Remonter le temps. On en a tous rêvé, retrouver l'innocence de l'enfance, le parfum des esquimaux achetés à la sortie de l'école avec l'argent donnée pour les bons points rapportés, un peu plus tard le choix se portera soit sur le paquet de cigarettes, soit sur le nouvel album d'Iron Maiden ( la seconde option, plus onéreuse et demandant plus de notions d'économie, était cependant moins « risquée » car plus légale, du moins lorsque l'on a 14 ans), les premiers flirts, le ventre plat...Bref, on aimerait tous un moment pouvoir utiliser une machine à remonter le temps pour pouvoir revivre tous ces bons moments. Mais ça n'existe pas.Sauf dans les récits de science-fiction. Il en est des états d'âme de la vie ordinaire comme chez les groupes de Metal. Eux aussi, ils ont la nostalgie.C'est même une maladie de plus en plus répandue.Nostalgie d'une époque dorée faite de ventes importantes de disques et d'inspiration artistique fort développée.Les artistes expriment parfois cette nostalgie en reformant le line-up de leur âge d'or et, souvent,en organisant des tournées commémoratives où un album clef de la carrière du groupe est joué, histoire de remplir quelques stades éventuellement au passage ( pour les plus fortunés qui sont parfois les moins inspirés ). Mais il y'a aussi un autre cas d'école : Le disque clone et là on est plus proche de la science- fiction, enfin façon de parler et de faire une comparaison en accord avec l'album que je m'apprête à chroniquer. Fear Factory, groupe qui a acquis ses lettres de noblesse en sortant deux superbes opus au siècle dernier : Soul Of A New Machine en 1992, amalgame parfait de Death Metal et d'Indus ( à l'époque seul les anglais de Pitch Shifter, citons aussi les autrichiens Fetish 69, proposaient le même mix sur leurs premiers albums ), et Demanufacture, un classique du Metal Industriel produit par le sorcier, doctor és en maléfices électro dark, de Front Line Assembly : Rhys Fulber, lui sorti en 1995. Avec ces deux disques l'usine de la peur a construit son style fait de riffs épais, et terriblement efficaces, pondus par l'imposant Dino Cazares ( le Malcom Young du Metal Indus ? ) sur des guitares 7 cordes accordées plus bas que la moyenne, ( bien avant que les névrosés middle class du Neo Metal reprennent ce gimmick ) et de sonorités issues de la musique industrielle, le tout baignant dans une ambiance de fin du monde.
Fear Factory c'était ( enfin c'est, quoi que... ) aussi un remarquable chanteur Burton C Bell, capable de passer d'une voix grave et agressive à un registre plus mélodique et mélancolique.Le tout était soutenu par une section rythmique ( composée du bassiste, qui a aussi tenu la guitare dans FF après le départ de Dino, belge Christian Olde Wolbers et du batteur Raymond Herrera, tout deux ont quitté le groupe au retour de Cazares, ambiance ) efficace et bien groovy. Cette belle équipe a donc sorti les deux chefs-d'oeuvre déjà cités et, le succès aidant peut- être, a commencé à vouloir coller un peu à l'air de son temps, en flirtant avec les sonorités Neo Metal à partir, du encore bon, Obsolete en 1998. Vint la chute amorcée par l'album médiocre sorti en 2001 Digimortal.
Dino quitta l'usine qui perdit alors son chef de production en riffs assassins.Le reste du groupe s'est alors retrouvé au chômage technique, jusqu'en 2004 où, à la surprise générale, sortit Archetype qui fut suivi un an plus tard de Transgression. Je ne connais pas ces deux albums, ou alors juste de, pas toujours bonne, réputation. Tout comme je n'ai pas eu l'occasion d'écouter l'album célébrant le retour de Dino Cazares en 2010 : Mechanize. The Industrialist ( titre ô combien original ) est donc le 1er disque de Fear Factory que je découvre depuis ce Digimortal de sinistre mémoire. Que dire de la neuvième sortie de l'usine de la peur, disponible depuis le 5 juin sur Candlelight Records ? Le clonage a été réussi messieurs-dames. Lorsque je parle de réussite, je fais état des qualités techniques avant tout cependant car pour ce qui est de l'intérêt artistique de The Industrialist, je reste plus mitigé. Ce nouvel album a été composé par le duo Bell/Cazares qui se sont accompagnés d'une boîte à rythmes et des arrangements électroniques de Fulber ( qui a aussi produit l'oeuvre au passage ) pour l'enregistrer ( la section rythmique pour la tournée sera assurée par l'ancien bassiste de Chimaira et de Six Feet Under Matt DeVries et un certain Mike Heller, après le départ du talentueux-mais peut-être un poil trop bourrin pour Fear Factory-Gene Hoglan, sera derrière les fûts ), ce qui est censé donné un côté froid à The Industrialist. Les deux membres originaux de Fear Factory aiment à souligner dans les interviews promotionnelles qu'ils donnent en ce moment que leur dernier album est basé sur un concept. Une histoire d'ordinateur ( le fameux Industrialist, vous suivez ? ) qui se verrait doté au fil du récit raconté par les dix pistes du disque de facultés propres aux humains telles que sentir, aimer, haïr ou faire caca ( rires robotiques ).
