Alors qu'il officiait en tant que première partie de Williams Brutus au Crusoé de Dijon (le gros report ici), nous avons décidé de nous entretenir avec Steven Morvan peu après son concert.
Bien que n'étant pas un artiste reggae, nous avons tout de même estimé judicieux de découvrir plus avant qui était Steven Morvan, sa personnalité et ses influences musicales.
Rassurez-vous, nous avons tout de même parlé de reggae, puisque le chanteur s'est plu à reprendre Bob Marley ou UB40 au cours de son set.
Bonjour Steven Morvan, merci de nous recevoir au nom de La Grosse Radio. Peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Steven Morvan. A la base, je suis Dijonnais. Par la suite, je me suis quelque peu expatrié dans tout l'Est et là je suis plus ou moins de retour à Dijon. Comme ça fait longtemps que je connais Williams Brutus, il m'a proposé de faire sa première partie, ce que j'ai accepté avec grand plaisir.
Quelques impressions sur le concert que tu viens de donner ?
Le retour, ce n'est pas trop à moi de l'avoir, mais j'ai eu des réactions positives. De mon côté, ça s'est bien passé, en ce qui concerne le public, a priori c'est la même chose.
Peux-tu nous parler de ton set ? Tu alternes entre reprises et compositions originales ?
Tout à fait, c'est un mix entre les deux. Il y a beaucoup de reprises issues de grands classiques de la funk ou de la pop réadaptés en funk. Je viens en effet d'un milieu funk, soul et jazz, j'essaye donc toujours de tirer un peu la couverture vers moi. On trouve aussi beaucoup de compositions, même si je n'en fais pas trop en ce moment, sachant que mon album est en préparation et je n'ai pas nécessairement le temps de réarranger ces morceaux en acoustique, mais j'essaye quand même d'en mettre un maximum.
Parmi les reprises, on a pu entendre UB40 ou encore Bob Marley. Le reggae fait-il partie de tes influences ?
Le jazz, la soul et la funk sont caractérisés par des bases de blues accélérées ; quant au reggae, ce sont des bases de blues ralenties. Au final, il s'agit d'un grand ensemble de musiques et de voix chaudes, par conséquent, on ne peut jamais être chanteur que d'un seul genre en particulier. Il est impossible d'échapper au reggae, puisque ça a marqué des générations entières ; mon père était fan de Bob Marley, il avait tous les vinyles à la maison. Le challenge de ce soir était de faire un mash up entre "Jammin'" et "Get up stand up" et de le retravailler en mode funk, tout en sachant que je faisais la première partie d'un concert de reggae. A priori, ça s'est plutôt bien passé.
Et ça apporte une vraie plus-value aux morceaux...
Je ne sais pas si ça peut être une plus-value. Dans tous les cas, je me sens plus enclin à faire de la funk que du reggae, même s'il m'arrive de jouer un peu de reggae lorsque je fais un bœuf avec les copains et c'est toujours agréable. Pour revenir au concert, le public ne s'est pas déplacé pour moi, ça peut donc être à double tranchant, tu peux te ramasser complètement alors que tu as produit quelque chose qui marcherait bien dans un autre contexte.
Alors justement, tu étais en première partie d'un artiste reggae. Aurais-tu repris ces morceaux dans un autre environnement ?
Oui, je pense que je les aurais quand même joués, puisque ce sont deux morceaux que j'aime beaucoup et que je reprenais lorsque j'ai commencé le chant.
On a également entendu le "Here comes the hotstepper" d'Ini Kamoze...
(rires) En effet et d'ailleurs c'est un titre que les gens connaissent plus pour la pub Evian que pour la version originale. J'adore ce morceau ! A chaque fois, je le mets en début de set pour voir si le public suit ou pas et du coup j'ai entendu quelques "Nah, na na na", donc ça a dû passer.
Parlons de ta voix maintenant qui est assez rauque et qui rappelle celle des bluesmen...
Ce qui est étonnant, c'est que je ne force pas pour obtenir cette voix. Quand je parle, j'ai une voix qui est plutôt douce, mais lorsque je me mets à chanter et que je dépasse un certain volume sonore, mes cordes vocales craquent et ça devient tout de suite très erraillé. Si je joue calmement, la voix ne part pas, mais il suffit que je mette juste un peu d'entrain et elle va tout de suite s'envoler ; au début, je ne le maîtrisais pas trop, mais maintenant j'arrive à le doser. A la base, j'ai une voix qui est pleine comme tous les chanteurs de soul, mais il y a un espèce de grain qui vient se mettre par-dessus qui la casse complètement et qui va jouer dans le blues. Je ne saurais pas trop me placer finalement.
