Heureux soient les fans de black metal qui voient une jolie programmation arriver sur Paris en ce début octobre. Alors qu’Archgoat a joué la veille et qu’Horna viendra le lendemain, c’est un petit détour vers un black metal moins true qui nous est proposé par Cartel Concert au Petit Bain avec la venue de Der Weg Einer Freiheit tout juste auréolé d’un nouvel album et des français de Regarde Les Hommes Tomber. Le tout malheureusement sans Interarma, bloqué au Etats-Unis pour des problèmes de passeports.
Regarde Les Hommes Tomber
La soirée commence donc avec Regarde Les Hommes Tomber et il vaut mieux arriver tôt pour avoir une chance d’apercevoir la scène. La fosse est remplie à ras-bord bien avant le début du set (le concert affiche d’ailleurs complet), preuve de la grosse renommée acquise par le groupe en tournant intensivement ces derniers mois.
La scène est plongée dans le noir si l’on exclut quelques faux cierges et une odeur d’encens vient nous titiller les narines lorsque les Français rentrent en scène. Le son est très bon et on parvient très vite à rentrer dans l’univers du groupe, entre blasts black metal classiques et passages plus lents entre doom et sludge. Sur ces derniers, on sent que l’influence des Amenra et autres Celeste est bien présente mais de façon plus ponctuelle, RLHT ayant pris un parti beaucoup plus black sur l’album Exile.
Un album qui sera d’ailleurs joué en entier pendant l’heure allouée au combo, avec quelques moments exceptionnels comme ce « To Take Us » plongeant la salle dans les abysses. Avec une centaine de concerts donnés depuis sa création, la maitrise et la cohésion des Français est indéniable et ils savent parfaitement où ils veulent emmener leur public et comment y parvenir. Ça dodeline gentiment de la tête dans la fosse mais on sent que tout le Petit Bain apprécie cette ouverture de soirée, en témoigne le silence religieux qui accompagne les moments plus calmes.
Devant les musiciens sobres et encapuchonnés, le chanteur Thomas attire les regards avec ses poses grandiloquentes et son chant parfaitement maitrisé. Un chant globalement très linéaire ponctué de quelques variations ici ou là, encore à améliorer et à développer. Pas d’inquiétude, Regarde Les Hommes Tomber a conquis sans forcer le public parisien et prouve qu’il est une force sur qui compter dans la scène black européenne actuelle et future.
Der Weg Einer Freiheit
Que dire sur cette prestation de Der Weg Einer Freiheit ? Une chose est sûre, pour avoir une idée du niveau atteint par les Allemands ce soir-là, il fallait y être. Un Petit Bain sold-out, un son et des lumières chirurgicales et 1h15 de black metal totalement maitrisée, la qualité allemande a de nouveau fait ses preuves. Petite surprise, ce n’est pas avec un titre de Finisterre que le set commence mais bien avec le sublime « Einkehr », scotchant totalement toute la salle. Quelque chose est en train de se passer, on le sent et le groupe aussi probablement.
Pourtant en tournée promo de Finisterre, les Allemands décident de ne pas trop le dévoiler avec simplement le dyptique « Skepsis » et « Aufbruch » en guise de rappel. Au lieu de ça, toute la discographie est balayée avec notamment deux titres du méconnu Agonie. Malgré la relative longueur des compositions, on aura droit à dix morceaux même si les fans d’un album en particulier comme Stellar resteront sur leur faim avec seulement deux titres joués. Comme d’habitude, la section rythmique est très carrée et le batteur Tobias Schuler est nonchalant au possible derrière les futs malgré la précision de ses blasts. Pour le reste, tout le monde fait son travail sobrement mais avec grande habileté, mention spéciale à Nikita Kamprad impérial dans le double-rôle chant guitare pourtant pas facile sur le papier.
Contrairement à Regarde Les Hommes Tomber, la communication n’est pas inexistante et on verra le frontman interagir avec son public. Une chose plutôt rare chez les Allemands et une preuve que le soutien massif du public parisien les a touchés. Mais le sold-out de ce soir ne doit rien au hasard et Der Weg Einer Freiheit est parvenu à rassembler bien au-delà du black metal en touchant des gens qui n’écoutent jamais ce style, le tout sans faire de concessions plus pop à la Deafheaven ou Ghost Bath. Les quelques ralentissements progressifs et contemplatifs que l’on trouve dans les compos sont de grandes qualités et sont emblématiques de la nouvelle école allemande (Downfall Of Gaia, Agrypnie…) portée ici à son meilleur.
Les titres les plus impressionnants sont sans conteste « Repulsion » et « Aufbruch », chacun possédant son léger apport en chant clair et des passages calmes des plus originaux. A la guitare, le discret Nico Rausch apporte souvent sa patte avec un talent certain, sans se laisser enfermer dans le carcan des riffs classique du black. Face à tout cela et si l’on excepte un court moshpit un peu hors de propos le public est plutôt passif et concentré, chose tout à fait normal lorsqu’on se prend une telle avalanche de blast beats dans les oreilles. Les Allemands ont un don pour donner ce côté irréel à leur prestation avec des conditions sonores parfaites et ce travail de très bonne qualité sur les lights, à fortement déconseiller à tous les épileptiques.
Pour terminer ce set dantesque et pour remercier ce public parisien qui lui a tant donné, Der Weg Einer Freiheit décide de revenir pour un dernier titre non joué sur les autres dates, « Ingrimm » avant de se retirer définitivement en laissant tout le monde digérer ce qui vient de se passer. Difficile de dire si le succès du groupe pourra encore grandir ou s’il a atteint sa limite pour un genre aussi extrême, il est en tout cas certain que la maitrise des musiciens est à son apogée. Le combo a encore tout l’avenir devant lui et avec des prestations d’une telle qualité, on ne se fait absolument pas de souci pour la suite.
Setlist:
Einkehr
Der stille Fluss
Repulsion
Skepsis, Part I
Skepsis, Part II
Ewigkeit
Zeichen
Aufbruch
Lichtmensch
Ingrimm
Photographies : © Justine Cadet / Justinator 2017
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