Après avoir défoncé la scène Metal avec son premier album Welcame en 2014, voici nos frenchies de Rise Of The Northstar de retour avec un nouveau méfait en 2018. Quatre années durant lesquelles le groupe a écumé les salles et festivals européens et accru grandement sa notoriété. Reste désormais à conquérir le monde comme dirait ce cher Minus. Et c’est à quoi s’applique la bande à Vithia pour ce Legacy Of Shi. Enregistrement à Brooklyn dans les studios de Joe Duplantier, premier single Here Comes the Boom dévastateur, les franciliens, toujours autoproduits via leur label Repression Records, se sont donné les moyens de leurs ambitions. Et à vrai dire, on s’attendait à tout sauf à un album pareil.
Après une introduction en japonais posant le contexte du disque en lui collant une bribe d’histoire (un samurai démon prenant Vithia comme hôte, celui-ci tente de ne pas se laisser dominer) et un hurlement ravageur du chanteur pour annoncer le retour du groupe, les décibels cognent fort sur "Here comes the Boom". La chanson, bien que sortie il y a cinq mois, est toujours aussi explosive, avec son refrain fait pour détruire la fosse et son petit pont rappé en français « attaque contre-attaque, matraquage compact » pas piqué des hannetons.
Vient ensuite "Nekketsu" et son riff marteau-pilon. Simple, basique, puissant, le morceau est fait pour la scène, le clin d’œil à Ice Cube ultra efficace et l’album apparait alors sous le meilleur des augures. On est en terrain connu, le travail est bien fait, et porté par une production dantesque. On voit pourquoi les gars sont allés taper à la porte Duplantier tant le rendu est lourd. Les instruments sont tous audibles, sonnent comme jamais, et les ambiances de fond rajoutent au disque des petites touches de fraîcheur bienvenue. Il n’y a qu’à écouter les guitares d’Air One et Eva-B pour s’en rendre compte. Incisifs, massifs et biens graves, leurs instruments se distinguent sans aucune difficulté dans le mixage.
Malheureusement, même si quelques compositions surnagent (grosso modo, les singles et le titre éponyme) le manque d’inspiration est bien trop visible sur le reste de ce Legacy Of Shi. Les riffs sont pourtant présents à la pelle mais leur agencement est souvent catastrophique. Comme si le groupe n’avait su synthétiser ses idées et les appliquer correctement. Des transitions mal fichues, des accords bateaux au possible, des chœurs à tout rompre, ce n’est pas parce qu’un breakdown ou un refrain cool apparaît que cela suffit à sauver les pistes de l’album.
Car cet écueil se reproduit quasiment à chaque morceau. Le final de "Furio’s Day" ne parvient pas à faire oublier son intro pataude, dont le schéma de composition sur les couplets est redondant avec "Step By Step" que l’on trouve plus haut dans l’album. Les Woot Woot du refrain de "Cold Truth" ne masquent pas l’inanité des couplets et la répétition d’"All For One" arrive à rendre la chanson trop longue alors qu’elle ne dure que trois minutes. Quant à "Kozo", le morceau se veut théâtral, mais s’avère être le pire de l’album. Dialogue raté entre Vithia et son démon intérieur, des What you gonna do badboyesques enchaînés n’importe comment avec le refrain, on a l’impression d’entendre un brouillon de piste et d’idées et non pas une composition finalisée.
Le chant de Vithia est d’ailleurs à l’image de cet album, totalement bicéphale : parfois fantastique, quand il s’agit d’éructer sa rage, que ça soit en français ou en anglais, parfois complètement aléatoire sur certains raps au placement hasardeux. "Teenage Rage" en est l’exemple parfait avec son couplet ultra efficace et un breakdown massif, gâché par ses transitions et un rap interminable et parfois inaudible en fin de morceau, aux paroles qui frisent le ridicule. Quant à son accent anglais, rien ne change. Le phrasé et les hurlements de Vithia sont dans la continuité des précédentes sorties de Rise Of The Northstar et font une partie de son attrait pour certains. Bref, si vous n'aimiez pas le chant de Welcame ou Demonstrating my Saiyan Style, n'espérez pas être charmé par celui de Legacy Of Shi.
On ressent l’idée derrière le disque : mélanger les styles pour créer un son unique, mais le tout n’est pas toujours bien exécuté, trop chargé, trop pompeux et trop référentiel. À croiser du KRS-one, du Will Smith, du George Clinton, du Hokuto No Ken et du Dragon Ball (entre autres, on n'est pas là pour faire une liste), du hardcore, du thrash, du heavy, on frôle l’overdose. Comme si le groupe n’avait plus que ça à vendre, comme si leur musique n'existait que sur un empilement de références, et que cela suffisait à pondre des classiques. Saupoudré de paroles rébarbatives uniquement centrées sur les membres de Rise Of The Northstar, leur soif de gloire et de réussite, le fait d'avoir ici poussé les potards au max rend le tout véritablement indigeste, à l’inverse de leurs précédentes sorties.
La plus grande force de Rise Of The Northstar s'est transformée en sa plus grande faiblesse. À force de rester en vase clos, de tout vouloir gérer, le groupe s'est changé en parodie de lui même. Perclus dans son ambition par un égotrip ridicule, les cinq garçons de l’étoile du Nord ont perdu toute spontanéité. À trop jouer sur un quadriptyque rap/metal/manga/hardcore, à réutiliser le moindre gimmick à l’extrême, Rise Of The Northstar a réussi dès le deuxième album à devenir son ombre. Et mis à part de rares exceptions, quand l’inspiration pointe le bout de son nez, elle s’empale au milieu de compositions quelconques. La déception est donc au niveau de l’attente, énorme. Mais un grand guerrier se relève, toujours, même après une défaite, et c’est tout ce qu’on espère pour le futur du groupe.