Dernier jour du festival. S'il est plus léger en ce qui nous concerne, les belles découvertes comme les confirmations ne manqueront pas.
The Regrettes
Scène de la Cascade, 15h20
par Aude D
Un déferlement d’énergie punk sans concession, c’est ce à quoi ont eu droit les chanceux – ou les avertis – qui étaient devant la scène de la Cascade en ce début d’après-midi. Le jeune quatuor américain de The Regrettes, nullement impressionné par le fait de jouer devant une foule relativement importante, entend bien retourner le public comme il se doit.
Les trois musiciennes sur le devant de la scène – seule la batterie est assurée par un homme – attaquent pied au plancher avec "A Living Human Girl", morceau ultra punk. Ça joue fort, vite, et les quatre musiciens débordent d’énergie. Leur musique est un mélange de punk et de grunge, et fait penser au mouvement Rrrriot Girls, notamment par des thèmes féministes assez récurrents dans les paroles.
Le groupe arbore un style ultra stylisé et sauvage en même temps, que ce soit le demi-crâne rasé de la bassiste Sage Cravis ou la combinaison rouge de la chanteuse guitariste Lydia Night. Les quatre musiciens, très jeunes, semblent tous avoir moins de 20 ans, mais la chanteuse en particulier possède de prime abord un air d’innocence enfantine, du genre Elle Fanning, complètement démenti par sa rage sur scène. Elle enchaîne les montées de genoux, se roule par terre, joue de la guitare encore allongée sur le dos, et surtout, elle harangue régulièrement le public.
The Regrettes a joué récemment à Reading & Leeds, aussi la chanteuse explique-t-elle : "A Reading & Leeds, ils aiment sauter partout". Il n’en fallait pas plus pour que le public, visiblement conquis après quelques morceaux, s’agite dans tous les sens. "À Reading & Leeds, ils aiment les moshpits", tente-t-elle un peu plus tard. Là, échec total ; il faut dire que Rock En Seine n’est pas vraiment un public à pogo. Mais la chanteuse ne se démonte pas, et fait quelques minutes plus tard le signe du wall of death. Si le mur de la mort en tant que tel ne prend pas, en revanche, ce signe déclenche – enfin ! – un pogo en bonne et due forme, qui va perdurer sur tous les derniers morceaux.
Le groupe est visiblement très heureux de l’accueil que lui réservent les Franciliens, et annonce une chanson spéciale pour la fin. Retentissent alors les premiers accords de "Killing in the Name of", de Rage Against The Machine, et c’est alors la folie totale dans le moshpit, qui soulève des kilos de poussière. Le groupe offre une version déchaînée du morceau, et laisse le public ravi de sa découverte. The Regrettes a clairement marqué cette édition du festival.
Photos : Christophe Crenel
The Cave
Scène Île de France, 16h35
par Aude D
Le dispositif Première Scène à destination des lycéens se poursuit ce dimanche, et c’est à présent The Cave qui joue sous la tente, et présente un mélange de compositions originales et de reprises.
On est frappé par leur air extrêmement juvénile – qui est, somme toute, normal – qui contraste avec leur attitude assez assurée sur scène. Les musiciens n’ont pas à rougir de leur performance, et le chanteur chante juste, même s’il n’a pour l’instant pas une vraie empreinte vocale.
Les compositions plutôt pop-punk sont bien faites et entrainantes, sans être totalement mémorables. Le choix des reprises dénote d’un bon goût certain et ces dernières sont jouées correctement. Le public a ainsi droit à "Where Is My Mind", des Pixies, revisitée façon punk, ce qui est une idée intéressante même si l’interprétation reste un peu impersonnelle.
En dernière chanson, le groupe annonce "Killing in the Name of", ce qui nous donne l’occasion de l’entendre deux fois en moins d’une heure, mais si sa version n’est pas mauvaise, elle ne vaut pas celle des Regrettes. Mais devant la ferveur populaire, The Cave est obligé de rempiler pour une ultime reprise, le célébrissime "Seven Nation Army" des White Stripes.
Le public – en grande partie des lycéens – est surexcité, pogote comme si sa vie en dépendait, et en redemande. Cela fait toujours plaisir de voir des adolescents se passionner pour le rock et le punk, et on attend avec intérêt de voir ce que fera The Cave par la suite.
Photos : Nicolas Joubard
(Photos d'ambiance scène Île-de-France)
Mashrou’Leila
Scène de la Cascade, 16h55
par Aude D
La fosse de la Cascade est plutôt remplie quand débarque Mashrou’Leila. Le groupe libanais est extrêmement connu au Moyen-Orient, et s’il est encore relativement confidentiel en Occident, sa notoriété n’a cessé de croître en dix ans d’existence.