Des chanteurs tels que Muddy Waters ou John Lee Hooker te marquent-ils ?
J'en ai plein l'ordinateur ! (rires) D'ailleurs, ma chanson préférée est "Bourgeois Town" de Leadbelly, et là pour le coup on est vraiment sur le chanteur qui a la voix la plus rauque possible. A l'origine, je ne suis pas du tout formaté pour cela, mais plus les années passent et plus les rhums passent et plus ils font leur effet ! (rires)
Tu disais plus haut que tu préparais un album ?
C'est mon tout premier album et il s'agit d'un gros défi. Je ne sais pas du tout comment ça va se passer ni comment on va le vendre. D'autant plus que ce n'est pas étiqueté sous mon nom mais sous celui d'un groupe, The Phunky Business, composé de mon producteur et de moi-même, sauf qu'on ne fera pas de dates ensemble vu qu'il n'aime pas l'exposition. Il faudra donc le réarranger afin de le défendre sur scène ou alors trouver le backing band qui voudra m'accompagner, sachant que les arrangements sont très pointus. La funk c'est assez simple, mais c'est très précis ; c'est ça qui est compliqué et il faudra donc dénicher des musiciens qui ont au moins vingt ans de métier ou qui ont commencé par ça. L'inconvénient, c'est que ce n'est pas gratuit. Même jouer l'album en acoustique, ça va être difficile et je ne suis pas fan du fait de venir avec la bande enregistrée toute prête. Le gros point d'interrogation reste avant tout cet aspect des choses, à savoir le live, puisque la sortie de l'album est assurée, mais si on ne trouve pas un label ça va être injouable pour prendre des musiciens. C'est le gros défi de 2017.
Quelle va être la tonalité de l'album ? Funk ? Soul ?
Funk. On l'enregistre à l'ancienne. Mon producteur a une talkbox qui date de 1970/1972, on ne va donc pas travailler au vocoder électronique. Les claviers, ce sont des vieux Korg et des vieux Akai de 1982, la guitare a le manche déformé mais elle donne un son intéressant entre accords justes et faux accords et ça passe nickel avec une wah wah. L'album est produit avec les moyens du bord et est d'inspiration funk 70's/80's : on est plus dans le George Duke que dans la funk moitié raï diffusée aujourd'hui.
C'est vraiment revendiqué d'avoir ce son vintage ?
Oui, c'est fait exprès. Après, je suis quand même assez lucide, ma voix ne sonne clairement pas 2017.
Faut que tu rajoutes de l'autotune sur ta voix...
Oui, à ce moment-là, j'aurai un effet 2017 (rires). Quoiqu'on en a mis sur un titre, pas de l'autotune, mais un vieux vocoder sorti du clavier Akai. Il y a un rendu avec une voix électronique toute pourrie, mais c'est tellement kitsch que ça passe. (rires)
D'ailleurs, l'autre jour on a fait un test chez des potes, on leur a diffusé quelques titres de l'album et l'un deux nous a rétorqué : "Ouais pourquoi vous avez ressorti un vieux disque de 1975 ?" En fait, ils avaient deux semaines (rires). Mais c'est cool, c'est l'effet escompté, on est content.
Y aura t-il des parties acoustiques comme c'était le cas ce soir ?
Ce n'est pas prévu pour cet album-là, plutôt dans un projet parallèle qui sera crédité sous mon propre nom. On retrouvera de la funk et de la soul en acoustique : guitare/voix, quelques percus et des arrangements pour embellir la chose.
As-tu des dates de prévues ?
Les dates sont en cours de booking. Je cherche, j'ai été contacté, j'attends les réponses. Mais il faut que je m'exporte, puisque Dijon n'est pas la ville qui bouge le plus musicalement et pas dans ce contexte funk. L'idéal serait de partir sur Paris.
BIG UP Steven Morvan ! Merci de nous avoir accordé cette interview !
Merci également au Crusoé !
Crédits photos : Live-i-Pix