Il est des soirées à Paname que les amateurs et amatrices de rock - le pur, le dur sans adjonctions d'électro ou de boites à rythmes - se doivent de ne pas rater. Elles sont l'oeuvre d'une équipe de vengeurs du vintage, les Jacky Banana. Leur première sauterie mensuelle réunissait les Shupa de Saint-Maur-des-fossés et les montreuillois les Loolie and the Surfing Rogers. Et pour l'occasion, elle devait se dérouler non pas au Supersonic comme à l'accoutumée, mais Chez Moune. C'est peu dire si nous étions curieux de voir une horde de rockeuses et de rockers se pâmer d'aise dans un des hauts lieux de Pigalle. Ce devait être le premier concert de ce fameux cabaret lesbien, reconverti en club discothèque et qui avait tenté un bout d'essai live lors du MaMa en 2016. En fait, on a vu que dalle… Le taulier de Chez Moune a posé un gros lapin à nos gentils organisateurs. Injoignable le gonze, aux abonnés absents ou parti sur la planète Mars. Et c'est comme ça, que l'on s'est retrouvé toutes et tous au Cirque Electrique !
Car il en faut plus pour démonter les Jacky Banana ! Epaulés par les Shupa, ils passent au Plan B et dégottent le même soir la scène du Cirque électrique. Bye-bye Pigalle donc, salut à la popu' Porte des Lilas ! On gagne en chaleur humaine et en authenticité, ce que l'on perd en strass et paillettes… Celui qui nous accueille à l'entrée, nous oriente non vers le chapiteau, mais vers le Nouveau Tigre. Sympathique espace restauration, pourvue d'une scène qui brille de mille feux… Le charmant duo de Djettes, Sarah et Savannah - aka The Ragdolls - installent doucement mais sûrement l'ambiance. Les Shupa s'emparent les premiers de la scène. Comme toujours, Maria et Rita, respectivement front and bass woman, rivalisent de tenues sexy sixties. Accordées en rouge et noir, ce soir les deux brunettes. Leurs mâles acolytes demeurent fidèles à la cravate ou à l'ensemble noir de bon ton.
Photos © Chamane
Nos amateurs de sucettes annoncent d'entrée la couleur avec "Lucifer". Ils prouvent donc qu'il sont bel et bien ces suppôts du rock and roll ! Ce genre dénoncé dès son apparition outre-altantique par les autorités religieuses comme hautement subversif et ô combien dangereux pour les âmes et les corps. Et au vu des trémoussements obscènes qui agitent certain.e.s au devant de la scène, nul doute que le démon du rock les possède déjà ! Avec "Foxy Lady", les Shupa prêtent même allégeance à un certain païen pyromane de guitare. Si ça, ce n'est pas une preuve… Après un "Bullshit show" et ses "you lies" rageurs émis par Rita, nous avons droit à une nouvelle compo "Archibald the Great". Et lorsqu'ils entament leur hymne - le bien nommé "Shupa" - Rita rejoint le public, l'incitant à se déhancher encore plus lascivement. De tout leur set, il y aura guère le psyché "Trip" pour ralentir un peu cette cadence infernale. Car pour finir, les Shupa nous gratifient d'un "Surf n'roll"… endiablé !
Photo © Chamane
Fines mouches, The Ragdolls embrayent de suite et nous emmènent surfer à Waikiki. Pas de pause donc pour celles et ceux qui demeurent possédés par le démon… Les autres en profitent pour s'adonner à leur tabagie personnelle ou vider quelques verres. The Surfing Rogers pénètrent "seuls" sur scène. Entendez par là qu'il manque à l'appel leur chanteuse, Miss Loolie. Nous n'étions guère inquiets ; bon nombre d'entre nous avaient déjà repéré sa silhouette féline reconnaissable entre toutes, se faufiler entre les tables… Sympa à elle de nous laisser profiter pleinement de Mat Le Rouge, Greg, Antoine Pozzo di Borgo et d'Eric Deloye. Faut dire que la plupart sont d'ex-Jim Murple, autre grande référence montreuilloise et véritable gage de qualité supérieur. Même si le sax ténor de Mat Le Rouge se taille la part du lion, ses acolytes sont loin d'être manchots. Et de plus, respectueux du mood de la soirée ; ce premier titre instrumental s'intitule sobrement "Surf".
Photo - © Chamane
Petite robe noire échancrée et sourire étincelant, Loolie fait enfin son apparition. Elle nous subjugue d'entrée avec son "Tell me why" langoureux. Aucun.e d'entre nous ne songe à se demander pourquoi il est impossible de lui résister. L'alchimie entre sa voix chaude, au timbre délicieusement rétro et la force de frappe des Surfing Rogers y est sans doute pour beaucoup… Le groupe va alterner morceaux chantés et instrumentaux, sans jamais baisser en intensité. Une seule compo dans la langue de Molière - "Suspendue" - et encore, Loolie nous confie avoir eu du mal à l'écrire en français... Leur coeur appartient définitivement à la musique de daddy !
Photo © Chamane
Mat le Rouge fait "growler" son ténor à la manière d'un Coleman Hawkins ou d'un Ben Webster, lui arrachant des sonorités grasseyantes à souhait et réussit même de belles embardées free. Pensant avoir bouclé leur set avec leur "Arabian night", Loolie et ses boys s'avèrent "contraints" de remettre ça sous la pression de la salle. Faisant abstraction de leur peu d'entrain pour la chanson française, ils choisissent de rendre hommage à une autre amatrice de sucettes, disparue quelques jours plus tôt. France Gall n'aurait sans doute pas reconnu son "Laisse tomber les filles" dans sa version high voltage des montreuillois. Et c'est tant mieux !
La prochaine Jacky Banana party aura lieu le 16 février au Supersonic. Plus d'infos sur l'event Facebook ! Guettez la page des Shupa, il se murmure qu'ils vont peut-être bientôt pouvoir y jouer à Pigalle et quant aux Loolie and the Surfing Rogers, la sortie de leur album est également pour bientôt !
Un grand merci à Chamane pour les photos