Une nouvelle fois, Garmonbozia a concocté une affiche de rêve pour cette soirée de mars, sur les quais de Seine à Paris. Venom Inc. et Suffocation partagent en effet la tête d'affiche le temps d'un concert unique en France. Direction Petit Bain pour les fans de death metal et de thrash, malgré une ouverture des portes précoce. Il est en effet 18h quand la salle accueille les premiers spectateurs, tandis qu'à peine un quart d'heure après, Survive foule les planches pour débuter cette soirée.
Survive
Les thrasheurs japonnais ont beau s'être formé il y a tout juste vingt ans, on ne peut pas dire que le combo soit fréquent dans nos contrées. C'est donc un public avant tout curieux qui s'approche de la scène, mais qui malgré le thrash classique mais efficace du combo, restera globalement statique.
Pourtant, Masaru Nemoto, leader et membre fondateur de la formation s'en sort très bien dans son rôle de frontman, assurant plutôt bien les parties de guitare et de chant. D'ailleurs, son timbre de voix s'apparente plus à un chant death mélodique que réellement thrash. Mais les compositions, bien qu'efficaces se révèlent vite classiques et aucun titre ne sort foncièrement du lot.
Le public ne s'y trompe pas et réserve un accueil poli aux Japonnais, sans pour autant déclencher de mouvements endiablés dans la fosse, gardant des forces pour la suite de la soirée qui s'annonce.
Aeternam
Malheureusement, ce n'est pas la prestation des Québécois d'Aeternam qui va permettre au public de se défouler. Le groupe officie dans un death metal épique aux relents symphonique, brassant très large en terme d'influence, sans pour autant parvenir à fédérer lors du concert de ce soir. D'après les veste à patch et les t-shirts portés par les spectateurs, il est clair que la majorité du public est venu pour Venom Inc. et Suffocation. Or, la musique des Québécois évoque tantôt Fleshgod Apocalypse, tantôt Myrath, soit deux styles que tout ou presque oppose.
Il est vrai que du côté de l'originalité, le groupe ose sortir des sentiers battus et allier des sonorités orientales à du death metal, tout en incluant une touche symphonique à son style. Mais il en résulte un joyeux fourre-tout probablement mieux adapté au format studio qu'au live, où le public ne sait pas tellement sur quel pied mosher.
Le temps de jeu accordé à Aeternam est toutefois relativement court, puisqu'au terme d'une demi-heure, le quatuor s'éclipse, sans être parvenu à convaincre pleinement son auditoire.
Nervosa
C'est au tour des Brésiliennes de Nervosa de prendre la scène d'assaut. Et la densité dans la salle semble avoir grimpé en flèche, preuve que la réputation du quatuor ne fait que monter. Certes, le thrash pratiqué par le trio féminin reste très classique, mais l'ensemble repose beaucoup sur le charisme de la chanteuse/bassiste Fernanda Lira.
C'est d'ailleurs pendant la prestation de Nervosa que les premiers moshs et pogo de la soirée se déclenchent, à la demande de la vocaliste. "Death!", single tiré du second opus du trio récolte un beau succès à applaudimètre, les spectateurs présents levant le poing sur le chorus du morceau.
Prika Amaral (guitare) envoie des soli précis et qui font mouche, dans la plus pure tradition du revival thrash, tandis que derrière les fûts la nouvelle recrue Luana Dametto montre qu'elle est un très bon choix pour compléter la formation. Bourré d'énergie, le set des Brésiliennes fait office de coup de poing dans les dents, et les 35 minutes de jeu filent à vitesse grand V.
Le trio a su conquérir de nouveaux fans ce soir, malgré un thrash revival classique dans la lignée des Havok et autres Lost Society, mais on retiendra surtout une prestation pleine d'envie et de puissance.
Suffocation
Le concert donné ce soir par Suffocation a une saveur particulière pour les fans de la formation. En effet, quelques jours avant à peine, les Américains ont annoncé le départ désormais définitif de Frank Mullen, emblématique vocaliste du quintet. Et si cela faisait déjà quelques années que le chanteur ne tournait plus avec son groupe (remplacé, il est vrai, par des guests de luxe), on ne peut que regretter ce choix, tant sa puissance et son timbre sont devenus la signature du groupe au fil des années.
Pourtant, Ricky Myers, batteur de Disgorge, va réaliser ce soir une prestation impeccable au chant, comme à chacune de ses prestations avec Suffocation. Piochant dans sa longue discographie, Suffo (désormais mené par Terrance Hobbs, seul membre fondateur encore présent) réalise un set parfait. Tout y est : puissance, technique, énergie, efficacité...On manque presque de superlatifs tant on ne peut être qu'ébahis par un jeu au millimètre d'Hobbs qui n'oublie pas d'en rester humain.