On imagine très bien Burton C Bell en train de se (re?) plonger dans la lecture des oeuvres de Isaac Asimov ou de Philip K. Dick, regarder en éclusant des bières Blade Runner, les Terminator, I Robot ou Futurama et de téléphoner à son compère guitariste en lui disant d'un ton euphorique: « Dino, j'ai une super idée de concept pour notre prochain album ! On va parler d'une machine qui veut devenir humaine et on va l'appeler The Industrialist, comme ça nos fans retiendront facilement déjà. T'es partant ? » Et Cazares de répondre, entre deux bouchées de Big Mac : « Bah oui c'est carrément cool, puis tu peux aussi rajouter une pincée de critique du pouvoir religieux, faut varier un peu. ». On se moque mais musicalement, il vaut quoi cet album ? Déjà il se laisse écouter et comporte tout ce que l'on a à attendre d'un, bon, disque de Fear Factory c'est à dire des riffs « mitraillette » pondus par Cazares ( comme c'est le cas sur le titre d'ouverture, et qui donne son titre à l'abum, « The Industrialist » où la guitare s'harmonise très bien avec la boîte à rythmes, sur « Recharger » aussi , le break de « New Messiah » ou « Difference Engine » ), sa guitare bien grasse ( pas de comparaisons faciles je vous prie ) est très bien mise en valeur par la production de Rhys Fulber ( à noter les effets rajoutés sur « Disasemble » ) et les sonorités Neo sont définitivement mises au placard, une bonne chose. La voix de Burton C Bell quant à elle alterne toujours entre poussées de rage ( « The Industrialist » mais aussi l'intro de « Difference Engine » et son « Here We come ! » scandé comme un cri de rébellion ) et parties plus chantées, sur les refrains notamment ( comme sur...La plupart des morceaux ).
Le cahier des charges a été respecté sans aucun problème, The Industrialist rappelle souvent Demanufacture, voire Soul Of A New Machine avec son atmosphère sombre et c'est le reproche que je peux lui faire. Il n'y aucune surprise sur ce nouvel album de Fear Factory, pire certains morceaux sentent la redite, voire même le recyclage ( le sample introduisant « Virus Of Faith » rappelle fortement l'intro de « Crash Test », morceau présent sur Soul Of A New Machine tandis que « Difference Engine » est quasiment un plagiat du « Replica » de Demanufacture sans oublier la longue et désespérée piste finale « Human Augmentation » qui évoque la fin de « Therapy For Pain », dernier morceau de Demanufacture ) et nous pouvons affirmer que Fear Factory n'a pas pris beaucoup de risques ( ou a manqué d'inspiration si nous voulons être méchant ) pour son nouveau disque. Et puis cette intro pompeuse sur la première piste n'est pas du meilleur goût aussi. Dommage car il y'a du bon matériel sur The Industrialist, notamment le assez électro « God Eater » au groove mécanique et à l'ambiance « dark » ( atmosphère que l'on retrouve aussi sur le court interlude « Religion Is Flawed Because Man Is Flawed » ) où la voix grave de Bell s'exprime avec beaucoup de feeling. Cette piste rappelle un peu les remixes de Remanufacture ou le Front Line Assembly de Rhys Fulber et j'aimerais que Fear Factory exploite à l'avenir cette facette plus expérimentale quitte à perdre un peu la frange la plus Metal de son public. Retenons aussi l'efficace « New Messiah » qui malgré sa structure classique sent le futur single.De même, signalons une petite innovation à la fin de « Virus Of Faith » avec son solo de guitare ( très rare de la part de Dino ) suivi d'harmoniques. Dernier point positif qui sauve du naufrage cette dernière offrande, The Industrialist dure juste le temps qu'il faut pour ne pas lasser même si certains morceaux sont plus anecdotiques ( «Depraved Mind Murder » et « Disassemble »). Si vous tombez par hasard ( à la médiathèque de votre ville, oublié au PMU du coin, en soldes chez Leclerc ou trouvé dans une poubelle de la FNAC ) sur ce disque, il vous permettra de passer un agréable moment et peut éventuellement servir d'introduction à l'univers cybernétique de Fear Factory. Moi personnellement, je me relirais bien Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? en écoutant Demanufacture.
Comme quoi le clonage a ses limites.
Liste des titres :
1.The Industrialist
2. Recharger
3. New Messiah
4. God Eater
5. Depraved Mind Murder
6. Virus Of Faith
7. Difference Engine
8. Disassemble
9. Religion Is Flawed Because Man Is Flawed
10. Human Augmentation
N-B : L'édition limitée de The Industrialist comprend un livret expliquant en détails l'histoire racontée dans l'album ainsi que des croquis de Burton C Bell.
http://www.myspace.com/fearfactory
http://www.fearfactorymusic.com/