Douze ans après leur victoire à l’Eurovision, les Finlandais reviennent avec un onzième monstre à paraître le 25 mai prochain via AFM Records intitulé Sexorcism.
Ce neuvième album studio est décrit comme étant le plus controversé de la discographie de Lordi puisqu'il comporte des contenus non censurés. Musicalement parlant, les compositions de cet opus feront-elles couler autant d’encre que les thématiques abordées ?
Mr Lordi et ses monstres restent dans la lignée des réalisations antérieures de leur univers morbide : musique hard rock, sections rythmiques jouées d’une main de maître, voix caverneuse se muant en chant rocailleux qui pourtant se veut mélodique et harmonieux, et un clavier ubiquiste bien kitsch. Ajoutez des parties instrumentales oppressantes et glauques, et vous obtenez un cocktail sonore détonant !
On aurait pu croire que le groupe aurait lassé son public à force de jouer la même rengaine… que nenni ! L’utilisation des mêmes ingrédients donne un résultat qui se savoure de manière différente et dont on se délecte avec plaisir.
Il est vrai que cet album souffrira cependant du même défaut que ses prédécesseurs : une deuxième écoute sera nécessaire pour apprécier réellement la portée des morceaux et se rendre compte que nos oreilles redemandent à les entendre. En effet, Monstereophonic (2016) est l’exemple illustrant le mieux cette tare dont les Finlandais ont du mal à se défaire. Outre la longueur, les titres sont très linéaires et il est difficile d’être marqué au fer rouge par ces compositions au premier jet. Il faudra de la patience et une relecture auditive pour comprendre les nuances qui créeront alors l’envie d’y revenir. Exception faite de "Hug You Hardcore" qui est devenu une chanson emblématique du groupe à l’instar de "Hard rock hallelujah", avec un riff à la fois heavy et indus. Ce morceau montre que Lordi a encore de la ressource.
On attend donc que les démons du Nord sortent les griffes et nous gratifient de leurs compos rétros-tubesques dont ils ont le secret. Le message est passé, aussi le groupe a voulu frapper un grand coup. Faisant preuve d’audace, il a choisi d’aborder dans un seul album les sujets les plus litigieux de notre société, à savoir : la religion, le sexe et l’occultisme. Si le cover-art et le nom de l’album sont très explicites sur ce point, les intitulés des pistes ne sont pas en reste : "Sodomesticated Animal", "Romeo Ate Juliet" ou "Slashion Model Girls" annoncent la couleur. C’est rouge sang, c’est gore, obscène et morbide à souhait !
Après avoir attisé notre curiosité et captivé notre attention, les démons peuvent attaquer. Le premier titre du même nom que l’opus est juste excellent pour les amateurs du genre : petite intro angoissante en douceur avant de démarrer sur les chapeaux de roue. Nappes de synthé, rythmique indus, riffs heavy et chant mélodique avec un timbre granuleux, la formule fonctionne. Le refrain est simple mais communicatif, on se laisse prendre au jeu et on a envie de se dandiner en psalmodiant au rythme des chœurs ce mot hybride qui choquerait plus d’un puritain : « Sexorciiiiseeeeuhm » (prononcé à la française). On notera les solos toujours aussi remarquables sans en faire des caisses joués par Amen-Ra. Les autres morceaux ne feront pas non plus dans la dentelle du point de vue linguistique, et les refrains seront tout aussi catchy.
Si, comme expliqué précédemment, il faudra entendre plus d’une fois l’album pour réellement l'apprécier, nul doute que vous vous surprendrez à fredonner "Your Tongue's Got the Cat" ou "Sodomesticated Animal". Vous comprendrez alors que ces insanités ne sont pas le fruit de votre esprit tordu mais de votre caboche qui a enregistré des sonorités finlandaises plutôt sympas.
