Marduk
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Serpent Sermon
Date de sortie prévue : lundi 28 mai 2012
Chez Century Media
Nahash Nehoshet
Nous ne sommes que de pauvres créatures pleines de vie. Mais sommes nous les créatures de Dieu ? De qui dépendra notre destinée ? Devons nous nous incliner devant Lui ?
Ou simplement attendre l'Apocalypse....
Les émissaires de Marduk l'ont compris. Nous sommes damnés, parce que le châtiment de Dieu a été, et sera toujours proche de nous. Ils nous guident alors vers l'Apocalypse qu'ils croient inéluctable, quelle que soit la forme qu'elle revêtira.
Et franchement, quoi de plus agréable que d'attendre la fin Divine Fin en écoutant les nouvelles sorties de Morgan Hakansson et ses compères ?
Avec son douzième opus, intitulé Serpent Sermon, Marduk parachève une étape de plus dans sa direction musicale et sublime les quatre vents par des sonorités désespérées, des titres survoltés et une armada de blasts. Une évasion certaine, vous l'aurez compris, dans les paraboles religieuses, et une fois de plus, après avoir exploré le terrain de la seconde guerre mondiale dans l'excellent EP Iron Dawn sorti l'année dernière. Si leur précédent album, Wormwood, n'a pas fait beaucoup d'émules, (moi hélas y compris) parce qu'il laissait cette amère sensation d'avoir été vraiment bâclé, avec ses longs breaks inutiles et finalement, trop peu de matière à laquelle s'accrocher, celui-ci relève un peu le niveau. (On va essayer d'oublier cet incident de leur parcours, voulez-vous ?) Et disons-le, le chiffre douze est symbole d'achèvement, d'accomplissement... alors je crains pour le treize.
Qu'attendent encore les fans de Marduk ? Des albums comme Panzer Division, Nightwing ou Opus Nocturne sans doute... Et oui, mais Marduk, lui, assume totalement sa nouvelle direction musicale et n'en fait qu'à sa tête. Et à l'écoute de ce nouvel opus, on se rend compte que Marduk n'entend pas y revenir de si tôt. La première écoute de l'album s'avère...musicale, empreinte de mélodies et de bons riffs. Après une écoute plus rapprochée, cet album vous fera (peut-être?) penser à un Dark Funeral, avec ses riffs prolongés et bien disposés sur un arrière plan de blasts expéditifs exécutés par Lars Broddesson dont je ne suis franchement pas une grande fan.
Ainsi, cet album s'inscrit totalement sans surprise aucune dans la lignée logique d'un Plague Angel (qui lui, par contre, tourne en boucle dans ma platine depuis des années, fort de ses titres phares comme par exemple "Warschau", qui vous donne envie de vous taper le crâne contre le mur), puis d'un Rom 5:12, plus sage, et dont Serpent Sermon est le plus proche.
Qui sera l'investigateur de la vengeance envers Dieu ? Nous-mêmes ? Ou les premières âmes que le Seigneur a crucifiées aux yeux de tous...
Maintenant que l'album semble démystifié, sachez que la force de Serpent Sermon réside dans sa balance très bien trouvée entre les titres bien rapides qui démarrent le rouleau compresseur dès le départ, pour laisser place à une seconde partie du disque à tendance plus posée, et en profondeur. Belle profondeur, c'est en effet le qualificatif que l'on peut utiliser pour cet effet que Marduk utilise de plus en plus, tant sur album qu'en concert. Mélanger les passages surblastés avec de longs titres en mid-temp (ils avaient commencé avec le très sensuel "Accuser / Opposer" et je vous passe ses clones sur les albums d'après Rom 5:12), c'est cette nouvelle recette que Marduk utilise pour donner à ses albums un côté plus recherché. Il semblerait que Mortuus y soit pour quelque chose, car il apprécierait des groupes de Doom comme Candlemass...mais ce ne sont bien sûr que des rumeurs, puisque Monsieur ne donne pas d'interviews. Les titres "Souls for Belial" qui vous a été dévoilé sur la Grande Radio récemment, ou encore "Into Second Death" sont de parfaits exemples de riffs sataniques temporisés par des passages très lents, en cadence.
