Incubus, c’est un groupe qui a marqué les années 1990 avec son metal fusion sauvage et habité, avant de se tourner vers des compositions plus rock, voire pop et insipides sur les dernières parutions. Mais il est réputé pour ses performances scéniques, et le voir dans un cadre tel que l’Olympia, cela méritait forcément le détour pour les fans.
Ecca Vandal
La salle est très loin d’être pleine pour le début de la première partie. À 19h, un quatuor entre en scène : la chanteuse Ecca Vandal, qui a sorti son premier album éponyme en avril 2017, accompagnée sur scène de trois musiciens. L’Australienne aux cheveux bicolores joue sur disque un mélange de metal, de hip-hop, de pop et d’electro. Le cocktail se révèle explosif sur scène. La chanteuse, ultra charismatique, est remplie d’énergie, et se donne à fond dans ses morceaux. Sa voix oscille entre un débit très hip-hop maîtrisé, presque trap et un chant plus pop-rock sur d’autres passages, avec quelques screams (moins maîtrisés) pour faire bonne mesure.
Les musiciens qui l’accompagnent sont plus en retrait, mais ils sont tout autant portés par la musique. Le batteur s’éclate derrière ses futs, que ce soit sa batterie organique ou ses percussions électroniques, et les deux autres passent en permanence de la guitare ou la basse aux claviers, pour sortir un son electro – metal lourd et puissant, pas forcément technique mais original et complètement enthousiasmant.
Ecca Vandal se déhanche sur scène, saute depuis les amplis, et parle beaucoup au public – évidemment, Paris est sa ville préférée pour jouer, quel heureux hasard. La fosse, qui se remplit au cours de la performance, est réactive, elle applaudit chaleureusement entre les morceaux, beaucoup bougent et dansent, et sur le dernier morceau, la chanteuse se fraye un chemin dans la fosse et réussit à faire s’accroupir tout le monde, pour un final où tout le monde saute dans tous les sens.
L’Australienne a ainsi réussi à emporter l’adhésion d’un public pas venu pour elle, mais réceptif à ses rythmes efficaces et à son énergie débordante.
Incubus
La salle de l’Olympia s’est considérablement remplie, même si le concert n’affiche pas complet – il faut dire qu’avec un tarif qui commence à presque 60 euros la place, cela a du refroidir plus d’un fan.
Dès l’entrée du quintette sur "Privilege", issu du culte Make Yourself, les spectateurs l’acclament haut et fort et replongent dans leurs souvenirs d’adolescents. Pendant une heure quarante, les cinq musiciens enchaînent les morceaux sans coup férir et sans fausse note : les Américains, rodés au live, sont irréprochables techniquement. L’énergie est là, du côté du groupe comme du public, qui connait les refrains et s’agite avec ferveur pendant quasiment tout le concert, à part peut-être un léger coup de mou vers le milieu du concert, alors que s’enchaînent plusieurs titres mid tempos.
Heureusement d’ailleurs que le public est autonome, car Incubus n’est, en tous cas ce soir, pas le groupe le plus causant du monde. Si les musiciens sont clairement investis dans leur musique et a priori heureux d’être là, ils restent relativement en retrait. Seul jeu de scène notable, le headbang du DJ Chris Kilmore, qui pourrait rivaliser à un concours de fouet avec Indiana Jones quand il secoue ses dreads d’une longueur arrogante.
Mais c’est Brandon Boyd qui cristallise tous les regards. Le chanteur percussionniste magnétise l’auditoire, chante à la perfection et intensément, et il trouve même le temps de jouer du djembé ou du tambour sur certains morceaux. En revanche, la raison pour laquelle il en joue dos au public reste un mystère, et cela donne un résultat assez étrange. Le frontman ne cherche d’ailleurs pas à jouer le showman – visuellement, l’apogée de sa prestation arrive quand il enlève sa chemise, c’est dire. La communication n’est pas non plus son fort : l’Olympia a droit à une pelletée de "thank you" et quelques "merci", et c’est à peu près tout. Heureusement que l’équipe du groupe a travaillé sur un beau jeu de lumières et des vidéos soignées.
Côté setlist, les Américains ont opéré de très bons choix. Pour commencer, ils ont complètement zappé le plus que dispensable If Not Now, When ? Si l’on peut regretter que leurs deux premiers albums, cultes pour de nombreux fans, aient également été passés à la trappe, il est réjouissant de voir que leurs autres albums sont traités de façon paritaires, soit trois à quatre chansons chacun – même si certains regrettent l’absence de chansons telles que "Stellar". Incubus offre même "Absolution Calling", chanson issue de son EP de 2015 Trust Fall (Side A). Et il n’est pas avare de surprises avec plusieurs extraits de reprises au milieu de ses propres chansons. Le plus saisissant est probablement la fin de son "Wish You Were Here", conclu en majesté par le "Wish You Were Here" de Pinkfloyd. Et une reprise, complète cette fois-ci, de "Wicked Game" de Chris Issak, dans une version époustouflante, où Boyd démontre une fois de plus son sens de l’interprétation, et où tous les musiciens jouent en osmose.
Très peu de fausses notes pour le groupe, donc, mais on pourrait peut-être lui reprocher de ne pas avoir joué plus longtemps : à 21h45, les lumières se rallument. On a rarement vu un concert finir aussi tôt ! Est-ce qu’Incubus a école demain ? Les musiciens auraient pourtant matière à donner des leçons à certains de leurs congénères.
Setlist
• Privilege (+ extrait de Mundian to Bach Ke de Panjabi MC)
• Anna Molly
• Megalomaniac
• A Kiss to Send Us Off
• State of the Art
• Circles
• Echo
• Pardon Me
• Sick Sad Little World
• No Fun
• Love Hurts
• Absolution Calling
• Wicked Game (reprise de Chris Isaak)
• Are You In? (+ extrait de Gin and Juice de Snoop Dog)
• Wish You Were Here (+ extrait de Wish You Were Here de Pink Floyd)
Rappel
• Here in My Room
• Drive
• A Crow Left of the Murder
Photos : Justine Cadet. Toute reproduction interdite sans autorisation de la photographe.