Un colosse bien burné
Amis des polyrythmies, de la déstructuration, du 13/7 et des antis binaires, bonsoir and bienvenus dans l’antre de Meshuggah. Le dernier opus du quintet suédois est dans les bacs depuis le 23 mars et le temps d’en toucher deux mots est arrivé. Car un peu de temps n’était pas forcément de trop pour se remettre du passage de ce « Koloss » tant il fait encore peur et impressionne par sa maitrise et sa virtuosité.
Talentueux et exigeant pour ses fans, singulier et respectable pour les curieux, bourrin et orgueilleux pour les autres, Meshuggah est ce genre de formation qui ne fait pas l’unanimité. Telle la musique de Primus ou celle de Tool, le death-expérimental de la formation suédoise nécessite un temps d’écoute quasi obligatoire à tout néophyte qui souhaiterait la découvrir. Après des productions comme Nothing ou le mythique Chaosphere, les cinq « fous » s’étaient dirigés vers des compositions plus carrées et accessibles avec ObZen paru en 2008. Une petite déception pour certains fans de la première heure, ces derniers peuvent ressortir les mouchoirs puisque Koloss continu dans cette lignée avec une évidente envie d’agrandir le fan club de Meshuggah. La messe est dite, direction les entrailles de la bête.
Il faudra attendre encore un peu avant de rentrer au cœur de ce disque, puisque les deux premières pistes font mentir le paragraphe précédent. « I Am Colossus » est du Meshu pur jus : lent, puissant, et c’est un bonheur de retrouver la voix, peu originale certes, mais tellement efficace de Jens Kidman. Le disque propose en deuxième choix un petit frère du célèbre « Bleed », intitulé « The Demon’s Name Is Surveillance », avec une double grosse caisse omniprésente tout le long de la piste et des riffs aux sons plus proches de ceux d’une machine que d’une guitare.
Après cette mise en bouche classique, « Do Not Look Down » montre l’orientation du groupe sur cette galette et oblige à employer un drôle de mot pour parler de Meshuggah : single, ou le morceau qui plait à tout le monde. Bien plus similaire à du metalcore qu’à du death-expérimental, cette composition est tout « simplement » carrée, ni trop violente, ni trop calme, Fredrik Thordendal en profite pour rappeler qu’il est également un soliste de talent et un grand virtuose de la huit cordes.
Le reste de ce « Koloss » oscille entre classique et nouveauté, avec le psychotique « Swarm », probablement le plus impressionnant (meilleur ?) morceau des dix pistes. « Break Those Bones Whose Sinews Gave It Motion » et « Marrow » sont des merveilles de technicité et « The Hurt That Finds You First » est le morceau bien death et brutal comme sait le faire Meshuggah. Mention spéciale pour l’avant dernière piste, « Demiurge », qui est un concentré de violence. Le jeu de batterie puissant laisse imaginer Tomas Haake frapper sur ses toms comme Vulcain sur son enclume, un morceau pour secouer très violemment la tête. La surprenante, et apaisante, balade « The Last Vigil » vient clôturer le tout, passant comme une écoute presque indispensable pour souffler après les neuf énormes claques envoyées précédemment.
Pendant 54 min, Mehsuggah réussit plusieurs tours de force. Dans un premiers temps, les cinq musiciens ne déçoivent à aucun moment : technicité et virtuosité sont au rendez-vous. Entre la basse tendue à mort de Dick Lövgren, les breaks incompréhensibles de Tomas Haake et les solos de Fredrik Thordendal, la formation montre qu’elle n’a pas faiblie d’un pouce. Autre prouesse, celle de renouveler leur musique tout en conservant leur signature et se rapprochant ainsi un peu plus du grand public. Là où les mauvaises langues crieront « commercial ! » les autres diront « accessible » et salueront une production culotée, maitrisée et impressionnante. Un grand cru de cette année 2012.