Un concert des Ramoneurs de Menhirs, c’est toujours un moment spécial de furie et de communion. Communion entre le groupe et son public, entièrement acquis à sa cause, et communion entre le punk et la musique celtique, que le groupe mêle de façon magistrale.
Balto Parranda
Le concert est complet depuis un certain temps, et les six membres de Balto Parranda vont dérouler leur set devant une foule déjà consistante. L’énergie dégagée par le groupe est incendiaire, les six musiciens sautent dans tous les sens, improvisent une chorégraphie approximative en sautillant sur un pied puis sur l’autre, et réussissent à se faire déplacer de cette façon tout le public du Gibus.
Originaire de Corbeil-Essonnes, le sextette joue une musique chaude et endiablée, entre rock, punk et ska, aux sonorités balkaniques prononcées. Aux instruments rock traditionnels s’ajoutent, selon les morceaux, un saxophone, un accordéon, ou encore un banjo.
Le fantôme de Gogol Bordello n’est pas loin, et si la musique n’est pas toujours extrêmement élaborée, elle est assez euphorisante, et le groupe s’en donne à cœur joie. Le chanteur fait face à des problèmes de micro sans paraître décontenancé, et le public ultra réactif enchaîne les pogos.
Les Ramoneurs de Menhirs
Le public, visiblement très réactif de base, a été chauffé à blanc par Balto Parranda. Le minuscule sous-sol du Gibus finit de se remplir et devient complètement étouffant. La densité de kilts au mètre carré est largement supérieure à la moyenne parisienne, les tee-shirt à l’effigie des Ramoneurs de Menhirs sont également de sortie, et on rencontre plusieurs Britanniques ayant traversé la Manche pour prendre une décharge de punk celtique made in France dans la face.
Au bout de quelques dizaines de minutes, le public se met à hurler tandis que le groupe finit ses balances. Les Ramoneurs de Menhirs sont visiblement touchés par l’accueil. "Bonsoir tout le monde, ça fait plaisir !" lance Loran derrière sa guitare électrique. Il ajoute en suivant que "finalement, il n’y a plus que les vieux punks pour emmerder le Front National", et annonce que le concert sera placé "sous l’esprit indomptable de la Commune de Paris".
Après une telle entrée en matière, le quatuor lance le traditionnel breton "Dir Ha Tan". Le public est déjà surchauffé, et si le pogo est compliqué à cause de l’affluence monstre, les slams s’enchaînent dès le premier morceau, parfois directement depuis la scène.
Le Gibus n’est pas une salle optimale en matière de son, et avec des instruments aussi délicats que des binious et des bombardes, c’est encore pire. Les instruments ont du mal à rester accordé, et cela s’entend sur plusieurs morceaux. Les discours des musiciens entre les morceaux, pourtant nombreux et partie prenante du concert, sont parfois difficilement audibles au fond de la salle.
Mais cela n’empêche pas la ferveur du public ni celle du groupe, qui renforce souvent par des chœurs véhéments le chant engagé de Gwenaël Kere. Avec une guitare, une bombarde, un biniou et une boîte à rythme en guise de batterie, le quatuor arrive à lier à merveille traditionnels bretons, qui prennent alors une tournure beaucoup plus punk, et "traditionnels punk rock", selon ses propres termes. Ceux-ci sont alors complètement revigorés par les instruments à vent d’Eric Gorce et Richard Bévillon ("If The Kids Are United" de Sham 69, ou "Sucks" de Crass, notamment).
On regrette en revanche que la même recette ne s’applique pas aux quelques reprises de Bérurier Noir. On comprend que Loran veuille garder intactes les chansons de son ancien groupe, mais un traitement punk leur apporterait assurément quelque chose en plus.
Mais Les Ramoneurs ne se contentent pas de ces deux registres et offrent aussi une reprise d’"Azawad Dieub", morceau traditionnel touareg, qui sonne extrêmement bien à la cornemuse. Ils dédient aussi une danse bretonne à l'indépendance catalane, et ils offrent leur version de "Bella Ciao". En français, ce que les puristes peuvent regretter, mais au moins leurs paroles sont-elles en adéquation avec l’esprit du texte original – pas comme d’indécentes reprises de variété récentes…
L’énergie ne faiblit jamais, que ce soit sur ou devant la scène. Mais la folie est telle que la chaleur se fait de plus en plus suffocante. La condensation perle des tuyaux au plafond de la salle, et le groupe est obligé par deux fois d’interrompre le concert pour ouvrir les portes et tenter de rafraîchir un peu l’assemblée.
Après plus d’une heure et demie, le groupe s’apprête à entamer une gavotte, danse traditionnelle bretonne, mais le public n’est pas de cet avis et réclame "Porcherie". C’est donc l’un des plus grands classiques des Bérus qui sera repris avec fièvre par le groupe et le public en chœur. Le quatuor glisse même une version instrumentale du "Chant des Partisans", très prenante.
Après une soirée de chants de lutte, quelles qu’elles soient, et de messages de résistance, c’est comme d’habitude sur "La Blanche Hermine" que le groupe conclut sa prestation, non sans avoir fait monter sur scène toute son équipe technique pour la faire acclamer. Moins de deux heures, c’est peu pour les Bretons, mais le groupe a été ce soir aussi combattif et généreux qu’à son habitude.
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