Alors que le sommeil troublé par la pluie offre un peu de repos, que les esprits s’apaisent, que les foies épurent les toxines, nous voilà déjà au second jour du festival. Un festival qui restera certainement dans les mémoires en raison de sa météo bien différente de celle des éditions précédentes. Néanmoins, une belle affiche s’annonce en ce samedi…
Ende
Après une courte nuit, souvent passée dans des conditions d’humidité élevée en raison du mauvais temps de la soirée précédente, la plupart des festivaliers tentent tant bien que mal de trouver des vêtements et des chaussures à peu près secs. Nous ne faisons pas exception, et ratons donc la majorité du set d’Ende.
Ne parlons même pas des problèmes d’humidité qui s’est infiltrée dans le matériel photo. Mais peu importe, la musique profonde d’Ende résonne déjà au loin et les festivaliers affluent sous un soleil plutôt bienvenue en ce samedi matin ! Le black metal atmosphérique se prête à merveille pour bien commencer une journée dans la douceur relative des sonorités obscures.
Crescent
Un groupe de death metal égyptien, rien que cela mérite déjà le déplacement, rien que par curiosité culturelle. Et avouons qu’ils s’en sortent plutôt bien pour un groupe qui joue vers midi. La lourdeur est bien présente, et il y a quelques riffs bien placés, des ralentissements en mid-tempo qui rendent toujours leur petit effet. La musique de Crescent a clairement un côté épique et majestueux, bien que la structure fondamentale soit calquée sur un death metal plutôt classique.
Des titres comme « Beyond The Path of Amenti » démontrent clairement la maîtrise du groupe. Les sonorités orientales transparaissent dans certaines mélodies et la longueur du morceau prouve la richesse de leur musique. Une excellente surprise donc et un groupe à suivre !
Toxik
On retrouve ce bon son thrash dans nos oreilles pour la première fois de la journée avec le groupe Toxik.
Les Américains savent mettre l’ambiance et le montrent pendant ce qui est habituellement l’heure de déjeuner. Il y a pourtant foule, malgré l’hécatombe météorologique d’hier et la fatigue sans doute déjà bien présente. La voix de Charles Sabin est pleine de fougue et d’enthousiasme. A ses côtés, le membre fondateur Josh Christian assure des solos à couper le souffle durant des morceaux phares de la formation états-unienne.
Le public scande des "Toxik", montrant son adhésion à la prestation livrée par le groupe durant les quarante-cinq minutes qui lui sont accordées. Nul doute que la sortie prochaine de leur EP sera attendu très positivement par des festivaliers ayant pu avoir un aperçu de ce dernier en live. Notons la présence d'un morceau de reggae version metal assez surprenant dans la setlist.
Count Raven
On change totalement de registre, avec le doom de Count Raven. Ce qui en fait un petit ovni, en somme, à côté du reste de l’affiche. On remarque que peu de monde est encore vraiment présent, profitant sans doute de cette prestation pour aller se rationner. N’en déplaise aux férus du genre, Count Raven joue un doom traditionnel, simple et sans fioritures. La voix de Dan Fondelius est assez spéciale et pourrait ne pas plaire à tout le monde. A l’image du son de son groupe. Les instrus sont longues, les accords graves et si on ne s’envole pas musicalement parlant, Count Raven fait preuve d’un professionnalisme réel.
Aidés par un son très bon, les Suédois arrivent à garder un rythme régulier et à intéresser les festivaliers présents. Pour autant, l’étincelle ne prend pas et on ne reste pas attentif du début jusqu’à la fin. Correct donc, mais pas inoubliable ni marquant.
Azarath
Le groupe a la malchance de voir sa prestation entachée par la pluie torrentielle qui vient s’abattre – de nouveau - sur les festivaliers. Bon nombre se mettent à l’abri, n’étant pas assez courageux pour affronter ce déluge. Précédemment, le black metal des Polonais nous semble s’orienter et être bien plus proche d’un death brut. Les deux aspirations sont fortes et nous offrent un condensé de titres bien intéressants, malgré un son affaibli.
Portés bien évidemment par Inferno à la batterie, membre fondateur d’Azarath mais aussi également plus connu pour sévir avec Behemoth, le groupe ne démord pas malgré un public amoindri mais non moins actif. Quelques valeureux bravent la pluie pour s’élancer et faire mouvoir la foule.
Le tout nouveau membre, Marcin, guitariste et chanteur, s’acclimate facilement et ne se démonte pas. Dommage pour les Polonais que la pluie diluvienne ait décidé de poindre le bout de son nez pendant leur prestation. Nul doute que leur set aurait fait plus de bruit et récolté plus d'adhérents sans cette donnée météorologique.
