Moonloop – Deeply from the Earth

Vous savez ce qu'est un 'ascenseur émotionnel' en psychologie? Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de voir un certain sketch de Gad Elmaleh, c'est quand on passe d'un état à son extrême contraire. De la plus grande satisfaction à la déception par exemple, de la "banane" au dépit. C'est un peu le type d'impression que m'a laissé ce dernier album des Barcelonais de Moonloop qui sort le 28 mai chez Listenable Records (distribué chez nous par Season of Mist). On part en effet sur une bonne impression de départ avec ce nom (je ne connaissais pas pour être honnête la formation qui se cachait derrière...) à l'orthographe d'une symétrie harmonieuse et qui nous évoque avec bonheur un titre de Porcupine Tree (que la bande à Wilson triture pour notre plus grand plaisir sur le « psychexpérimental » The Sky Moves Sideways...).

Ensuite, on est quand même un peu plus mitigé concernant la pochette. Petite parenthèse-coup de gueule au passage : même si le travail de l'artwork est en général ce qui vient en dernier dans l'élaboration d'un album, il serait peut-être bon que les groupes y accordent un soin un petit peu plus poussé que ces derniers temps où ces illustrations censées relever encore un peu plus la teneur de nos albums préférés et éveiller notre intérêt pour ceux-ci finissent par ressembler au mieux à des jaquettes de jeux PC, au pire à des sélections d'arrière-plans de bureau pour 'Windows'... et surtout à toutes se ressembler à la longue! Infographiées à mort, bourrées d'effet et au final on ne peut plus impersonnelles... Mes dernières expériences en la matière avec Melted Space (l'artwork tout entier et le rendu concret du digipack avait toutefois chassé ma déception initiale à la découverte de la pochette sur Internet) et Nothnegal (une comme ça de temps en temps ça passe... surtout avec ces superbes couleurs) m'avaient déjà fait quand même tiquer plus que d'ordinaire, mais là trop c'est trop. Un peu d'imagination que diaââable, je ne sais pas, inspirez-vous d'un Ministry tout récemment peut-être... En fait non, je retire ce que j'ai dit.

Reste que cette première accroche picturale, aussi synthétique et tristounette soit-elle, laissait à présager un album à l'exécution et à la production nette et chiadée. Impression renforcée par cette intro s'étalant sur plus de 2 minutes (on en aurait bien repris une rasade!) et de toute beauté, "Awaking Spirals of Time", qu'aurait pu pondre un Opeth de la grande époque (si l'on se range à l'avis de la majorité), disons pré-Watershed (mais sans compter Damnation)... Atmosphère envoûtante, 'vibe' « folkorique » (pas dans le sens "flonflons-Korpiklaani", hein...), basse volubile et sens mélodique des plus aiguisés. Avec de surcroît un petit côté 'oriental' fort plaisant (vu le contexte « extrême », on pensera davantage à nos Frenchies d'Arkan qu'à du Orphaned Land!...).

Las, ce Deeply from the Earth restera effectivement comme son nom le suggère terriblement en surface.
 

 


Car dès le premier couplet de ce "Beginning of the End" (où l'on commence effectivement à craindre de rester sur notre faim), les premières bonnes idées initiales, si elles demeurent bien présentes et c'est heureux, se voient malheureusement complétées par d'autres dont on peut davantage remettre en question la pertinence.

La dimension 'progressive' revendiquée par le groupe et à laquelle on pouvait vraisemblablement s'attendre avec tous ces indices de "mise en bouche" se voit majoritairement réduite à une teneur hautement technique et « technicienne » à la Obscura, ce qui est un peu dommage (de nombreux breaks et coupures ainsi que des passages volontairement 'barrés' n'apportant pas grand chose viennent casser le rythme d'un disque qui ne demande qu'à nous emporter...). Les morceaux soufflent ainsi le chaud et le froid, entre des passages atmosphériques et/ou mélodiques (voire interludes acoustiques) purement époustouflants d'intensité, et des passages bassement « arrache » des plus bateaux (et parfois bien trop dépouillés en comparaison...), déjà entendus 100 fois en bien plus convaincants (on pense vaguement au Morbid Angel de Gateways to Annihilation ou de Blessed are the Sick parfois niveau saccades et lourdeur...). Sans compter que la prod', sur ces passages qui devraient déborder de puissance, se fait au contraire plus 'cartonneuse' et trop compacte, moins dense donc que sur les moments relâchés du disque.

