Dimanche 24 juin – 21h30 – Valley
Kadavar
Une heure de paix et de musique à la croisée du stoner vintage et du rock psychédélique !
Les Allemands n’en sont pas à leur premier passage au festival de l’enfer : déjà présents en 2014 et 2016, ils n’ont cessé de gagner en notoriété pour jouer le dernier soir de cette treizième édition du Hellfest. Et non pas à n’importe quel moment car il s’agit de l’heure fatidique où les Britanniques d’Iron Maiden font le show sur la Mainstage.
Il y a nécessairement des groupes qui jouent concomitamment aux renommés Britishs. Là où certains pourraient interpréter cette situation comme une punition à leur égard, d’autres vont y voir un gage de confiance envers les musiciens et les festivaliers qui seront présents pour assister au show et remplir les tentes. Il semble que Kadavar ait gagné ce pari : la Valley est, certes, loin d’être pleine à craquer, mais nombreux sont ceux qui se placent pour écouter les Allemands. Le backdrop nous met dans l’ambiance en illustrant deux silhouettes allongées pointant du doigt une lune centrale sur un fond cosmique. Ça va être psychédélique et fantasmatique !
Une musique orchestrale planante s’élève dans les airs pendant que le trio se met en place. Les spots sont braqués droits sur nous, ne permettant de distinguer que les silhouettes en ombres chinoises de Kadavar. Ce qui peut surprendre c’est la batterie placée au centre de la scène, et surtout au premier rang ! Il est rare que ce poste soit autant mis en avant, au sens propre comme au figuré.
Les musiciens au look retro avec leurs cheveux longs et leurs barbes hirsutes tournoient leurs chevelures frénétiquement. La voix un brin nasillarde de Christoph Lindemann (alias « Lupus ») résonne dans toute la tente et nous emporte au rythme du stoner psychédélique. Ils ne sont que trois mais les Allemands ont une prestance et une présence scénique qui suffit amplement pour nous vendre du rêve Christoph Bartelt (alias « Tiger ») ne cesse de bouger la tête en même temps que son jeu de batterie. Il peut rappeler « Animal », dit « la Bête », batteur de The Electric Mayhem Band, l'orchestre du Muppet Show.
Après un petit solo de guitare, les deux gratteux se positionnent en face à face, séparés par la batterie transparente. A y regarder de près, on dirait que les musiciens ont reproduit le dessin de leur backdrop ; les gratteux en lieu et place des silhouettes et la batterie en guise de lune centrale. Les chansons swinguent et sonnent rock n roll. Ces sonorités atmosphériques présentent des nuances qui frisent le wave kitsch des années 80. Mais qu’on ne s’y trompe pas, on est dans l’expérimental, certes, mais tout en restant indéniablement dans le rock progressif.
Les lumières bleues et blanches ajoutent une dimension astrale renforçant ce climat atmosphérique. Après avoir annoncé le prochain titre, les éclairages deviennent rouges, la guitare se fait plus saturée, et la voix lointaine de Lupus nous emporte dans la stratosphère.
Le public est emballé par ce set ! Les têtes bougent en rythme, les yeux clos et les sourires satisfaits trahissent la réjouissance des festivaliers. Et pour ceux qui ne veulent pas ouvrir les yeux de peur de briser la magie pysché, il suffit d’écouter les ovations à chaque pause. Les spectateurs veulent vraiment faire honneur à la musique dont les Allemands nous gratifient ce soir.
A chaque mouvement des musiciens, on a l’impression qu’une chorégraphie bien orchestrée se réalise. Gestes identiques inversés comme face à un miroir, tempo en place, le tout effectué en même temps, bref il n’y a rien à redire. C’est propre c’est carré et c’est plaisant à voir. On dirait presque que cette danse gestuelle est destinée à donner vie à un tableau. On est dans la contemplation, dans le calme et l’apaisement (sans être dans le mou et le soporifique). C’est puissant et énergique sans être fatiguant. En réalité, on a l’impression de recharger les batteries au calme. Kadavar nous transmet le carburant nécessaire à travers leur musique que l’on absorbe instantanément.
C’est comme si on avait pénétré une dimension intersidérale parallèle pour assister à un concert bourré d’ondes positives qui nous ressourcent ! Face à ce show revigorant, alors qu’on devrait ressentir la fatigue accumulée des trois jours de festival, il n’en est rien ! Il convient de souligner la prestation exceptionnel de Tiger dont le sourire immaculé est visible au loin à travers sa barbe fournie. Son charisme est saisissant et il ne cesse d’être acclamé par le public et lui lance des regards complices.
Les longues parties instrumentales s’enchainent, les solos continus et les titres planants aussi. Les fumigènes envahissent la scène et les lumières se font aveuglantes. On est éblouis voire hypnotisés ! Désormais on discerne à peine la lune du backdrop et avec les éclairages rougeoyants on a la sensation d’être passé sur une planète hybride proche de Mars. Le voyage est toujours d’actualité mais on a changé de destination.
A la fin du morceau, le public ne peut contenir sa joie. Il semblait bercé par les chansons mais il est bien réveillé : applaudissant, criant et sifflant le trio, c’est un succès. Bon il faut reconnaître que les hyperactifs aimant gigoter à tout va ne trouveront pas leur place à ce concert. Pour reprendre l’expression d’un comparse, nous sommes au « Woodstock of Hell » : une heure de paix et de musique. Avec leur rock progressif et psychédélique, le trio n’a pas fini son ascension et nous promet encore de beaux sets à venir, et qui sait peut-être au Hellfest 2020 ?
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