Révélés en 2007 avec leur tube imparable "Let’s Dance To Joy Division", les Wombats ont ces dix dernières années alterné les morceaux incisifs et les titres dispensables. La cuvée 2018 est plutôt un bon cru. Même s’il ne marquera pas l’histoire de la musique de son empreinte impérissable, l’album Beautiful People Will Ruin Your Life permet aux Anglais de déployer avec plaisir et talent leur sens des mélodies.
Au cours de leur carrière, les Wombats sont passés d’albums post punk enfiévrés à des opus remplis d’hymnes de stade en passant par la new wave, sans jamais renier une composante pop qui rend certains de leurs titres terriblement addictifs.
Il en va de même pour ce Beautiful People Will Ruin Your Life. L’album marie habilement l’indie rock présent depuis les débuts du groupe et une synth pop dans l’air du temps. Pas de déchaînement de guitare à l’horizon, la pop a ici totalement pris le pas sur le post punk, mais elle est suffisamment bien exécutée pour ne pas en devenir nauséeuse.
"Cheetah Tongue" est une chanson d’introduction parfaitement calibrée et efficace, qui commence en douceur avec la voix haut perchée de Matthew Murphy et quelques accords de guitare acoustiques qui laissent ensuite la place à l’électrique et l’électronique. La chanson sonne comme une invitation à la décontraction et la légèreté – "You’re not the only one who doesn’t want to be alone tonight" (tu n’es pas le / la seul(e) à ne pas vouloir être seul(e) ce soir), nous affirme d’ailleurs Murphy, intimant alors à l’auditeur de s’approcher ("Come on closer, it's alright").
Le badinage est d’ailleurs l’un des thèmes de l’album, le chanteur racontant tour à tour sa volonté de plonger dans le miel avec sa conquête (au sens figuré, on espère) en fuyant vers le coucher de soleil ("Dip You in Honey"), ou son attirance dont il ignore le motif ("I Don’t Know why I Like You, but I Do"). Ce qui n’empêche pas les questions existentielles, comme sur "Out of My Head", où le chanteur veut à la fois être humain (vaste programme), redevenir qui il est, et échapper à son esprit…
Le groupe explique avoir voulu faire un album plus ambitieux, ce qui ne se ressent pas forcément aux premières écoutes – même s’il est meilleur et plus travaillé que son prédécesseur – et plus décontracté, ce qui est, en revanche, indéniablement réussi. Les titres les plus marquants sont ceux où les mélodies sont les plus entêtantes – et peut-être aussi ceux où Murphy monte le plus dans les aigus. "Cheetah Tongue", donc, qui démarre très bien l’album, mais aussi "Dip You in Honey", ou encore "Lemon to a Knife Fight".
Ce premier single – courez voir le clip si ce n’est pas fait ! – réunit tous les meilleurs ingrédients de cet album : une mélodie imparable, un subtil équilibre entre les guitares et les claviers, une énergie très pop, une légèreté rehaussée d’une bizarerie indéfinissable. Le chanteur explique d’ailleurs avoir composé la chanson après s’être disputé avec sa femme au sujet de Mulholland Drive de David Lynch, et on peut sentir une certaine parenté avec le film, même si la chanson est beaucoup moins torturée. Mais on imagine bien le réalisateur anglais mettre en scène le texte, qui évoque semble-t-il une dispute à bord d’une voiture qui risque de mal tourner pour le narrateur. Le refrain montre d’ailleurs le sens de la formule de Matthew Murphy : "I brought a lemon to a knife fight" (en gros, "j’ai pris un citron pour affronter des couteaux"), mais quelle idée !
L’ensemble est homogène, mais tous les morceaux ne se valent pas. Beaucoup sont des chansons pop joliment faites et agréables à l’écoute mais dont on ne retient au final pas grand-chose. Certaines mélodies rappellent des airs de tubes de la pop et l’electro, comme le refrain de "Black Flamingo" ou "Lethal Combination", qui semble avoir été entendue 1000 fois. "I only Wear Black" est, elle, très molle et complètement dispensable, de la mélodie en manque d’inspiration à l’effet sur la voix tout aussi peu originale.
S’il n’est clairement pas l’album de la décennie, Beautiful People Will Ruin Your Life n’en reste pas moins un album pop bien ficelé et très agréable. Il pourrait être futile, mais l’habileté du groupe en fait un album frais et léger qu’on se plait à réécouter. Au cœur de l’hiver, l’album pourrait être efficace qu’une cure de vitamine C !
Sortie le 9 février chez Kobalt Music Recording / Pias
Tracklist
Cheetah Tongue
Lemon to a Knife Fight
Turn
Black Flamingo
White Eyes
Lethal Combination
Out of My Head
I only Wear Black
Ice Cream
Dip You in Honey
I Don't Know why I Like You but I Do