Et de fait, une partie du public connaît déjà le groupe et l’attend de pied ferme, et quand le groupe débarque sur scène, il est chaleureusement accueilli. Il attaque en douceur avec un morceau qui allie pop, notamment grâce au clavier et éléments traditionnels mis en avant par le violon, et le chanteur, Hamed Sinno, qui arrive parfaitement à mêler les deux dans sa voix.
En dix ans de carrière et quatre albums, le groupe a beaucoup évolué dans sa musique, et a réussi à se bâtir un son moderne, qui passe du rock à la pop, avec notamment de fortes sonorités electro, tout en y incorporant très habilement des sonorités plus traditionnelles.
Le quintette démontre amplement durant ce concert que ses chansons sont faites pour le live, et qu’elles y acquièrent même une force supplémentaire. Les premiers morceaux sont plutôt calmes avec tout de même un petit côté plus dansant, quand les suivants vont s’avérer plus animés.
Le bassiste Ibrahim Badr fait très bien son travail, et le batteur Carl Gerges a une rythmique solide et dansante qui rend tous les morceaux ultra accrocheurs, mais ceux que l’on remarque le plus musicalement, c’est le claviériste Firas Abou Fekher (également guitariste), et surtout le violoniste Haig Papazian, dont le violon tour à tour lancinant et dansant électrise chaque morceau – mention spéciale à "Tayf", qui est peut-être le morceau le plus envoutant. Il volerait d’ailleurs presque la vedette à son chanteur, car en plus d’être un pilier musical des chansons, il est très en avant sur scène.
Hamed Sinno, lui, est un peu en retrait au début du concert, comme s’il lui fallait du temps pour prendre complètement ses marques. Mais il finit par se révéler au fil des morceaux, à bouger sur toute la scène, traînant parfois son micro comme Freddie Mercury, à danser et à occuper tout l’espace avec Haig Papazian.
Il parle aussi beaucoup. Les chansons sont toutes en arabe, ce qui apporte une altérité bienvenue au milieu du quasi-monopole de l’anglais et du français dans le festival. Alors le chanteur explique, en anglais, les messages, souvent forts, de leurs morceaux.
Le groupe a souvent été catégorisé comme un groupe engagé pour les droits des LGBT, et si ces thématiques sont effectivement abordées dans certaines de leurs chansons, que ce soit la place de l’homosexualité dans la société libanaise, la protection de réfugiés transgenres agressés, ou le problème de la masculinité toxique, son engagement va bien au-delà, et le chanteur évoquera notamment la situation de la Palestine et le problème du racisme en Occident. Sur leur dernier titre, "Djinn", il incite la foule à chanter au moment où apparaît un symbole écrit en arabe à l’écran, et conseille donc à tous ceux qui ne parlent pas arabe, de, « pour une fois, écouter ce qu’ils ont à dire et suivre leur exemple ». Ou l’art de faire passer des messages sans jamais renoncer à l’humour ni à l’exigence dans sa musique.
Photo : Olivier Hoffschir
Otzeki
Scène de l'Industrie, 17h50
par Xhantiax
Une belle découverte attend le public de Rock En Seine sur la scène de l’Industrie. Le duo anglais Otzeki n’est pas encore connu de grand monde mais ce qu’on voit sur scène laisse présager de très bonnes choses pour la suite. On est sur une électro-indie avec un beatmaker Joel semblant bien influencé par Jamie XX. De l’autre côté de la scène, son cousin se charge de la voix et de la guitare avec une justesse appréciable, donnant un ton plus rock aux morceaux.
Même s’ils ne sont que deux, le tout fonctionne redoutablement sur scène grâce à une complicité et un charisme déjà bien présent. Le jeu et la voix de Mike rendent la musique plus proche d’un Glass Animals, donnant un côté catchy à des titres comme "Already Dead". Sur ce genre de musique minimaliste, on pourrait s’attendre à des musiciens au jeu de scène réduit mais c’est bien l’inverse qui se produit quand Mike investit la fosse pour courir chanter au niveau de la régie à la grande surprise du public.
Visiblement, il s’agissait là du premier concert devant une telle foule des deux Londoniens mais ils ne se sont pas démontés. Un quart d’heure avant l’horaire prévu, Mike annonce déjà la dernière chanson "car ma voix est complètement cassée" selon le frontman. Frustrant, mais au vu de l’ovation que réserve Rock en Seine à Otzeki pour leur sortie de scène, on se dit qu’on tient là l’une des plus grosses surprises du festival. A revoir cet hiver à la Maroquinerie.