Bulldozer
Voir Bulldozer en live, c’est forcément quelque chose, et cela, rien que pour l’accoutrement de son chanteur, AC Wild. Cape sur le dos, le frontman s’appuie sur son pupitre pour chanter. Il sait captiver l’attention. Pour leur première fois en France, les Italiens ont des adeptes dans le public qui scande avec eux les paroles, comme sur "The Final Separation".
L’ambiance est sympa et bon enfant. AC Wild présente toute sa clique, et les membres semblent prendre du plaisir à délivrer leur musique cet après-midi. Le speed/thrash metal du groupe est efficace, et contraste bien évidemment avec la tenue de son leader. Bulldozer conclut son set par Willful Deaht, une chanson en hommage à Dario Carria, ancien bassiste du groupe qui s’est suicidé il y a de nombreuses années. Une bonne prestation, jouissant d’une position sur l’affiche avantageuse entre deux groupes aux genres différents. Et la diversité est une bonne chose pour les oreilles.
Melechesh
Les Israëliens commencent avec deux minutes d’avance, pas le temps de respirer donc après la prestation précédente sur la Blackwater Stage. Le black metal aux inspirations mésopotamiennes de Melechesh a de nombreux fans, qui ne seront pas déçus par le professionnalisme et la maîtrise du groupe durant l’ensemble de son set.
La puissance du son est la première impression que l’on a. Il n’est pas saccadé et nous permet de rentrer totalement dedans. La setlist a été choisie aux petits oignons, avec des titres phares comme "Tempest Temper Enlil Enraged" ou encore "Ladders To Sumeria". Si les instrus orientales sont parfois moins perceptibles, elles restent une constante et renforcent la cohérence qu’il y a entre les morceaux proposés par la formation expatriée en Europe.
C’est avec l'un de leurs meilleurs titres, "Rebirth Of The Nemesis", que Melechesh termine leur show qui aura été bon et intéressant. Sans fioritures, sans extravagance, le groupe a su, avec l’efficacité de leur jeu et sans démonstration théâtrale, montrer au public ce qu’il savait faire.
Demolition Hammer
Le vieux thrash new-yorkais de Demolition Hammer accélère clairement la digestion en ce début d’après-midi, encore ensoleillée. Après une pause d’une vingtaine d’années, le groupe s’est reformé en 2016. A part en ce qui concerne le batteur, les autres membres sont donc des anciens du groupe. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils semblent encore bien présents sur la scène.
Les titres phare de leur œuvre, comme par exemple "Carnivorous Obsession", "Hydrophobia" ou "Neanderthal" viennent des profondeurs de l’histoire du thrash et cela s’entend. Le frontman Steve Reynolds profite d’un long moment, avec son fort accent US, pour féliciter la femme de l’ancien batteur Angle Cotte pour la naissance de leur bébé. Du lourd à l’ancienne, joué par des anciens, on peut dire que cela fait du bien de temps en temps !
Morbid Saint
L’idée de placer deux groupes à tendance thrash death à la suite n’était clairement pas bonne, et c’est Morbid Saint qui en fait les frais. Physiquement, le public est lessivé par la précédente prestation. Musicalement, trop de thrash tue le thrash. Si Morbid Saint fait procurer à la foule moins de vagues, sa musique est pourtant rentre-dedans et moins technique qu’un Demolition Hammer qui nous aura semblé bien long sur la fin.
La fraicheur aurait pu jouer pour les Américains. La voix du chanteur porte bien et tend vers le grind à certains moments, notamment vers des passages super rapide vocalement. On s’ennuie parfois moins que pendant la performance de leurs prédécesseurs, mais le niveau des chansons n’est pas homogène et certains titres, qu’ils nous présentent en exclusivité, sont moins intéressants que des morceaux plus classiques comme "Assassin" et ses sept minutes de très bon thrash. On retiendra un groupe n’ayant pas eu de chance, malgré un show bien loin d’être mauvais mais auquel on n'a pas totalement accroché.
Orange Goblin
Il n'est pas courant de voir un groupe plutôt orienté stoner fouler la scène du Fall of Summer. Et pourtant, les Anglais d'Orange Goblin étaient très attentus sur la Blackwater en ce samedi. Orange Goblin ouvre avec “Scorpionica” avant d'annoncer “The Devil's Whip”. Après avoir enchaîné deux faux-départs, le groupe décide de jouer autre chose et de passer sur “Saruman's Wish”. Sans pression (ou alors juste la bière!) et dans la bonne humeur. Et niveau bonne humeur, on peut dire que Ben Ward ne lésine pas. Il jette plusieurs bouteilles d'eau sur le public, de toute façon déjà trempé à cause des averses à répétition, un sourire collé au visage.