On apprécie toujours autant le coté horrifique des pistes. On peut citer "Polterchrist" qui nous plonge dans un monde de revenants avec une voix féminine cristalline et des chœurs à la limite du chant grégorien. Il y a aussi "Naked In My Cellar" avec une petite fille qui pleure accompagnée par un clavier rapide et angoissant…Ou encore, "Haunting Season" qui démarre également avec un chant féminin mais davantage lyrique et lointain, avant d’enchainer sur une musique perturbante entrecoupée par le clavier dont les notes semblent sorties tout droit des griffes de la nuit. On entendrait presque le rire d’une fillette…La conclusion par le glas d’un clocher et un souffle sinistre vient parfaire le tout.
Sans parler du fameux « SCG ». Pour rappel, le « SCG » est une piste a capella, sans musique, au cours de laquelle un dialogue en rapport avec la thématique de l’album se fera entendre. Ce concept traditionnel repris dans chaque réalisation de Lordi est ici dénommé "SCG 9: The Documented Phenomenon". Il s’agit là d’un dialogue entre ce qui semble être un prêtre et femme possédée, bref la scène d’exorcisme classique.
On soulignera l’effroyable similarité entre la voix de Mr Lordi et celle de Udo Dirkschneider (ancien chanteur d’Accept) dans l’interprétation de "The Beast is Yet To Cum". En dépit de cette similitude, ce morceau sera plus heavy que hard rock, notamment de par certains passages instrumentaux entrecoupés de breaks. "Rimskin Assassin" sera aussi à tendance heavy metal, toutefois ce morceau nous marquera plus par sa ressemblance frappante avec "Sir, Mr. Presideath, Sir!" issu de l’album Scare Force one (2014).
Dans l’ensemble, on reste dans le hard rock des années 80. L’influence de Kiss, Deep Purple et autres légendes du milieu sur la musique de Lordi n’est un secret pour personne. Si certains trouvent que ces riffs hard rock punchy en deviennent indigestes à force d’être entendus et ré-entendus, nous sommes plusieurs à ne pas nous en lasser et à aimer les retrouver sous des formes diverses et variées. Certes, la palette sonore reste dans les mêmes tons, mais nombreuses sont les nuances.
Lordi a conservé les caractéristiques qui faisaient son succès en associant le hard rock des années 80 à des sonorités plus modernes et plus metal, voire industrielles (résultant pour beaucoup du jeu de la batterie et du clavier). Il ressort de cet album des arrangements toujours aussi surprenants. Or, ce qui constitue à la fois le handicap et la force des compositions de Lordi c’est bien la richesse de ces arrangements. Pas assez percutants pour en percevoir instantanément la portée, mais suffisamment travaillés pour les découvrir et les apprécier au fur et à mesure des écoutes.
Il est des albums que l’on écoute une fois, puis deux avant d’être écoeuré et de passer à autre chose.
Sexorcism n’est pas de ceux-là. Sexorcism, c’est un virus qui s’installe insidieusement dans notre tête sans que l’on s’en rende compte. Très traitre, on pense avoir affaire à une énième clownerie pour amuser la galerie qui est sympathique à écouter mais sans plus. En réalité, à partir du moment où votre oreille a prêté attention aux premières notes, la bombe à retardement s’est enclenchée et vous être pris au piège. Vous ne pourrez pas résister à l’envie de réécouter certaines sonorités et d’en découvrir d’autres que vous n’aviez pas perçues pour ensuite finir par chanter les morceaux à tue-tête (enfin pas en présence d’enfants ou d’âmes sensibles, simple conseil). En définitive, toujours plus hard et toujours plus rock, on est possédé par la musique de Mr Lordi et ses démons. Toutefois, force est de reconnaître qu'on se soumet volontiers à l’emprise de Sexorcism.
Tracklist de l’album "Sexorcism" de Lordi – sortie le 25 mai 2018 via AFM Records :
1.Sexorcism
2.Your Tongue's Got the Cat
3.Romeo Ate Juliet
4.Naked in My Cellar
5.The Beast Is yet to Cum
6.Polterchrist
7.Scg9: The Documented Phenomenon
8.Slashion Model Girls
9.Rimskin Assassin
10.Hell Has Room
11.Hot & Satanned
12.Sodomesticated Animal
13.Haunting Season