"The Barr Brothers savent incontestablement écrire de bonnes chansons et proposent quelques titres véritablement forts, ce qui est bien l'essentiel"
Troisième album et pourtant l'on découvre à peine ce groupe dont le noyau dur est composé de deux frères et d'une canadienne qui apporte sa harpe et sa voix aux racines folk, le tout pour un résultat plus moderne et personnel. Impossible de jouer au jeu des comparaisons, c'est donc en toute innocence que ces quelques impressions seront livrées, ce qui n'est peut-être pas un mal puisqu'ils sont pratiquement inconnus chez nous (ce qui va peut-être changer, ils seront en concert à Paris le 2 février prochain au Pop-Up du label à Paris, histoire sans doute de tâter le terrain après avoir ouvert pour The War on Drugs en Europe).
Si on n'échappe pas aux chansons typiquement folk américain, ce qui fera plaisir à certains et moins à d'autres ("Song that I heard", qui porte bien son nom), la plupart du temps le groupe met un point d'honneur à apporter une touche personnelle à un style par essence suranné. C'est le cas sur les deux très beaux premiers titres, dont les mélodies sont enveloppées dans une ambiance douce et rêveuse par la production. "Defibrillation" notamment n'a sans doute pas été placée en ouverture par hasard. On note également une ouverture vers le psychédélisme, notamment via le travail sur le son, résolument rock rétro par moments ("It came to me"), qui ne dépareillerait pas chez The Brian Jonestown Massacre.
Le groupe ne fait pas non plus mouche à chaque fois, tant il peut être rattrapé par le classicisme qui colle à la peau des artistes folk. "Maybe Someday" a beau se parer d'une pointe de psychédélisme avec ses choeurs et son rythme syncopé, elle n'en demeure pas moins assez classique, sentiment renforcé par le passage d'harmonica final. On pourrait en dire autant de la partie guitare de "Kompromat", mais celle-ci a en revanche le bon goût de ne pas rester cantonnée à ce que l'on connaît déjà et d'emprunter une voix dissonante très bien trouvée et bien plus surprenante dans ce type de contexte.
Les Barr Brothers se situent donc encore à la croisée des chemins. D'un côté, ils manifestent une envie claire de prendre leur envol et de proposer une version personnelle de leur style de prédilection. De l'autre, ils y sont très attachés et ne résistent pas toujours à la volonté d'écrire des titres comme ceux qui les ont bercés plus jeunes, mais que l'on a déjà entendus ailleurs. Notons que ces titres restent minoritaires et qu'ils feront sans doute plaisirs à certain(e)s, quelques retours au passé au sein d'un album qui parvient globalement à s'en détacher n'étant pas forcément un mal, même si nous aurions subjectivement préféré davantage de titres comme "You would have to lose your mind". Splendide mélodie, ambiance qui invite au recueillement, indéniablement une des plus grandes réussites de l'album.
Au final, voilà un album assez varié qui peut prétendre à se faire une place dans la playlist de bon nombre d'auditeurs amateurs de folk. Si Queen of the breakers mérite d'être découvert, l'aspect résolument pop et lumineux de certains titres (la chanson-titre par exemple) pouvant même rendre le sourire aux déçus du dernier U2, le grand écart entre titres très (trop) classiques et d'autres, moins conventionnels, pourrait être un petit accroc. Reste que The Barr Brothers savent incontestablement écrire de bonnes chansons et proposent quelques titres véritablement forts, ce qui est bien l'essentiel.
Sorti le 14 octobre chez Secret City