Diablo Swing Orchestra – Pandora’s Piñata

Votre cop(ain/ine) vous a plaqué ? Vous n'avez plus d'argent sur votre compte ? Vous êtes au chômage ou au contraire trop occupé par votre emploi ? Vous révisez pour vos rattrapages de partiels ? Vous êtes malade ? Vous avez donc besoin d'un bon remontant. Et non, je n'accepte pas les excuses qui permettraient de ne pas perdre votre temps à lire cette magnifique/sublime/extraordinaire (rayez la mention inutile, mais aucun des qualificatifs ne l'est) chronique.

Et surtout que le sujet du jour, c'est Diablo Swing Orchestra, ça vaut encore plus le coup de rester. Si vous ne connaissez pas, c'est grave. Très grave même, c'est une tare, un fardeau lourd et la honte s'abattra sur vous dans un fracas résonnant. Alors oui donc c'est quoi DSO ? Du metal barré, bien barré, complètement frappé. Un groupe en provenance de Suède, qui mélange jazz, rock et metal donc, et grâce auquel nous avons la joie d'écouter des « Ballrog Boogie », « Poetic Pitbull Revolutions » ou « Vodka Inferno ». Et ces joyeux drilles ont parfaitement réussis, par leur originalité et leur douce folie, à conquérir une base de fan. En même temps, le mélange barré, soit il passait, soit il cassait. Et très souvent, la première option était la bonne, avec nos fanfarons préférés.  Et ils ne proposaient pas une pâle copie de Ram-Zet, par exemple. Ils possèdent bien une personnalité qui permet d'identifier la formation dès le premier coup d'oreille. Cela vous tente ? Car en 2012 apparaît un tout nouvel album, Pandora's Piñata, qui, on l'espère, parviendra à faire aussi bien que les deux précédents. La barre était placée très haute, il ne fallait donc pas laisser les fans sur le carreau, ni la créativité ou le talent. Une certaine crainte, et hâte également au moment de découvrir cette nouvelle œuvre.

Pour notre plus grand bonheur, Diablo Swing Orchestra fait toujours … du Diablo Swing Orchestra. C'est expérimental, c'est fun et déluré, mais c'est très bien foutu et le mélange des différents styles est fait sans aucun problème, tant le tout semble fluide et que les multiples éléments s'emboîtent merveilleusement bien les uns dans les autres. L'ajout d'une trompette et d'un trombone par l'arrivée de Martin Isaksson et Daniel Hedin est également perceptible tout au long du brûlot, ces deux instruments étant plus présents que jamais, occupant tout de suite une place de premier choix sur des pistes comme « Voodoo Mon Amour » ou « Kevlar Sweethearts ». Ces deux cuivres ne sont pas trop en avant, mais possèdent quand même leur place dans ce grand orchestre de la folie. Un « riot-opéra » comme le nomme le chanteur/guitariste Daniel Håkansson, un terme qui synthétise idéalement l'esprit puissant et lourd apporté par les parties metal et la douceur d'un lyrisme parfois exacerbé qui fait soit contraste, soit complémentarité. Mais il est vrai que de temps en temps, la section metal est légèrement plus en retrait que sur Sing Along Songs for the Damned & Delirious, et dans son approche, on sent une certaine volonté de vouloir revenir à l'ère de The Butcher's Ballroom, dans une veine cependant plus véloce et musclée. En réalité, la fusion des deux genres n'a jamais été aussi bien réalisée, et on sent que la maturité est plus acquise que jamais pour Diablo Swing Orchestra.