Et ce n'est pas cette voix 'death', elle aussi banale au possible et sans aucune personnalité, qui va améliorer les choses : grunts gutturaux très 'secs' rappelant un peu pour ceux qui connaissent le Vital Remains de Forever Underground sur les passages les plus techniques  ou le reste du temps ceux d'un Åkerfeldt dans le phrasé mais il va sans dire avec beaucoup moins de profondeur (enfin, il faudrait le réentendre chanter 'death' aujourd'hui pour pouvoir comparer, hân hân!...).
Les voix claires sont un peu plus convaincantes, surtout lorsqu'elles restent à l'état de chœurs et dans des tonalités graves (première intervention de ce genre sur "A Life Divided"), même si encore une fois le décalage est parfois plus bancal que chez Opeth, la faute à un manque de profondeur toujours aussi flagrant à la base.

Là où l'exécution d'un "A Life Divided" par exemple pourrait ouvrir la porte à une dynamique entraînante voire épique, les doublages/harmonisations des riffs de guitares, très peu inspirés et maladroits, ont vite fait de faire retomber la pression. Restent ces interludes bien plus surprenantes, et dans le bon sens, comme ce final malsain où un gimmick fantomatique de gratte limite 'country' venue d'ailleurs se mêle à des effets «bande passée à l'envers» tout aussi inquiétants...

"Fading Faces" est bien plus convaincante avec l'intervention d'une voix féminine et d'un chant clair masculin plus habité (la voix 'death' étant elle toujours autant -voire davantage ici- perfectible). Un petit côté 'Porcupine' peut en outre s'y faire ressentir sur certaines rythmiques chaloupées rappelant des passages d'In Absentia ou de Deadwing. Le riff de "Strombus" dégage, lui notamment, un petit côté 'Gojirien' (avec le même type de propos «  écologiste » d'ailleurs!) bien senti... ben quoi, si on peut plus être chauvins, un peu??! Un titre où par ailleurs le groupe parvient à mieux se canaliser pour notre plus grand bonheur.

Sur la longueur, on note tout de même, il faut le souligner, une bonne dynamique d'ensemble (mention honorable à la batterie et à la finesse du cogneur derrière ses fûts), qui finit par donner la petite pointe 'groovy' qui fait que notre bonne vieille tête de métalleux aguerri va agréablement suivre la cadence. Cette facette chaleureuse et 'catchy' de la musique des Espagnols (l'air de "fiesta-sangria" de là-bas si on veut sortir les clichés débiles?!...) illustre à merveille le côté 'pile' de la pièce Moonloop (la face « loop » dirons-nous...). Nous resterons en revanche davantage sur notre faim concernant disons l'autre facette qui serait «moon» (jouons un peu sur une bipolarité qui à mon sens leur irait bien...), la dimension évocatrice et intense de leur musique qui encore une fois s'encombre de trop d'éléments superflus en plein milieu pour vraiment être mise en lumière et s'épanouir comme il se doit. Il est à noter toutefois que la seconde moitié de l'album est bien plus convaincante que la première, le groupe prenant davantage le temps et le soin de développer plus longuement ses ambiances (cf par intermittences l'exotisme et les superbes moments de "Wailing Road" ou de ce dernier "Atlantis Rising" de 11 minutes!), sans pour autant que les défauts déjà signalés ne s'effacent.

Au final, il est dommage que Moonloop se disperse vers des horizons qui ne lui siéent pas au mieux au lieu de se concentrer sur ce qui fait assurément sa force.
D'où l'impression que les Espagnols se cherchent encore, et si je voulais être cruel, peut-être la raison pour laquelle leur carrière peine à décoller (le groupe existe depuis 2001 et n'avait sorti dès lors qu'un seul album en 2005, l'autoproduit Release from Duality ; entretemps et depuis, il n'avait publié que des démos...). Gageons qu'en les signant dernièrement, Listenable sent bien tout comme nous le potentiel énorme chez eux, mais qui demande encore à être domestiqué.

D'où le fait qu'au cours de mon ascension dans la découverte de cet album, je finis par stopper après un énième aller-retour, arrivé au palier d'entre 2 titres-étages... Vais-je rester encore quelques instants « en apesanteur » ou sonner « la fin du voyage » ? (qu'est-ce qu'elles ont mes références??!!!!...) A l'instant fatidique toutefois, j'arrive à me glisser juste avant que les portes ne se referment... J'attendrai le prochain qui sera peut-être moins chargé, saura peut-être à quel étage il s'arrête, et me fera peut-être réellement «quitter la terre ferme» ! Ben quoi?!...


 

LeBoucherSlave

7/10

Moonloop band pic

 

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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