Tenter de renouveler, de percer en brisant les codes d'un style bouché et où l'émergence de jeunes talents est devenue difficile, voilà un pari extrêmement risqué. D'autant plus qu'une telle démarche ne conduira pas forcément à faire l'unanimité, à être appréciée, voire même à réussir. C'est pourtant ce défi que se lancent les jeunes lyonnais d'Evenpath, formation encore toute récente, mais qui est déjà animée par beaucoup d'ambition. Si le metal symphonique et, en particulier, à voix féminine, est un genre où une masse se perd dans un format encore trop standard et fade, ce combo va tout mettre en œuvre pour nous prouver, au travers de leur premier EP IX5VI2, qu'il est possible de ne pas rester ancré dans les carcans restrictifs d'un style étouffant.
Dès les premières écoutes, il est difficile de ne pas constater l'effort fait par ce quintet (anciennement quatuor) français pour sortir du lot, et proposer un mélange osé. Aux éléments classiques et inhérents au genre, ils décident d'incorporer une bonne foule d'aspects electro, tantôt pour dynamiser la musique, ou à l'inverse lui conférer une dimension plus atmosphérique et appuyer les ambiances, comme sur « The Nightmare », qui combine les deux facettes de la personnalité du groupe avec un certain brio. En revanche, notre oreille se heurtera forcément à une production qui manque véritablement de quelque chose. Trop peu d'ampleur sur une batterie programmée (comprenez donc qu'il s'agit d'une boîte à rythme), qui manque cruellement de vie, son jeu linéaire est étouffé et peine à conférer davantage d'énergie à la musique proposée par Evenpath. Il en va de même pour les guitares, un peu trop en retrait par rapport au duo clavier / chant, enlevant un peu de mordant au groupe, là où au contraire les pistes appellent à plus de vélocité.
Pourtant, notre jeune formation n'a pas vraiment une approche toujours classique. Celle-ci ne se manifeste pas par les structures ou les mélodies, à première vue assez banales et ne changeant pas réellement de ce qui est proposé dans le genre. Mais en y regardant de plus près, on ne peut que souligner le grand travail fait sur les harmonies dans les différents titres proposés, grâce à un clavier polyvalent et sur lequel une grande partie des points positifs reposent. Sachant se faire mélodique, revêtir le masque de l'atmosphérique ou insuffler une puissance supplémentaire aux pistes comme « Haven », celui-ci est multifonctions, ce qui aide à distiller moult ambiances diverses et variées, et à empêcher l'écueil de la linéarité de s'installer, piège souvent trop régulier chez les jeunes groupes débutants. Un piège duquel ces lyonnais se jouent avec un certain succès, permettant à IX5VI2 d'atteindre un niveau honnête, et de sortir la tête de l'eau. Si le manque de moyens et la production encore frêle n'aident pas à développer entièrement le potentiel, réussir à passer outre ce défaut laisse ainsi entrevoir des qualités appréciables.
De plus, le combo français est aussi en mesure de proposer une pelleté de titres qui se distinguent très clairement les uns des autres. S'ils semblent similaires tant par leur durée que par certaines ficelles, les influences que l'on retrouve au sein de chacun leur confèrent à tous une distinction. Bien que le registre employé est majoritairement tourné vers un heavy / power symphonique, se ressentant très nettement dans la montée en puissance de « The Nightmare » ou dans la folle cavalcade d'un « Haven » à la mélodie agréable et légère, il ne faut pas oublier que l'electro est composante intégrale de leur musique. Nous ne nous retrouvons pas dans une démarche évoquant un quelconque groupe de metal industriel ou cyber, ni même dans les récentes tentatives plus ou moins fructueuses de ne faire qu'un entre metal et parties électroniques (à la Elyose ou Skeptical Minds), Evenpath intègre quand même cet atout de façon plutôt intelligente. Une idée parfois encore à creuser, mais qui se manifeste régulièrement dans les parties de clavier ou de chant (notamment le vocoder ou les distortions sur « Haven »). On note ainsi cette recherche d'originalité, d'identité propre, et si cette phase n'est pas encore atteinte (l'instrumental nous évoque de temps en temps des illustres noms tels Nightwish), force est de constater qu'ils sont déterminés, et que persévérer dans cette voie leur sera grandement conseillé.
Les mélodies sont donc un point fort d'Evenpath, qui tente d'être globalement accrocheur sans tomber dans le racolage à outrance. Là où la formation nécessite encore quelques améliorations, c'est au niveau du chant de la jeune Sarah Liodenot, qui livre une prestation plutôt agréable, notamment dans sa voix plus rock, au timbre éraillé très plaisant. Son lyrique, en revanche, est encore un peu fragile, et semblant jouer sur les limites. Sans tomber dans les faussetés, la jeune femme est parfois un peu vacillante, et pas toujours très sûre d'elle, là où son chant plus rock est, lui, beaucoup plus à l'aise, et plus attractif à l'écoute. Ainsi, il serait d'autant plus judicieux d'augmenter la proportion de ce type de chant par rapport aux notes plus haut-perchées, pour aider la frontwoman à se sentir dans son élément.
En se penchant sur les pistes, on distingue deux catégories : les énergiques, « Glory » et « Haven », et les mid-tempos, « Mess' Anger » et « The Nightmare ». Généralement, l'exercice est plus réussi dans les premières nommées, Sarah étant capable d'insuffler plus de puissance dans son chant, modulant sa voix, et donnant ainsi plus de vie et de couleur à des refrains efficaces, devenant le point d'orgue des titres. Car les refrains, c'est bien là-dessus que compte Evenpath pour plaire, et conquérir son auditoire. Et si celui de « Mess' Anger » est un peu plat et tombe à l'eau, les autres réussissent à faire leur petit effet. « Glory » maintient un tempo plutôt rapide, bien que l'accalmie se fasse ressentir sur les couplets, et les tendances electro sont loin d'être dans le too much, à notre plus grand bonheur. Mais la vedette, c'est « Haven », qui officierait bien en tant que single. Si elle peut paraître calibrée pour marcher, son refrain reste très marqué et intelligemment construit. Il aurait été encore davantage convaincant avec un chant encore plus sûr de lui, bien que la performance de Sarah soit loin d'y être mauvaise.
Premier coup d'essai avec IX5VI2 pour Evenpath, qui marque déjà une certaine maturité et une envie de dépasser le stade de la scène locale. Et s'il reste un certain nombre de défauts qui, pour le moment, empêchent la formation de franchir l'étape supérieure, le potentiel est pourtant bien présent, ne demandant ainsi qu'à éclore et à être utilisé au meilleur gré pour offrir un avenir plus que radieux aux lyonnais. A eux ainsi de travailler sur les points négatifs et de nous revenir avec un opus à en faire jalouser plus d'un. Un nom à retenir.
Note finale : 6,5/10