Photo : Clara Griot
Jessica93
Scène de l'Industrie, 19h50
par Xhantiax
De nouveau sur la scène de l’Industrie, Jessica93 monte devant un public pour le moins clairsemé mais connaisseur. On est surpris de voir Geoffroy Laporte, cerveau du projet monter seul sur scène et encore plus surpris de la façon dont le show va se dérouler. Accompagné par une batterie enregistrée, le musicien va tour à tour s’emparer d’une basse ou d’une guitare pour jouer ses morceaux, enregistrant parfois des loops. Un procédé habituel dans certains genres comme le drone/noise mais rare dans le post-punk.
Malheureusement, il est assez compliqué de rentrer dans ce set tant il ne se passe absolument rien sur scène. Les premiers morceaux sonnent clairement grunge et manquent de l’énergie d’un groupe live. Le public semble tout aussi surpris en applaudissant à peine à la fin des morceaux et en se demandant avec curiosité si le set va enfin démarrer.
Mais non, Geoffrey restera bien seul sur scène, sans communiquer et sans bouger pendant tout le set. L’ambiance qu’il cherche à déployer a donc un peu de mal à se créer mais finalement vers le milieu du set on se surprend à apprécier davantage les chansons. On quitte le grunge pour se diriger vers un post-punk aux influences appréciables de type Godflesh et les riffs joués par Geoffrey sont bien plus tranchants. Pour peu qu’on s’allonge dans l’herbe pour simplement écouter le concert, on finit par passer un bon moment avec des compositions travaillées et de qualité bien supérieure à celles du début de set.
Jessica93 a livré une performance en demi-teinte. La musique du combo peut avoir des fulgurances mais globalement, le live en configuration one-man band manque terriblement d’intérêt.
Photo : Clara Griot
Setlist
Uranus
Karmic Debt
Origine
Junk Food
Bed Bugs
Asylum
Uncertain to Me
Endless
Post Malone
Scène de la Cascade, 21h
par Xhantiax
La scène de la Cascade atteint là son plus haut niveau d’affluence du week-end, elle est blindée bien avant le début du concert de Post Malone prévu à 22 heures. Joli coup de la part de Rock en Seine d’avoir attiré le phénomène américain (deuxième artiste le plus écouté dans le monde derrière l’indéboulonnable Drake). Le succès de Post Malone est fou, inexplicable et pour sa première scène française, les fans vont clairement être gâtés.
Pas de DJ, pas de backeur, simplement un immense écran géant. Austin Richard Post est seul devant ses milliers de fans pour conclure ce dimanche soir avec une heure de set. Mélangeant pop, cloud rap, RNB et trap avec évidemment une auto-tune omniprésente, on sent que Post Malone n’est pas là pour faire de la figuration comme souvent pour les artistes hip-hop américains en festival. Le spleen que trainent certains titres est assez saisissant et les spectateurs chantent à l’unisson tout en lançant le fameux moshpit désormais classique du nouveau hip-hop.
Mis à part pour les refrains passés en play-back, le flow d’Austin est assez carré et les imperfections de sa voix rajoutent même un charme à son chant par rapport au studio. Dommage de ne pas oser l’utiliser plus. En milieu de set, il se saisit d’une guitare acoustique et nous offre un petit intermède sans artifice, guitare et voix pour "I Fall Apart" et "Stay". De quoi faire taire les mauvaises langues.
Il a beau avoir seulement 23 ans et avoir commencé sa carrière en 2015, le nombre de tubes que possède Post Malone est assez impressionnant et la fin du concert les enchaine tous à la suite. "Go Flex" et son refrain imparable puis "Rockstar" sur lequel la guitare acoustique finit en mille morceaux. Le set se termine sur le premier succès du rappeur, "White Iverson" avant l’incontournable "Congratulations" sur lequel toute la foule se sépare pour un moshpit assez impressionnant.
Austin remercie longuement ses fans d’être venus le voir et descend aux barrières pour saluer les premiers rangs avant de se retirer. On sent encore une grosse sincérité dans la performance et pour quelqu’un aussi haut dans les charts et ça fait plaisir à voir. Merci Post Malone de nous avoir offert le meilleur concert de la journée et on ne peut que conseiller à ceux qui hésitent de courir le voir dès son retour sur une scène française.
Photo : Clara Griot
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