"Les idées de textes viennent généralement en tournée. C'est là qu'on est confronté aux autres, à soi-même, et c'est là que naissent les thématiques. Nos textes parlent beaucoup de l'être humain, du rapport avec les autres, de notre place dans la société. C'est assez introspectif, mais aussi existentiel."
Assurant la première partie de Sick Of It All et Tagada Jones ce soir du 5 avril 2017, c'est dans des loges bien confortable que deux membres de Stinky m'accueilles, une heure avant leur show explosif dans la salle micro du Stereolux (Nantes). Ils nous parlent de leur début, leurs projets, avec notamment un nouvel album prévu pour cet automne.
La Grosse Radio : Merci à vous deux d'accorder du temps pour nos lecteurs de la Grosse Radio avec cette interview.
Claire : Merci à toi de t'intéresser au groupe (rires).
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Paul : Donc moi c'est Paul, je suis le batteur de Stinky, et j'ai intégré le groupe il y a environ trois ans, juste avant l'album Against Wind And Tide (2015).
Claire : Et moi c'est Claire, je suis au chant. Mon arrivée chez Stinky s'est faites il y a deux ans et demi, juste après Paul, également en pleine écriture de Against Wind And Tide. C'est vrai que Paul et moi ne sommes pas du projet original, mais on vient du même patelin. J'avais un autre groupe avant, qui connaissait très bien Stkinky qui se faisait appeler à ce moment-là Stinky Bollocks (traduisez "Boules puantes" NDLR), et je tiens à préciser ce petit élément de "finesse extrême".
Paul : Tu as rejoint le groupe pour une tournée européene qu'on allait faire.
Claire : C'est cela : les gars devaient partir en tournée, et leur chanteur travaillait, donc ne pouvait pas les accompagner. Il m'ont demander dix jours avant de partir si j'étais opérationnel, et j'ai répondu oui. J'ai dû apprendre les chansons en quelques jours, certaines mêmes dans le tour-bus. C'était une tournée européenne de neuf dates, à travers la République Tchèque, la Belgique, la France et l'Allemagne.
C'était donc le grand plongeon dès le début...
Claire : Direct, sans concession !
Paul : Pour moi aussi en fait. J'avais déjà fait des concerts avant avec eux en France, mais c'était ma première tournée européenne.
Même si vous ne faisiez pas partie de Stinky Bollocks, pouvez-vous nous parler de l'histoire de la bande, sa création, ses difficultés...
Paul : C'est un peu comme pas mal de groupes en fait. A la base, c'est une bande de copains qui voulait faire de la musique. Chacun appris à jouer un instrument, parce qu'il ne savait pas trop en jouer (Claire le regarde : "Parce qu'ils savent en jouer maintenant ?" Rires). Ca commence à rentrer (rires) ! Oui, c'est une histoire comme une autre, ils répétaient dans un garage, là où ils pouvaient, à faire quelques concerts à droite à gauche. Et puis plus le groupe évolue, plus on a envie de faire des dates, des "grosses dates" et de partir à l'étranger.
Claire : C'est vrai que les gars, dès le départ, ils avaient cette volonté de jouer partout tout le temps : tous les week-ends, toutes les vacances, ils partaient, même pour jouer dans des lieux qui n'étaient parfois pas très appropriés.
Vous étiez donc encore étudiants à cette époque ?
Paul : Non moi je travaillais...mais je suis redevenu étudiant (rires) !
Vous avez donc rejoint Stinky début 2014 pour toi Paul et fin 2014 pour toi Claire. Parlons de votre intégration : comment s'est-elle déroulée ?
Claire : Mal (rires) ! Je connaissais très bien Paul avant d'intégrer Stinky. Les gars de la bande, quant à eux, je les croisais puisqu'on était pratiquement voisins, mais sans se connaître vraiment. Donc pour moi, cela a été une découverte complète, car Paul, je le connaissais très bien, mais aucun des autres gars. Dans ces cas-là, ça passe ou ça casse. Et là, mon intégration s'est très bien passée. Il faut dire que la tournée s'est aussi très bien passée. On sentait que les gens étaient contents de nous voir, contents de nous entendre jouer, et ça motive.
Paul : C'est agréable d'aller jouer à l'étranger. Tu te dis que tu pars en Allemagne jouer pour des gens qui te connaissent un peu, c'est un super sentiment.
Claire : Ca fait bizarre aussi de voir des gens qui connaissent un groupe que tu viens d'intégrer et que tu ne connaissais même pas toi-même. Cela dit, c'est plus difficile de jouer en France que de jouer à l'étranger.
Paul : Oui, on a un excellent accueil à l'étranger.
Vous préparez donc un nouvel album ?
Claire : Pour octobre.
