Le phénomène metallo-fermier connu par YouTube gare son tracteur en France pour une tournée assez fournie, et comme en témoigne la date de Bordeaux, dans des salles conséquentes. Bon choix, car même si la date n'est pas complète, il fallait au moins le Krakatoa et ses 1200 places pour accueillir la longue file d'attente à l'ouverture des portes. Les Finlandais, déjà présents au stand de merch, accueillent les premiers spectateurs qui s'équipent déjà de t-shirts, cd ou goodies. La scène est tout d'abord confiée à Kepa, one man band français qui accompagne le groupe sur quelques dates.
Kepa
C'est un OVNI qui s'installe face au public clairsemé mais présent de Mérignac. Pas de musique d'intro ou de mise en scène, Bastien Duverdier arrive simplement en enfilant sa guitare, l'air presque gêné sous des lumières immobiles et intimistes. Ses deux guitares métalliques sont la base des compositions du musicien originaire de Bayonne, avec un son très sec, cuivré, typé country, mais arrangé de manière à paumer l'auditeur un peu blasé qui pense avoir déjà fait le tour. Car armé de son micro statique, d'une belle réverb et de ses harmonicas (présentés un par un s'il vous plait), Kepa nous entraîne dans son monde en douceur pour mieux nous surprendre.
Quelques blagues entre les titres détendent une atmosphère déjà intimiste et nous font apprécier le personnage. Moustache, chemise rangée au placard depuis les années 80, l'homme ne paie pas de mine au premier abord. Mais lorsque il aborde ses titres plus rythmés en activant sa pédale ''drop the bass'', ajoutant ses riffs énergiques ou en posant l'harmonica sur ses cordes comme un bottleneck, Kepa se transforme en performer hors norme.
Devant une foule qu'il avait du mal à anticiper (''Des paysans ? Des metalleux ? Un bon mélange des deux en fait !''), Kepa marque des points tout au long des quarante minutes qui lui sont attribuées. Les têtes bougent, les pieds marquent le temps, et s'il est difficile de décrire le power blues un peu barré qu'il nous propose, on peut par contre affirmer que son set aura parfaitement fonctionné. Une belle découverte, un moment agréable avec un artiste original, et qui souhaite encore vendre sa musique sur K7 audio . Respect.
Steve'n'Seagulls
Quelques minutes pour constater que le public est réellement éclectique ce soir. On passe du metalleux équipé de sa veste à patchs à des familles entières (enfants compris), YouTube aura au moins permis cela. Car malgré les albums sortis par le combo finlandais pour développer un peu leur propos, c'est bien grâce à la plateforme vidéo bien connue que leur carrière a pu grandir. Si ''Thunderstruck'' leur a permis de se faire connaître, beaucoup de titres de la set-list ont eu également leur vidéo qui atteignent plusieurs milliers de vue, voire dépasser les 50 millions pour ''Thunderstruck''.
Loin d'avoir la grosse tête, le groupe installe lui même son matériel et revient sur scène comme si de rien n'était. Nous avons donc Puikkonen à la batterie en fond, Pukki à la contrebasse, Herman au banjo, Hiltunen à l'accordéon, claviers et mandoline (et à l’écureuil sur la tête), ainsi que Remmel au chant lead et à la guitare. On se sait pas vraiment à quoi s'attendre, si ce n'est un mélange de toutes leurs reprises, mais l'épreuve du live est une toute autre affaire...
...que le quintet réussit à merveille. Il n'y a pas à chercher plus loin, c'est un bonheur que de redécouvrir leurs versions réarrangées de titres qui ont marqué l'histoire. Malgré l'absence d'instrument électrique, chaque titre sonne de manière riche, pleine et entière, alternant les instruments mélodiques selon la couleur donnée à la reprise, et même ceux qui connaissent les arrangements sur le bout des doigts peuvent être surpris. Certains passages à deux, trois ou quatre voix sonnent étonnement bien (pont de ''Self Esteem'' de The Offspring, ou le refrain d'''Aces High''), les harmonies sont toujours justes et savent s'éloigner du titre de base sans le dénaturer.
Pour arriver à ce résultat, chacun y met du sien. Côté chant, tout ne repose pas sur Remmel placé au centre, le lead étant partagé sur plusieurs morceaux (''Sad But True'' pour Herman, ''The Pretender'' attribué à Puikkonen...). Le géant hilarant à salopette bleue Hiltunen s'occupe du gros des rythmiques avec des solos mélodiques par moment impressionnants (''Cemetery Gates'' ou ''You Could Be Mine'' pour l’accordéon, le final d'''Over The Hills And Far Away'' au clavier). Gros morceau également au banjo, ou caché sous son chapeau marron, Herman ne compte pas mettre une note à côté de la soirée.
Il faut parfois quelques secondes pour reconnaître les titres, ajoutant un peu de surprise parfois jusqu'aux premières lignes de chant (''Sad But True'', ''The Pretender''...), le groupe rallongeant les intros pour se présenter l'un l'autre. Petite surprise pour le public français, c'est ''Antisocial'' qui rejoint la setlist avec l'accent français hésitant mais convaincant de Pukki, s’annonçant comme la réussite de la soirée, de quoi vous décourager de la version 2017 de Trust tant la hargne est autant présente dans le chant que dans la musique (et toujours sans une seule guitare électrique). Le public jusque là bruyant mais attentif monte en température sur le refrain de ce monument du rock français, et termine avec quelques pogos sur le duo final ''Seek and Destroy'' – ''Thunderstruck''.
Il ne faudra pas attendre longtemps pour un rappel, et le retour de la bouille joufflue d'Hiltunen, passant la tête hors des coulisses comme un enfant venant de casser un verre. Quelques notes pour jouer avec le public et tout le monde revient pour un ''Born to Be Wild'' de quinze minutes. Derniers saluts, et toute l'équipe saute de scène pour vite se retrouver au stand de merch...
Très loin d'être un énième artiste éphémère venant d'internet, nos cinq finlandais tiennent un concept osé mais réalisé avec beaucoup de talent, d'énergie et d'humilité. Pas de grand luxe pour eux d'ailleurs puisque tout au long de la tournée, ils s'entassent à huit dans un petit camion Mercedes bien loin des gros tours bus habituels... A retrouver encore pour de nombreuses dates en France, et peut être plus après leur signature chez Spinefarm Records ?
Setlist:
Over the Hills and Far Away - Gary Moore
Self Esteem - The Offspring
The Trooper - Iron Maiden
It's a Long Way to the Top (If You Wanna Rock 'n' Roll) - AC/DC
You Could Be Mine - Guns N’ Roses
Sad But True - Metallica
Aces High - Iron Maiden
The Pretender - Foo Fighters
Cemetery Gates - Pantera
Antisocial - Trust
You Shook Me All Night Long - AC/DC
Black Dog - Led Zeppelin
November Rain - Guns N’ Roses
Burn - Deep Purple
Seek & Destroy - Metallica
Thunderstruck - AC/DC
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Born to Be Wild - Mars Bonfire
Crédit photo: Draksmoon - Julie Warnier
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