceaux où la tension est palpable. Pas des morceaux sauvages comme "I Wanna Be Your Dog" ou "Raw Power", des choses plus subtiles mais toujours avec cette énergie et cette urgence urbaine latente qui caractérisait les Stooges de la fin des seventies. Parti pris par les deux compères, travailler en acoustique. Pourquoi pas ? Les titres semblent s’y prêter.
"I Need Somebody" a un coté un peu plus blues que l’originale. Deniz Tek apporte une touche moins bestiale que lorsque c’est l’iguane qui s’y colle. Les claviers délivrent une note un peu jazz soul à l’ensemble sans pour autant retirer à l’ambiance électrique. Les titres sont retravaillés de façon à mettre en avant la composition plutôt que l’interprète. L’ajout de claviers donne un coté beaucoup plus sensible à l’ensemble. Sur un titre comme "Penetration", le saxophone apporte aussi beaucoup ainsi que les cœurs qui donnent une plus grande profondeur, un relief à l’ensemble. On se laisse embarquer dans un trip différent d’où émergent quelques relents psychédéliques. On est captivé par un riff qui tourne en boucle façon Liminanas.
Après ces deux titres de Raw Power, James Williamson prend plaisir a exhumer deux morceaux de Kill City, un album à la diffusion plus restreinte et à la production moins aboutie. Rencontré en 2013 sur la tournée qui marquait son retour avec les Stooges, James nous confiait qu’il estimait que les titres qu’il avait composé à l'époque Raw Power n’avaient pas bénéficié du traitement qu’ils auraient dû avoir et qu’il souhaitait s’attacher à réparer cela. A ce moment, il ne savait pas encore si l’Iguane serait de la partie ou pas.
Mais revenons à cet Acoustic K.O., titre qui se veut bien sur un clin d‘œil au dernier album des Stooges Metallic K.O. (à la production plus qu’incertaine mais qui est le formidable témoignage d’une époque aujourd’hui révolue). Ce sont deux pépites de Kill City que WIlliamson et Tek ont choisi de revisiter.
L’instrumental "Night Theme" est enfin enregistré dans de bonnes conditions agrémenté de chœurs qui n‘ont rien à envier à ceux des Rolling Stones sur "You Can’t Always Get What You Want". On s’imagine dans une B.O. de film, une grande épopée façon Braveheart ou encore une scène post-apocalyptique après une énorme bataille ayant semé panique et désolation. Les arrangements de l'Awesome Orchestra de Berkeley rapprochent cette version de "Night Theme" des œuvres des grands John Williams ou Ennio Morricone dans le domaine. En tout cas, un morceau qui nous transporte loin des standards du rock ‘n' roll pour explorer de nouveaux horizons.
Pour "No Sense Of Crime", Petra Haden fait vibrer les violons et la voix de Deniz Tek est doublée par la voix féminine de Annie Hardy de Giant Drag. Cette interaction fonctionne sans pour autant dénaturer le morceau original. La voix féminine fonctionne avec merveille avec ce titre. On casse avec la présence chargée de testostérone chère à l’ami James Osterberg. Cela avait déjà très bien fonctionné sur Re-Licked lorsque Lisa Kekaula avait accompagné James Williamson sur "I Got A Right".
Pour faire le bilan de ces quatre titres, il faut surtout prévenir le fan des Stooges qu’il ne trouvera pas quatre nouveaux titres exhumés de sessions des seventies. Ici, c’est l’œuvre de James Williamson qui est mise en avant et réarrangée de diverses manières qui pour certains s'éloignent assez fortement de la musique du combo de Detroit. Une fois ceci intégré, on peut se plonger dans l’écoute de ces morceaux.
Deniz Tek et James Williamson sont des musiciens hors pair et leur collaboration est féconde. On retrouve la sensibilité du vocaliste et six-cordiste de Radio Birdman qui se met au service des compos de Williamson. Les titres sont enfin joués comme Williamson les avait pensés. Cela n’était pas possible à l’époque. Ca ne collait pas avec l’image des Stooges. Tout comme Re-Licked, cet E.P. Acoustic K.O. permet à James Williamson de faire connaitre sa propre vision de sa musique.
C’est aussi pour nous l’occasion de redécouvrir un guitariste qui, dans les seventies, a été un peu sous-estimé et relégué à l’arrière plan par un frontman dont le charisme ne pouvait pas laisser une place de choix aux membres de son groupe. Ceci ne semble pas avoir trop affecté Williamson qui a fait une carrière brillante dans le monde de l’industrie électronique et qui, toujours il y a trois ans, nous expliquait son bonheur de revenir sur le devant de la scène musicale alors qu'il venait de prendre sa retraire d’ingénieur. Une belle histoire de vie, un parcours atypique et un mec d’une simplicité à toute épreuve. N’est ce pas ça le talent ?
Sortie le 31 mars 2017 sur le label Leopard Lady Records
Vinyle dispo dans toutes les FNAC
Crédits photos : Anne Tek