Côté composition, c'est le délire, mais la cohérence. Mélange étonnant, mais fait avec succès. Car la formation est devenue un peu plus calme, sans pour autant perdre tout ce qui leur confère charme et attrait. Les titres ont eux aussi plus de maturité, dans le sens où ils ne partent plus dans tous les sens sans raison, et ce même si avec DSO, c'était souvent très maîtrisé. Mais ils ne se reposent pas sur leurs lauriers et font le pari de s'assagir un tantinet, tout en gardant une tendance à l'amusement autant qu'ils le peuvent. Nous ne nous retrouverons donc pas avec une pâle copie des brûlots d'antan, bien au contraire. Si les suédois ont mis autant de temps à sortir leur nouvelle galette (3 ans, c'est assez long parfois), on sent bien que ce n'est pas pour rien. Ils ont peaufinés dans les plus grands détails, sans tomber dans un aspect prévisible ou le manque de spontanéité et de naturel qui caractérise le groupe. Ces qualités sont toujours là, pour notre plus grand bonheur, et le combo n'est pas décidé à abandonner ce qui fait leur succès. Pour autant, cet opus est à double-tranchant : il est une bonne porte d'entrée pour un public ne connaissant pas encore la formation, et même, pour des personnes n'écoutant pas de metal, Diablo Swing Orchestra se place comme une bonne alternative pour montrer que même dans ce style, l'ouverture d'esprit existe, et constitue un accès, un voyage qu'il sera difficile de refuser. De l'autre côté, les habitués ne trouveront peut-être pas leur compte. Les uns peuvent penser que le metal prédomine trop par rapport à The Butcher's Ballroom, les autres que le côté barré à tout prix est trop en retrait en comparaison avec Sing Along Songs for the Damned & Delirious. Et des morceaux du calibre d'« Aurora » diviseront le public, dans une nette différence avec le registre habituel du groupe, avec un vrai opéra. Ouverture d'esprit nécessaire, donc.

Mais heureusement, tout s'écoute encore une fois très facilement, et les titres fondent littéralement les uns dans les autres, sans pour autant former une énorme masse dans laquelle rien ne se distingue, au contraire. Ils cultivent l'hétérogénéité, une diversité de bonne facture et appréciable qui conserve néanmoins la même base, c'est à dire mélange jazz-metal/rock, et le reste est brodé autour, mais de la broderie de qualité, précisons, exécutée par des mains expertes et des doigts de fée. Aucun mal cette fois-ci à écouter le brûlot de bout en bout, et pas de lassitude à cette aventure drôle et sérieuse en même temps. DSO est une formation qui, à la fois, joue sur sa carte de l'inventivité et de la folie constante, mais les scandinaves se prennent tout à fait au sérieux et tiennent vraiment à laisser leur empreinte dans le monde du metal. Chose réussie. Même les détracteurs auront du mal à nier qu'en dépit du dégoût qu'ils pourraient éprouver à l'encontre de la formation, leur nom n'est désormais plus si inconnu et leur réputation de plus en plus importante. Le pari semble donc gagné, pour le moment.

Diablo Swing Orchestra

Toi, là ! Oui, toi ... tu n'écoutes pas notre nouvel album !

Jazz et rock/metal, ce mélange détonnant, n'oublie pas une chose : il faut accrocher l'oreille de son auditeur, et peut-être convaincre les amateurs d'un style ou de l'autre. Si les fans de jazz regretteront certainement une guitare et une batterie trop en avant (alors qu'un « Honey Trap Aftermath » fait une plus grande place aux cuivres), ceux de rock/metal, s'ils réussissent à apprécier le tout, devraient trouver leur compte dans l'ensemble. Et puis, même si certaines pistes sont plutôt longues quant à la durée, il faut bien avouer que tout cela passe très rapidement. Agencées de manière à nous divertir et nullement lasser, ce n'est pas forcément par les refrains que nos délirants suédois feront de l’œil à l'auditoire, bien que ceux-ci sont de temps en temps mémorisables : « Voodoo Mon Amour » reste en tête très longtemps, de même que « Black Box Messiah ». Probablement les deux titres les plus calibrés à faire des singles. Mais ce qui est vraiment un point fort, c'est la forte cohérence, et le meublage qui ne devient pas du remplissage. On retrouve souvent moult éléments, mais qui ne font pas office de cache-misère. Au contraire, ils montrent plutôt la volonté de vouloir appuyer la diversité de Pandora's Piñata, et offrir quelques petites surprises. Ainsi, « Exit Strategy of a Wrecking Ball » passe sans que l'on s'en rende compte.

En plus, encore une fois, on se retrouve avec une production plus soignée tu meurs. Chaque instrument trouve sa place (bien que parfois, la batterie soit un peu sous-mixée) et rien n'empiète sur les territoires des autres. Super, non ? Car ce son clair et précis n'est pas aseptisée non plus, il est juste bien conforme à ce qu'ils auraient été en mesure de vouloir, c'est à dire une qualité sonore qui soit en mesure de combler chacun, et de faire ressortir comme ils le souhaitaient toute la diversité et la folie. Il est donc plus facile de percevoir les points sur lesquels DSO souhaitent attirer l'attention avec cela.