Les titres sont travaillés et, contrairement à Wormwood, les riffs sont superbes, à l'instar du titre éponyme, lorsque Mortuus scande "Serpent Sermon !! Serpent Sermon !!". Il n'est pas rare en outre de trouver des lignes de basse à la fin d'un morceau, comme si une veuve, à genoux, pleurait la fin de son Dieu. Certains titres sont surblastés, à l'instar de "Messianic Pestilence". Les blasts sont et seront toujours leur marque de fabrique, mais Lars Broddesson en use... et en abuse. Si sa contribution à "Panzer Division" fut exemplaire, dans cet album, ses blasts répétés me font plutôt l'effet d'un toboggan sur lequel la musique de Marduk glisse perpétuellement au lieu d'y trouver une assise. Pas assez de profondeur de jeu, de variation d'intensité, de groove. Heureusement que la basse prend le relais et reste bien audible tout au long de l'album. De plus, la voix de Mortuus est un peu plus en retrait que sur un Rom 5:12 (puisque Wormwood je n'en parlerai plus), et souvent empreinte d'effets mais qu'à cela ne tienne, les riffs, placés au premier plan sont bien acérés !
Les histoires du passé furent écrites par des scribes, mais qui écrit le futur ?
Devons nous craindre, nous pauvres pécheurs, la vengeance de Dieu ?
Certains riffs se rapprochent des albums apocalyptiques de Funeral Mist, (projet solo de Mortuus, sous le pseudonyme Arioch), comme "Gospel of the Worm", qui démarre sur des guitares seules et saturées à l'extrême pour embrayer dans un registre propre à ce groupe extrême, précédemment chroniqué dans nos pages... En tout cas c'est l'un des meilleurs titres de l'album, ouvrant la voie à un "World of Blades", ennobli par des voix en arrière plan qui accompagnent le chant guttural de Mortuus. Encore une fois, Marduk mise sur une mélodie envoûtante et une ambiance dramatique. Tout en mid-temp, ce titre clos l'album de manière sublime.
On dirait que chaque titre sur cet album vous enjoint de vivre avec votre douleur jusqu'à la fin,
de la regarder en face, tout comme le peuple était enjoint par Dieu
de regarder le Serpent de Moïse.
Marduk nous promet depuis quelques années que chacune de ses sorties sera une étape de plus dans la dévastation. Cela est vrai si l'on s'en tient à la qualité des riffs sur Serpent Sermon, la très bonne rythmique de l'album et, effectivement, un sentiment de se trouver à proximité d'un précipice de désolation. "Temple of Decay" par exemple, est le titre Doom de l'album, non sans rappeler quelques riffs de Black Sabbath, et dont Lars bat la cadence lentement. Mais l'album n'est pas une révélation en soi, tant il progresse dans une voie dans laquelle Marduk se complaît pour l'instant, sans vraiment explorer de nouvelles pistes. Tout au plus, il nous donne une fois de plus matière à réfléchir, à écouter, à apprécier cet album à sa juste valeur, sans jugement, mais avec une certaine lucidité et une pointe d'apostasie.
Après toutes ces questions et cette ébullition mentale, je m'en réfère à Nietzsche dans Le Gai Savoir, qui heureusement en parlait avec humour :
“Jésus pensait que les hommes souffrent affreusement de leurs péchés, parce qu’il se sentait lui-même sans péché et manquait en cela d’expérience. Mais même son peuple, inventeur de la culpabilité et du péché, était rarement en grande détresse. Mais les chrétiens se sont entendus ensuite pour donner raison à leur maître et faire de cette erreur une Vérité. ”
Katarz