Field Music – Open Here

À l'annonce d'une nouvelle formation influencée ou directement représentante du rock progressif, les frissons s'hérissent. On associe souvent le mouvement à de la qualité, tant par ses similitudes de composition avec la musique classique, ses actes, son caractère épiques et très arrangé, riche en instruments, mais aussi comme celui qui peut amener d'autres horizons, faire évoluer les genres, jouer le rôle de l'avant-garde. Et comme tout mouvement qui a énormément marqué une époque, nombre sont les formations qui tente d'approcher la démarche mais sont noyés sous leurs mentors. 

En analysant en détails le mouvement majeur des années 70, on voit qu'il y a deux vagues distinctes de rock progressif. Celui plus mélodique et théâtral, représenté par les Genesis, Kansas ou autres Yes. Et si ce dernier est directement influencé par la musique classique d'où il puise sa volonté d'écriture, de construction et d'arrangements riches, il y a le progressif suivant directement la lignée logique des carcans rock de son époque. Suivant donc les valeurs psychédéliques, alambiquées et basées sur des constructions plus aventureuses très typées 60's, il en sera un mouvement moins accessible quoique plus original, représenté par les ovnis Gong, Gentle Giant ou Van Der Graaf Generator. Et s'il y a un endroit où Field Music nous semble puiser sa ligne directrice, c'est ici.

On pourra le constater sur "Time In Joy". Les mesures où rythmiques et instruments se décalent, où la voix est volontairement faussée dans le but de nous dérouter, les interventions de violons et flûtes que ne renieraient pas Focus, les éléments sont bien présents pour renouer avec l'époque. Chaque écoute sera liée à la volonté de suivre un instrument en particulier pour bien en comprendre sa ligne , et de ce gros brouhaha pachydermique s'échappent des mélodies claires, bien plus calmes que les influences du groupe.

Ce pattern reviendra régulièrement, pour ne pas dire tous les deux titres, l'alter ego s'axant alors sur des couleurs plus 80, avec les afflux agressifs de claviers kitsch et autres refrains plus "poppy". On y retrouve les mêmes influences, perdues dans leur volonté de correspondre à un moule plus générique, et bien plus maladroit. Réduire Field Music aux influences progressives sur deux périodes - historiquement inspirée puis dispensable - , serait ignorer quelques aspects. En effet, on retrouvera sur "Open Here" les violons et les choeurs d'un Beatles sur "Eleanor Rigby" (malgré des réminiscences de Neal Morse chez Spock's Beard, on en revient toujours aux couleurs progressives). Et si la besace s'avère bien fournie et surprenante, réduire Field Music à toutes ses influences combinées sera pertinent.

Prog, psyché, Open Here, Album, 2018

Là est le bien triste constat. Malgré un côté calibré pour les amoureux et nostalgiques de tout ce qui aura été énuméré ici, jamais le groupe ne se détache de ses modèles. La production et les choix de sonorités font très daté, et les envolées ne raniment rien de plus que des souvenirs que l'on a déjà entendu à une période où la place y était plus adéquate. Le plaisir est entier et réel, les amateurs s'y retrouveront instantanément, mais reviendront vite vers leurs premières amours ; le public plus jeune et moins référencé, quant à lui, aura du mal à s'y accrocher. Reste l'espoir que le côté très bien fait et accessible de Field Music leur donne envie de découvrir une histoire musicale toujours fascinante. Et l'on souhaite au groupe de s'éloigner de ses influences pour s'envoler, tant le talent et niveau d'interprétation sont présents.

Sorti le 2 février chez Memphis Industries

NOTE DE L'AUTEUR : 5 / 10



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