Father John Misty a révisé ses classiques jusqu'à en oublier qu'imiter n'est pas devenir.
Dès le premier morceau l'ombre d'Elton John discute avec Paul McCartney sur comment commémorer John Lennon. Sur le papier c'est bien non ? Mais certaines ambitions sont au détriment de la force du propos.
Nous avons surtout eu envie d'écouter l'incroyable « Beautiful » de Christina Aguilera une fois « Pure comedy » terminé, un titre dans l'ombre des sus-cités et exempt de sexy...il ne reste pas grand chose n'est-il pas ?
Cette première impression peut se multiplier à l'envie sur les suivants et nous a aussi fait ressentir une nostalgie pour sa discographie sous son nom (J Tillman), ou encore ses deux précédents.
S'il nous fallait être objectif, rien n'est mauvais dans ce disque. Que ce soit la production au cordeau, la musicalité, la justesse du chant en terme émotionnel. Mais, il y a un mais qui trône et qui fait que les morceaux nous traversent sans justement laisser de traces. Chaque mélodie si raffinée soit-elle semble interchangeable, à quelques exceptions près (« Smoochie »). Il se pourrait que l'intention de l'album se soit déterminée sur un temps réduit. Les textes tendent vers cette hypothèse.
Quoiqu'il en soit, le plat domine. L'absence de relief, pour ma part, est surtout due à l'omniprésence du piano. C'est l'instrument dominant que ce soit dans les rythmes ou les mélodies.
Mais comme dit plus haut, n'est pas John Lennon qui veut et il manquera à Pure Comedy un titre dont l'évidence ne se confondrait pas à de la niaiserie. Un tube, un titre qui reste et nous fasse comprendre que Father John Misty ne joue justement pas la comédie.
Ce disque est long comme un monologue (74 min), une rumination paresseuse ou une douce névrose obsessionnelle. Bien que l'on comprenne où il cherche à nous mener et que le disque puisse faire sens dans une discographie dont il faut rappeler ici l'excellence, sa tourmente donne surtout envie de lui filer le numéro d'un psy.
Parce que cet album se lit avant tout. Et on se demande si FJM n'aurait pas mieux fait de coucher ses turpitudes dans un essai plutôt que de chercher à l'uniformiser en mimant un Alceste qui s'intègre de fait dans le monde qu'il dénonce par la forme banale que revêt son discours. Une comédie, un caprice, nous vous laissons le soin de faire la différence.
Si l'intention est louable, et quelques textes vraiment prenants, on regrettera la forme par laquelle ils nous viennent car certains y perdent de la force, la banalité de la musique semblant contagieuse par moments. Une modération s'impose : c'est une banalité relative, il ne s'agit pas non plus d'un album insipide. Il paraît surtout décalé et en dessous de l'ambition exprimée à l'écrit, malgré quelques réussites dissimulées dans sa longueur quasi biblique.
Lui manquera aussi cette aptitude à rejoindre totalement le fond et la forme et sortir un morceau entraînant sans être putassier, comme le fait si bien Israel Nash.
L'impression se confirme à la vue du clip de "Pure Comedy" ainsi que du film sur la génèse du disque (à voir !), et plus encore quand on fait un tour sur son excellent site internet, où tout le cynisme, qui dans le disque se retrouve atténué par la musique, est rehaussé par la finesse sémantique du menu. Au fond, Father John Misty a incroyablement soigné et réussi son concept à tous les niveaux sauf dans celui par lequel il nous parvient.
Un beau décor donc, mais... toujours ce mais.
Sortie le 7 avril 2017 chez Bella Union pour l'Europe et Sub Pop pour le reste.
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