Merrimack, groupe de black metal français, sort son nouvel album le 22 juin prochain chez AFM Records... d'ici là, un passage au Hellfest prévu le vendredi 15, et un passé fait de changements de lineup assez fréquents.
L'occasion de s'entretenir avec le fondateur "dernier survivant" Perversifier et le nouveau chanteur Vestal, pour une entrevue en mode obscur.
Lionel / Born 666 : Que s’est-il passé au niveau du line-up avec tous ces changements soudains ?
Perversifier : Notre guitariste EsX a décidé d'aller explorer d'autres horizons musicaux dans d'autres formations, et cela a provoqué un effet boule de neige, Terrorizt et Necrolith ont décidé de ne pas continuer avec un autre line-up.
Lionel : Quels sont les termes abordés dans les paroles The Acausal Mass ? Un concept latent ou des morceaux parlant de choses diverses ?
Vestal : The Acausal Mass est centré autour de la Gnose. Révélation putride des premiers chrétiens, ceux qui mangeaient les psylo qui poussaient sur les parois des grottes d’Essénie, les mystiques qui avaient compris le sens des paraboles de Jésus, par delà leur signification exotérique destinée aux moutons. La compréhension du monde, de la chair et de l’atome comme d’une prison maléfique, une illusion destinée à capturer notre part de divinité et à la soumettre à un jeu de hasard cruel et absurde. Chaque homme a cette part luciférienne d’une créature divine dont la lumière originelle a été destituée. Chaque homme est une Chute. Les gnostiques avaient compris que le Dieu des Hébreux n’était pas le vrai Dieu. Ils appelaient Yahvé « Ialdabaolth », ce qui signifie le Menteur, le Manipulateur. Nous sommes sous le joug de la folie. La folie hante chaque atome, chaque particule, chaque parcelle de ce monde. Son nom est Corruption. Il n’y a pas d’espoir. Priez, et avortez. Vite.
Lionel : Comment s’est passé l’enregistrement aux Necromorbus Studio en Suède ?
Perversifier : Très bien. Nous sommes habitués à ce studio, c'est la troisième fois que nous y allons, les méthodes de travail nous conviennent, il existe une bonne entente entre Tore et nous, et il sait exactement ce que nous cherchons à créer avec Merrimack, il est d'une aide précieuse. C'est aussi important pour nous d'être isolés de notre quotidien à Paris, et de n'avoir à l'esprit que la tâche que nous avons à accomplir. Pour cela, le Necromorbus est idéal.
Lionel : La production est d'ailleurs énorme. Comment avez-vous travaillé avec Tore Stjerna et Sverker Widgren ?
Perversifier : Sverker n'a pas participé à la production de cet album. Ni aux précédents. Il enregistre plutôt des groupes de Death. Nous avons travaillé 7 jours sur 7, d'environ midi à 19h chaque jour, pendant 3 semaines, avec deux jours off en tout et pour tout. Il n'y a pas de méthode particulière en ce qui concerne le travail au Necromorbus, c'est un studio d'enregistrement, on prend notre instrument, et on joue, jusqu'à ce que cela soit parfait. On a pris un peu plus de temps qu'à l'accoutumée pour rechercher notre son, on a essayé diverses combinaisons d'amplis, de speakers, de pédales, de micros, etc... Et on a peaufiné ce son jusqu'au tout dernier jour.
Lionel : Quelle était votre journée type de travail en Suède ?
Perversifier : Réveil à 11h, café, clope, arrivée de Tore, écoute des prises de la veille, écoute de 2 ou 3 albums de référence pour se décrasser les oreilles, puis mise au travail de celui qui doit faire ses prises, pendant que les autres s'occupent (lecture, films, sieste, peu importe...), puis départ de Tore, et picole jusqu'à à aller se coucher, ou sortie dans les bars de Stockholm. Rien de bien transcendant.
Vestal : Masturbation non stop, c’est tout ce dont je me souviens. La lumière du jour était rare.
Lionel : Vous sentez-vous plus proches de la scène black metal norvégienne ou par exemple de la scène suédoise ?
Perversifier : Je pense que cela varie selon les membres du groupes, et des goûts personnels de chacun. Personnellement, je préfère la scène suédoise, elle est plus moderne et a su évoluer. Je ne renie pas les albums norvégiens que j'écoutais il y a 15 ans, mais ils sont un peu dépassés aujourd’hui, et personne n'a vraiment pris la relève dans ce pays.
Lionel : Quels sont les groupes qui vous ont d'ailleurs globalement le plus influencé ?
Perversifier : On écoute des milliers de groupes, et pas forcément les mêmes selon les membres du groupe. Je pense donc que la sonorité de Merrimack est un savant mélange de toutes les influences de chacun. On arrive pas en répète en disant "tiens on va faire un morceau à la "machin" ". Ca serait un peu dommage.
Vestal : Personnellement, du point de vue des paroles et de ma modeste contribution à la composition, j’ai cherché à m’éloigner le plus possible de mon background black metal, et de chercher quelque chose d’épuré, qui ne s’embarrasse pas des colifichets dont le métal se pare habituellement, ce qui peut volontiers transformer le BM en une vaste farce. On nous compare souvent à Watain, je crois que je n’ai jamais écouté plus d’un morceau de ce groupe en entier, que je trouve profondément ennuyeux et « mélodique » dans le mauvais sens du terme. D’ailleurs, le truc le plus « métal » que j’écoute depuis deux ans, c’est Current.
Lionel : Quels sont les signes cachés que l’on retrouve sur l’artwork ?