Paul : On a fini d'enregistrer la batterie samedi dernier, les guitaristes entrent en studio lundi prochain. Donc on peut bien que le processus est bien lancé !
On peut en parler ou c'est encore prématuré ?
Claire et Paul : Oui, c'est officiel.
Comment se déroule le travail de création, de composition quand on fait partie de Stinky ?
Claire : On arrive en répète, on boit une bière...ou deux (rires) ! On écoute les guitaristes qui ont souvent des idées de riffs, ça démarre souvent par là.
Paul : Tout le temps, en fait. Il y a toujours Seb ou Redwan qui arrive soit avec une partie de chanson ou même un morceau complet.
Claire : Après, Paul se cale dessus, les instrus s'introduisent également petit à petit, et le chant ne vient se greffer qu'à la fin.
Paul : Il y a parfois des idées qu'on abandonne assez vite. Quand on voit qu'on s'ennuie au bout d'un quart d'heure et qu'on n'arrive pas à mettre en place des choses ou que cela devient difficile, on passe à autre chose.
Claire : Une fois en studio par contre, on sait avec quoi on vient. Pour te donner un exemple, on vient d'entrer en studio et les morceaux sont prêts de A à Z. Il y aura forcément de petits ajustements, mais les grandes lignes ne bougeront pas.
Paul : Oui c'est ça. Tu vois les morceaux que l'on vient d'enregistrer le week-end dernier étaient déjà composés depuis un an...
En parlant de l'enregistrement, avez-vous des idées de compositions pendant les tournées ? De nombreux artistes nous disent que cela leur est déjà arrivé.
Claire : Oui, ça nous arrive dans le camion d'écouter un riff, de se dire "Ouah, ce passage est mortel" et de s'en inspirer. Les idées de textes viennent généralement en tournée. C'est là qu'on est confronté aux autres, à soi-même, et c'est là que naissent les thématiques. Nos textes parlent beaucoup de l'être humain, du rapport avec les autres, de notre place dans la société. C'est assez introspectif, mais aussi existentiel.
Paul : C'est vrai qu'en tournée, on passe beaucoup de temps ensemble. On exploite ces moments-là. Mais on essaie d'amener autre chose aussi, différents plans, voir si cela fonctionne.
Je reviens sur ce que tu disais Claire, la thématique. Quelle va être la direction que va prendre le nouvel album ?
Claire : Les morceaux ne seront pas forcément plus longs, bien que l'album comporte un titre de plus que Against Wide & Tide. Il sera plus sombre, plus violent et plus mélodique. Il y aura plus de chant, puisque j'ai plus de recul sur les titres comparé au premier opus. L'idée, c'est d'avoir beaucoup plus de variations, de nuances, car le premier album me parait "brut de pomme". (Paul se tourne vers elle en rigolant)
Paul : "Brut de pomme" ? (Claire rigole à son tour)
Claire : Ce que je veux dire, c'est qu'il est dans l'énergie pure, en un seul bloc ! Le prochain album sera plus travaillé, plus dans le détail. Cet album sera plus abouti, et c'est normal, car cela fait deux ans et demi qu'on tourne ensemble, qu'on construit des choses ensemble, donc c'est logique que cela se ressente dans notre musique.
Paul : Mais cela restera évidemment du Stinky, du punk hardcore ! Cet album sera "brut de pomme" (rires) !
Vous êtes en tournée en ce moment...Durant toutes ces dates, avez-vous le sentiment que la tracklist commence à se répéter ?
Paul : Bien évidemment, on a hâte de pouvoir jouer de nouveaux titres devant les gens. On en a déjà rajouté deux qu'on va jouer ce soir !
Comment se passe cette tournée d'ailleurs ?
Claire : C'est fatiguant ! Pour Limoges, les gars sont passés me chercher juste après le travail, on est arrivé là-bas à 22H et on a joué à 23H. On a dormi un peu, puis on a repris la route, direction Toulon. On a pu se reposer un petit peu arrivé là-bas.
Paul : Cela va très vite en fait : tu manges, tu joues, tu dors ... et tu te réveilles ! Mais on s'éclate, on fait ce qu'on aime.
Claire : C'est toujours très agréable de partir loin de chez toi et de voir des gens qui ne connaissent pas forcément ton groupe, qui vivent le moment avec nous et qui apprécient. Le but c'est de faire des rencontres, d'évoluer.
270 concerts, dans 14 pays...
Paul : Ouais, et on va bientôt être à 15 pays et plus de 300 concerts.
Et une date au Hellfest.
Paul : Oui, mais je n'y étais pas, je suis arrivé pour le concert d'après, on était à Lorient, un truc comme ça. Je suis rentré juste après. Je suis le huitième batteur de Stinky.