Si Daniel parle de « riot-opéra », ce n'est pas uniquement pour la musique car les voix prennent une part très importante. Deux voix dans des styles lyriques, masculine et féminine, prédominance nette de la seconde cependant, ce qui pourra rebuter les non-amateurs de « castafiore ». Pourtant, Annlouice Loegdlund est une excellente chanteuse, dans un registre de soprano dramatique exécuté à merveille, avec une technique plutôt développée, loin des clones de Tarja que l'on retrouve parfois un peu trop souvent. Sa voix est plutôt froide, mais pas dénuée d'émotions pour autant. Elle et son compère parviennent à en transmettre bien souvent : la jeune femme est poignante sur « Kevlar Sweethearts », surtout dans les passages les plus doux. Quant à Daniel, qui chante bien lui également, il nous montre qu'il est à l'aise sur « Black Box Messiah » ou « Exit Strategy of a Wrecking Ball », et n'a finalement pas grand chose à envier à d'autres frontman. Il trouve sa place sans problème, et son chant n'est pas un handicap. Il est au contraire un bon moyen de renforcer l'aspect hétérogène de l'opus, et l'alternance des chants est plaisante. La femme, elle, s'exécute même à un morceau typiquement opéra sur « Aurora », mais qui ne sera pas forcément au goût de tous, à l'instar d'un « Virvatulen Laulu » d'Amberian Dawn, avec des différences cela dit.

Vu comme cela, aucun morceau n'est à jeter dans Pandora's Piñata. Ils ont tous leur place, et manqueraient s'ils n'étaient pas là. Même cette interlude, « How to Organize a Lynch Mob », avec de belles sonorités asiatiques. Bien sûr, « Voodoo Mon Amour », tubesque, hymne en puissance, fait partir dans les meilleures conditions : complémentarité réelle entre jazz et metal, voix féminine plus en forme que jamais, refrain puissant, tous les ingrédients sont réunis pour réussir à faire un morceau de qualité. « Kevlar Sweethearts », « Exit Strategy of a Wrecking Ball » ou « Aurora » ont leurs moments de douceur, mais pas d'ennui. Le chant féminin est simplement somptueux sur la première nommée, quant à la troisième, si elle sera l'objet de la division, force est de reconnaître qu'il s'agit d'une réussite, en particulier sur le plan vocal. Le lyrique rebutera de même sur « Of Kali Ma Calibre », qui pourra être considéré par certains comme le morceau faible, et ce en dépit des chœurs vraiment bien réussis, et d'un chant lyrique encore une fois touchant à l'excellence, et dont, sur le premier couplet, on jurerait, pour les connaisseurs de notre scène française, entendre la frontwoman d'Adrana (le niveau vocal des deux demoiselles étant dans le haut du panier). Mais ce titre, c'est du DSO dans les règles de l'art, et reste efficace. La surprise viendra de « Justice For Saint Mary », piste surprenante, avec une fin plutôt inattendue ! Soit dit en passant, titre le plus long, mais prenant également. « Mass Rapture » compte beaucoup sur l'ambiance, que chaque instrument s'évertue à instaurer, et la montée en puissance du titre le rend plus qu'intéressant. S'il fallait donc citer deux morceaux un peu sous le lot, alors « Guerilla Laments » et « Honey Trap Aftermath » seraient ceux-là, car de facture un peu plus classique, plus facile. Bons, mais peut-être moins. Mais c'est déjà bien.

Tout ce que l'on peut dire, c'est que 2012 semble être l'année des groupes déjantés. Après un très bon Freaks in Wonderland de la part des norvégiens de Ram-Zet et d'un Second Hand Wonderland décoiffant des autrichiens/polonais de Kontrust, les suédois de Diablo Swing Orchestra avec leur Pandora's Piñata frappent un grand coup. L'album de la maturité, ça ne fait aucun doute, car ils ont réussis à trouver un équilibre, sans pour autant se compromettre. En dépit de points encore perfectibles, ils nous font cadeau d'une galette qu'il serait insultant de refuser de la goûter. Diablo Swing Orchestra est un sérieux candidat pour le titre de meilleur album de l'année. Comme à leur habitude. Et pour le quatrième, la barre est placée très haute. Messieurs-dames, ne nous décevez donc pas.

 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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