Perversifier : L'artwork est en étroite relation avec les paroles de l'album. On retrouve un symbole à neuf branches représentant les 9 angles du Plérôme (Arousing in Nine Angles Pleroma), on peut également discerner l'illumination et l'obscurité (Abortion Light), et des dessins anatomiques (Obstetrics of Devourment), etc... Cet artwork est plein de détails que l'on peut facilement appréhender si on prend la peine de lire les textes.
Lionel : Quel est l’instrument que l’on entend à la fin de « Hypophanie » ? Pourquoi l’avoir inclus dans ce titre ?
Perversifier : C'est un bouzouki, un instrument à cordes oriental. C'est Moloch du groupe Melechesh qui joue cette partie en tant qu'invité sur ce morceau.
Lionel : Comment réagit la presse étrangère pour l'instant à la sortie de The Acausal Mass ?
Perversifier : L'album n'est pas encore sorti, mais on a eu quelques retours très positifs pour le moment.
Lionel : Quelles sont vos relations avec les autres groupes de black metal français ?
Perversifier : En général assez bonnes. On s'entend bien avec la plupart des groupes parisiens, et une multitude d'autres groupes français. Peu étonnant, quand on sait que beaucoup de groupes partagent des membres communs.
Vestal : Big Up, 616, XOXO.
Lionel : Comment arrivez-vous à rester cohérents musicalement malgré ce grand changement de musiciens ?
Perversifier : Ce n'est pas la première fois qu'un changement de line-up radical se produit dans Merrimack. Je suis le seul membre originel du groupe. Je pense être le garant de la cohésion musicale du groupe, en faisant le lien avec le passé, et les nouveaux membres intègrent leurs influences et leur idées. Pour cet album, Daethorn qui est maintenant dans le groupe depuis à peu près 4 ans, a aussi joué le rôle de "liant" avec les nouveaux arrivants. Tout s'est passé très naturellement, les nouveaux membres se sont inspirés de l'esprit de groupe, et la plupart était fans de Merrimack avant d'intégrer la formation, cela leur a donc été facile de s'acclimater.
Lionel : Comment appréhendez-vous le rendez-vous de la Hellfest ?
Perversifier : Pas d'appréhension particulière. On sait que jouer à 11h du matin, 5 titres uniquement, ne pourra pas rendre justice à la musique du groupe, mais on fera de notre mieux pour restituer les atmosphères et l'état d'esprit de Merrimack pendant cette courte demi-heure.
Vestal : Certainement le pire endroit et la pire heure pour jouer du black metal, mais c’est aussi un sacré challenge et une opportunité de toucher un public plus large. Mettre un peu de fiel dans le cœur des enfants. Ou, au pire, un léger doute.
Lionel : Comment allez-vous organiser votre setlist sachant que le nouvel album n'aura pas forcément pu être écouté par tous vos fans sur place ?
Perversifier : On a décidé de jouer un morceau de chacun des 3 premiers albums, et 2 nouveaux titres issus de 'The Acausal Mass'. Le choix n'a pas été simple. Les morceaux de Merrimack durent entre 5 et 6 minutes en moyenne, on ne peut donc jouer que 5 titres.
Lionel : N’est-ce pas frustrant de passer si tôt sur scène pour un groupe de black ? On imagine que vous auriez préféré vous produire de nuit...
Perversifier : C'est loin d'être idéal, c'est certain. La lumière du jour est un réel obstacle pour bien véhiculer notre venin, mais ça n'est pas la première fois qu'on fait face à ce problème, c'est récurrent lors des festivals en plein air. On a choisi de miser sur des morceaux plus rapides et plus agressifs, les morceaux très atmosphériques n'étant pas adaptés à ce genre de scène.
Lionel : En 2009, vous aviez tourné avec Temple of Baal et Inkisitor. Que gardez-vous comme souvenirs de ces moments ?
Perversifier : Ca n'était pas une tournée, mais simplement 2 dates consécutives. Donc pas de souvenir mémorable, comparé aux vraies tournées qu'on a réalisées depuis la création du groupe. C'étaient deux bons concerts, surtout la date parisienne, ToB sont de très bons amis, et on apprécie beaucoup Inkisitor.
Lionel : Allez-vous partir en tournée pour promouvoir l’album ? En tant que tête d'affiche ou en première partie d'autres groupes ?
Perversifier : C'est en projet, mais difficile de savoir comment cela se passera, ni quand, ni avec qui. Il est de plus en plus difficile pour les groupes de notre taille de tourner, la baisse des ventes d'albums n'incite pas les labels à investir dans ces projets souvent très coûteux. Nous verrons si de bonnes opportunités se présentent, mais c'est notre priorité absolue !
Lionel : Avez-vous d'autres festivals de prévus cet été ?
Perversifier : Non. Nous venons juste de jouer au Throne Fest en Belgique la semaine dernière, et mis à part le Hellfest, ce sera tout pour cet été.
Lionel : Que pensez-vous de certaines polémiques inhérentes au black metal qui se transforment parfois en clichés (le satanisme par exemple, voire parfois le nationalisme) ? Quel est votre positionnement par rapport à tout cela ?
Perversifier : Merrimack est un groupe sataniste, et totalement apolitique. Tu devines donc que les débats concernant l’extrémisme politique de certains groupes ne nous intéresse pas, nous considérons que cela n'a pas sa place dans le Black Metal. Quant au satanisme, nous soutenons les groupes proches de nos idées, et méprisons ceux qui le tournent en dérision.
Vestal : Le satanisme est la condition d’existence même du black metal, son essence, son sang. Le black metal est une musique intrinsèquement religieuse, même lorsqu’il tend à dire l’inverse.
Lionel : Un dernier mot pour vos fans ?
AMSG.
Merci beaucoup et bonne chance pour la sortie de l'album, au plaisir de vous retrouver au Hellfest !