Le frontman qui était déjà venu assister au festival l'année dernière en tant que simple festivalier, ne cache pas son enthousiasme à l'idée de se produire ici à Torcy. Le set est assez court, malheureusement, mais la setlist est équilibrée. The Big Black est mis en avant, mais Orange Goblin n'hésite pas à piocher ici et là dans sa discographie. Le public est globalement conquis par ce live à l'ambiance grasse, joyeuse et survoltée. Le concert touche bien trop rapidement à sa fin avec un puissant “Red Tide Rising”, mais l'annonce d'un nouvel album du combo pour l'année prochaine nous laisse espérer une prochaine tournée du groupe.
Immolation
Si vous chercher le concert death du jour, n’allez pas plus loin. Forts d’un excellentissime Atonement, sorti cette année, les Américains avaient toutes les cartes en main pour nous livrer une prestation digne de son nom. Et ce fut plus que réussi. La puissance est là, réelle, et nous réveille après la performance d’Orange Goblin sur l’autre scène. La voix de Ross Dolan porte loin, n’est pas noyée et le frontman possède un charisme indéniable.
Le son est propre et bon. La basse et les guitares ne sont pas étouffées. Au contraire, on est impressionné par le soliste Rob Vigna, qui joue d’une main de maître tout en chauffant le public et en se mouvant, lui et son instrument, sans réaliser aucune faute durant tout le set. Les trente ans de carrière du groupe prouvent que leur professionnalisme est bien ancré, et que les Américains savent réaliser une prestation bien au-dessus du lot. La plupart de la setlist des Etats-uniens est orientée vers leur nouvel album, qu’ils présentent ainsi au public de la meilleure des manières. L’occasion de profiter à la fois d’Immolation et de ses compositions. Un vrai régal et l’on a un pincement au cœur à la fin de la performance du groupe.
Coven
Qui ne fut pas surpris en voyant le nom de Coven sur l’affiche du Fall Of Summer ? Le groupe des années 60-70 n’a pas une musique qui colle réellement au festival, mais la curiosité de revoir la chanteuse Jinx sur scène était forte pour chez de nombreux festivaliers. Il y avait foule, pour accueillir la formation, bien remaniée depuis.
L’entrance est d’une longueur difficilement supportable, en plus de commencer avec plusieurs minutes de retard. La mise en scène donne déjà le ton sur ce qu’on va ressentir durant le set des Américains. Après être sortie de son cercueil et d’une introduction prenant enfin fin, la chanteuse originelle a clairement perdu de sa voix, qui est spéciale et pas au goût de tout le monde. Le line-up remanié n’arrive même pas à nous faire dresser les poils, et on décroche bien vite devant la musique des Américains.
Ceci dit, reconnaissons que ce groupe avait clairement sa place dans un festival qui fait la part belle aux commémorations du glorieux passé de l'histoire du metal. Coven est tout de même le premier groupe à avoir utilisé des phrases en latin, dont des "Ave Satanas" sur le titre "Satanic Mass" du premier album Witchcraft Destroys Minds & Reaps Souls sorti en ... 1969 ! En passant, on attribue souvent à Coven l'invention du signe des "horns" qui s'est propagé à travers tous les concerts de metal. Autre anecdote, le bassiste d'origine et co-auteur du morceau d'ouverture "Black Sabbath" de ce mythique album se nomme Mike "Oz" Osborne. On ne peut donc pas négliger l'influence de ce groupe, à son époque...
Marduk
Après une journée relativement légère en black metal, Marduk est très attendu par les fans. De plus, la pluie a cessé provisoirement de tomber et on peut donc s’attendre à un excellent concert ! Les ténèbres de Torcy laissent place à la lumière tamisée et aux fumigènes qui fixent le regard sur l’immense bannière avec le logo du groupe. La couleur est annoncée rien qu’en débutant le show par « Frontschwein », l’un des morceaux les plus emblématiques du groupe, avec sa double-caisse qui rythme les chants destructeurs de Mortuus.
L’efficacité du groupe ne faiblit pas et les titres mythiques comme « Of Hell’s Fire » assènent les coups de mitraillettes caractéristiques de Marduk. La nuque en prend forcément un coup, mais peu importe, l’énergie est là ! Et même avec quelques ralentissements à l’occasion de morceaux plus « groovy » comme « Wolves » par exemple, on sent qu’on est bien là pour bouger ! Et ce jusqu’au bout, avec bien évidemment « Panzer Division Marduk » pour terminer le massacre en beauté ! Simplicité, efficacité, Marduk !
Venom
Le groupe mythique Venom était sûrement le nom le plus attendu de ce week-end, par les jeunes et les moins jeunes. Le groupe monte sur scène avec un retard qui s’accroitra à la fin de leur prestation, qui elle nous laissera un goût amer dans la bouche.