Claire : C'est pour cela que "Contre vents et marées" portait très bien son nom d'album, parce que cela ne s'est pas fait sans difficultés. Je pense que les gars ont eu maintes fois l'occasion de dire : "c'est bon, on arrête". Quand tu changes huit fois de batteur et trois fois de chanteur...c'est aussi pour cela que lorsque le line-up s'est stabilisé, on a décidé de raccourcir le nom du groupe en Stinky, pour signifier qu'on prenait un nouveau départ.
Depuis 2014, il y a une stabilité dans la bande...
Claire : Bah, j'ai toujours du mal avec le batteur (rires).
Paul : C'est normal, je suis un peu "brut de pomme" (rires).
Vous êtes à la Scène Michelet (Nantes NDLR) le 13 avril. Préférez-vous jouer à domicile, devant des gens qui vous connaissent et connaissent vos compositions, ou devant un public qui vous découvre ?
Paul : Comme ça, maintenant, je te répondrais que je préfère jouer ailleurs, juste pour le plaisir de faire découvrir notre musique ! Entendre des gens qui disent : "Put***, je ne connaissais pas ce groupe, il faudra que j'aille voir ça sur le net", c'est toujours un sentiment de grande satisfaction.
Claire : On en parlait tout à l'heure avec Redwan, on nous a demandé lors d'une autre interview qu'elle était notre meilleur souvenir de concert. On s'est rendu compte que ce n'était pas forcément une date lors d'un show dans une grande salle. L'été dernier, on a joué avec Sick Of It All au Ferrailleur (salle de concert à Nantes, NDLR). C'était quand même une superbe soirée, mais ce n'est pas un de nos meilleurs souvenirs. Quand on est parti en Espagne, on a joué dans un skate-park ! Personne ne nous connaissait, mais dès qu'on est arrivé, tout le monde a voulu nous acheter des tee-shirt, etc...On est à peine arrivé qu'il y avait une trentaine de personnes pour nous acheter notre merch!
Paul : En fait, on avait joué la veille à une heure de là, et les gens qui nous avaient vu la veille sont revenus !
Claire : Dans un skate park !... (Claire regarde Paul) Il y avait un mec avec un chalumeau, tu te souviens ?
Paul : Ouais ouais, je me souviens (rires) ! Il était au milieu des gens avec son chalumeau, avec des skateurs autour...c'était dangereux, je te l'accorde ! Mais c'est un super souvenir !
Claire : Je préfère largement les souvenirs de soirées comme celle-là, avec des petits lieux insolites qui favorisent les rencontres. Après, des plateaux comme ce soir, on en fait pas tout le temps non plus, on profite également de jouer avec Sick Of et Tagada Jones !
La première fois qu'on vous a dit : "Vous allez ouvrir pour Sick Of It All", vous étiez dans quel état ?
Paul : C'est hyper excitant ! C'est un gros groupe de hardcore américain, c'est les "papas", donc jouer avec un groupe de cette envergure, c'est une chance.
Si vous pouviez choisir de faire la première partie d'un groupe, ce serait lequel ?
Paul : De suite...Comeback Kid ! C'est un groupe qui m'influence beaucoup et que j'écoute depuis longtemps.
Claire : Propagandhi, The Offspring et Katatonia.
Paul : Ah ouai, toi, tu en prends plusieurs ! (rires)
Depuis combien d'années jouez-vous d'un instrument ?
Paul : J'étais guitariste avant d'être batteur. Quand j'ai su que Stinky cherchait un batteur, il m'ont donné un délai pour apprendre cet instrument afin d'intégrer le groupe. J'en ai acheté une sur internet, c'est celle avec laquelle je joue ce soir d'ailleurs, et j'en ai appris pendant un an. Je leur ai montré, et c'est comme ça que j'ai intégré la bande. Je n'ai plus de temps de faire de guitare en revanche...
Claire : Pour ma part, j'ai commencé le chant très jeune, et le chant saturé n'est venu qu'à mon adolescence lorsque je chantais pour Ellipse.
Pour finir, quel est l'artiste que vous écoutez en ce moment ?
Paul : En ce moment, j'écoute le dernier Mastodon.
Claire : Ca fait deux ans que je lui dit d'écouter Mastodon...Quant à moi, j'écoute le dernier While She Sleeps.
Paul : Heu...il ne faut pas le dire, il n'est pas encore sorti (rires). Tu l'as écouté une fois ou deux ?
Claire : Quatre ! Et j'écoute aussi beaucoup Against Me.
Je vous remercie énormément pour le temps que vous m'avez accordé !
Paul : Merci à toi, c'était très sympa !
Claire : Merci !
Interview réalisée le 5 avril 2017.
Merci aux membres de Stinky.
Merci à Pat de Klonosphere.
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