Derek Boyer, basse touchant le sol, est un monstre de technique, tandis que les deux derniers arrivés dans le groupe (Charlie Erringo à la guitare et Eric Morotti à la batterie) sont aussi à l'aise sur les classiques de Pierced From Within (1995) ou Effigy of the Forgotten (1991) que sur les titres extraits de ...Of the Dark Light, dernier album du groupe. Chaque titre, du plus ancien au plus récent (on pense notamment à "As Grace Descends", tiré de Pinnacle of Bedlam) récolte un bel accueil et démontre qu'il n'y a rien à jeter dans la discographie de Suffocation. Myers fait un parfait frontman et, même s'il n'est pas Mullen, semble prendre un plaisir indéniable à jouer avec le groupe de death.
Quarante-cinq minutes, c'est le temps dont bénéficient les Américains, et autant dire que la prestation nous happe dans un autre espace temps, si bien que l'on ne voit pas passer les minutes, trop occupés à se prendre ce mur du son en plein visage.
C'est le classique "Infecting The Crypt" qui conclut cette belle prestation, dont on aura bien du mal à se remettre. Il ne nous reste plus qu'à espérer que malgré le départ définitif de Mullen, la formation ne s'arrête pas en si bon chemin.
Setlist Suffocation :
Thrones of Blood
Return to the Abyss
Effigy of the Forgotten
Funeral Inception
Abomination Reborn
Clarity Through Deprivation
Pierced From Within
As Grace Descends
Entrails of You
Liege of Inveracity
Catatonia
Infecting the Crypt
Venom Inc.
Si Venom Inc. a sorti le recommandable Ave l'an passé, il n'y a aucun doute que le public est venu ce soir pour entendre les classiques composés par Mantas sous le nom Venom. Pourtant, dès "Ave Satanas", les spectateurs semblent totalement dévoués au trio, malgré la claque infligée par Suffocation et la fatigue qui se fait sentir.
Il est clair qu'après le passage des Américains, le début du set des Anglais semble d'un autre calibre, bien plus mou et moins rentre-dedans. Mais intelligemment, le trio nous invite en enfer avec le classique "Welcome to Hell". La suite ne sera d'ailleurs qu'une succession de classiques de Venom, puisque seuls quatre titres seront tirés du premier opus sorti sous le nom Venom Inc.
Demolition Man balance un chant rageur, et son attitude (tête levée vers un micro en hauteur, basse portée aux genoux) rappelle fortement celle du regretté Lemmy Kilmister. Le vocaliste est d'ailleurs particulièrement charismatique et se donne à fond pendant l'ensemble du set. Mantas (guitare), plus en retrait avec ses lunettes de soleil vissées sur les yeux, n'hésite pas toutefois à venir taquiner les premiers rangs, notamment lorsqu'il balance ses soli. Seul Abaddon (batterie) est totalement effacé derrière ses fûts mais se démarque par des rythmiques toujours pied au plancher.
Malgré l'heure avancée de la soirée et les quatres formations qui se sont succédé auparavant, le public a gardé un peu d'énergie et pogotte joyeusement au son des classiques tels que "Black Metal" ou "Countess Bathory", ne faiblissant que sur "Parasite" ou "War" tiré de Avé. Il faut dire que Venom Inc. a souhaité allonger son set par rapport à ce qui était initialement prévu, et il va sans dire que certains titres font parfois retomber un peu la pression.
Venom Inc. aura toutefois délivré un très bon set, qui n'aura finalement souffert que d'un seul défaut à nos yeux, celui de passer après la prestation phénoménale de Suffocation, qui a tout détruit sur son passage. Au final, les grands gagnants de cette soirée auront été les spectateurs qui ont pu assister à un très grand moment, alliant deux grands noms de la scène metal dans la même salle, en dépit de leurs différences de styles respectifs.
Setlist Venom Inc.
Ave Satanas
Welcome to Hell (Venom cover)
Metal We Bleed
Die Hard (Venom cover)
Live Like an Angel (Die Like a Devil) (Venom Cover)
Parasite (Venom cover)
Temples of Ice (Venom cover)
Warhead (Venom cover)
Don't Burn the Witch (Venom cover)
War
Lady Lust (Venom cover)
Leave Me in Hell (Venom cover)
Black n' Roll
Black Metal (Venom cover)
Countess Bathory (Venom cover)
Rappel :
Sons of Satan (Venom cover)
Witching Hour (Venom cover)
Photographies : © Justine Cadet 2018
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Un grand merci à Valérie de Nuclear Blast ainsi qu'à l'équipe de Garmonbozia pour nous avoir permis de couvrir cet événement.