Les Anglais misent sur la nouveauté, avec pas mal de morceaux tirés de leurs efforts les plus récents. Le son n’est pas terrible, et cela n’aide pas le groupe à mettre en place une ambiance digne de son nom. On s’attendait à entendre un Venom sombre à souhait, on a eu droit à une formation joyeuse et enfantine. La lenteur du show est avérée, et Cronos semble avoir perdu ce qui faisait son essence charismatique à coup de "Hey" lancé au public et aux nombreux remerciements. On se demande bien quand la prestation va finir, car on aimerait beaucoup passer au clou du spectacle avec Septicflesh, mais Venom fera durer encore une bonne dizaine de minutes le suspense avant d’enfin baisser le rideau. Une performance qui ne restera pas dans les annales, loin de là.
Septicflesh
Avec environ quinze minutes de retard, les Grecs de Septicflesh font leur entrée pour ce qui sera le dernier show du festival. Ils sont très attendus par le public, qui répond présent malgré la fatigue qui se fait réellement ressentir. Le groupe a sorti il y a une semaine Codex Omega, son dixième album. Bien plus orchestral que son prédécesseur Titan, le live du Fall Of Summer devait être l’occasion de présenter cet album à son public. On s’attendait à une release de ce nouvel effort, on en a eu un aperçu minime.
Spiros nous parle de Codex Omega, en espérant que celui-ci nous a plu et en indiquant que Titan est mort, et qu’il faut désormais dire bonjour au nouvel album. Juste après retentit l’introduction de "War In Heaven". Au final, seulement deux titres de cet opus seront joués : "Martyr" et "Portrait of a Headless Man". On est déçu, forcément, quand on s’attend à avoir un concert portant normalement sur le nouvel album. Pas de "Dante’s Inferno", d’"Enemy of Truth" ou d’autres morceaux qu’on aurait été curieux de découvrir.
Bien entendu, notre plaisir n’est pas gâché malgré les pépins techniques de début de set – qui auront duré deux bons morceaux - et c’est avec joie que l’on retrouve "Communion", "Anubis" ou "Prometheus". Spiros et ses habituels « Louder » ou « My friends », ses mimiques et sa prestance inaliénable nous font toujours de l’effet. Car Septicflesh est un groupe d’exception, sans doute l’un si ce n’est le meilleur de symphonic death metal, et leurs compositions sont des perles, aussi bien en studio qu’en live. On aurait pu difficilement rêver mieux comme clôture de festival.
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Le Fall of Summer a su, encore une fois cette année, proposer une belle affiche mêlant les groupes méconnus, mais de qualité, à quelques pointures ayant joué un rôle d'une manière ou d'une autre dans la grande histoire du Metal. Festival de musique extrêmes certes, mais à la setlist néanmoins très variée !
Certes, on pouvait être déçu par la pluie répétitive, mais cela a laissé place à quelques belles scènes de pataugeage qui avaient l'air de plaire aux participants et surtout, cela permettra de s'en souvenir avec l'émotion du festivalier qui vient de retrouver un vêtement sec dans ses affaires !
Certes, on peut toujours critiquer, mais il est si facile de se plaindre d'un manque de préparation face à la météo alors qu'il y a tant d'autres paramètres à prendre en compte. De la paille a été mise, un peu en catastrophe, mais quand on sait ce que signifie organiser un festival, qui rappelons le, peine chaque année à boucler son budget tout en proposant une prestation fort honorable, que ce soit au niveau de l'accueil, du site en lui-même et des stands de nourriture et de boissons forts correctes, on ne peut que constater que l'oganisation a été très efficace.
Aucun concert n'a été annulé, et peu de retards ont eu lieu, alors que à certains moments, on pouvait craindre le pire. En effet, l'humidité n'est que rarement compatible avec le matériel sono et électronique nécessaire à produire un concert dans de bonnes conditions sonores et visuelles. Il y a bien des festivals qui cumulent les pépins techniques dans des conditions météorologiques moins extrêmes...
Même avec un "Fall of Rain", le Fall of Summer édition 2017 a tenu ses promesses.
Et tant pis pour la pluie !
Rédacteurs:
Thomas Orlanth (Ende, Crescent, Demolition Hammer, Marduk)
Lucie Gaget (Orange Goblin)
Justinator (tous les autres groupes)
Photographes:
Lionel / Born 666 : https://www.instagram.com/born.666/
Thomas Orlanth : https://www.thomasorlanth.com / https://www.facebook.com/Thomas-Orlanth-Live-Photography-499851383425205/
Toute reproduction interdite sans l'accord écrit du photographe.
Et un grand merci à Guillaume Gyt pour avoir prêté un objectif moins embrumé et humide à Thomas samedi midi !