Dans les soirées placées sous le signe de l'éclectisme, Pias Nites et la Maroquinerie sont médailles d'or. Il nous a fallu un bonne foulée pour arriver à franchir les fossés des genres séparant les trois artistes/groupes se produisant ce soir-là : Pion, SIAu et Radio Elvis. Un marathon auditif qui n'est pas sans déplaire au label qui aime voir les chroniqueurs de votre gros média préféré chausser leurs plus belles baskets pour arpenter d'autres sentiers que ceux du rock.
Crédit photo : Emilie Fricheteau
Dans la tanière du mélomane, sous le feu des projecteurs diluant une lumière tamisée, se trouvait un étrange individu. Bien loin du hippster/rockeur/diva/bobo/intello ou autre, l'être évoqué suscitait interrogation et suspicion. Son look éveillait un petit quelque chose dans la faille spatio-temporelle de notre enfance... Voilà ! Nous avons été transposés dans un tournoi de Donjon et Dragon ou dans une rétrospective du Seigneur Des Anneaux. Vêtu d'une cape, l'air malicieux et énigmatique, Charles Templier chanteur et guitariste de la formation Pion, commence toutes ses chansons par un monologue aux notes « Tolkiennesques »... Étrange, vous avez dit étrange ? Un peu comme leur musique en somme. Malgré ces textes légèrement nimbés de flammes et de veines en pas très bon état « Je bois seul dans un parc un grand verre d’ammoniaque » (voilà, voilà...), on y découvre des ballades d'une belle sensibilité et surtout un individu drôle et courageux. L’ammoniaque se transforme en Cacolac.
Le groupe initialement trio et apparemment devenu duo a subi quelques dommages mais sans intérêt. Le batteur, Louis Delorme, n'était pas au rendez-vous pour cause d'énergumènes des rues. On applaudit quand Charles Templier les qualifie de « bâtards », on salue quand il dit « Show must go on » et on rit quand il ajoute « je suis un opportuniste, je lance ma carrière solo ». Musicalement, on est sur une chimère aux protubérances non identifiées. Une sorte de musique post-apocalyptique ironique, dérangeante et étrangement amusante difficilement descriptible puisque pas complète en ce soir de novembre. A voir donc mais avec un tube de Lexomyl dans sa poche, juste au cas où...
Crédit photo : Emilie Fricheteau
Après les forces telluriques, prenons un peu de hauteur voir même de légèreté avec SIAu. « Je vous propose de léviter » et bien allons-y gaiement ! Encore un monsieur seul sur scène en prise cette fois, avec un synthé et un micro. SIAu c'est un peu ce vent doux qui vient vous caresser la nuque et qui vous fait regarder le ciel avec des yeux d'enfants en observant les animaux dans les formes éparses des nuages. N'en déplaise à notre boss (et c'est pas de notre faute), force est de constater que le rock est encore far far away... Même ses mouvements de danse sont plus proches d'un Etienne Daho en grande forme que d'un Kiss, pardon patrons ! Attention le monsieur au tee-shirt blanc et aux déhanchés prononcés peut aussi nous la faire à l'envers.
Certes les musiques de son premier EP, À la lueur, sont planantes, tendance électro « good vibes » du moment, mais le texte pas aussi naïf et facile que ça... Ça se révèle surtout à la fin quand il interprète « Ce soir, je sors », un hymne à la séparation qui sonne plutôt juste. C'est que ça pourrait presque sentir l'introspection et le petit revival personnel de ces temps difficiles. Une musique aussi très (très) proche de la compo de Weval « Detian » que nous connaissons tous ! Si si, vous l'avez déjà entendue et même vue, il s'agit de la pub Schweppes avec Pénélope Cruz ! What did you expect ? Mmmmh juste une petite bière avant Radio Elvis pardi !
Crédit photo : Emilie Fricheteau
Voilà enfin les trois frenchies rockeurs de Radio Elvis ! On sait pour qui le public s'est déplacé. Il y a quelques âmes aux abois et au bout de quelques chansons, on commence à comprendre. Pourtant le style ampoulé du prof de fac dans son costume trop grand et son col mousquetaire des années 80 semblait avoir pris un coup de vieux aux dernières nouvelles. Avec Pierre Guénard, chanteur guitariste du groupe, savant mélange de Corto Maltese et de Harry Potter, on revisite ses classiques avec grand plaisir.
Plus sérieusement, on ressent une certaine fébrilité dans leur jeux, comme une envie d'y aller sévère. « Ça fait un an qu'on n'a pas tourné et franchement, on n'en peut plus », c'était donc ça. Ça envoie avec plaisir et sans retenue au gré des solos de Manu Ralambo (guitare électrique et basse), des embardées de Colin Russeil (batterie et claviers) et des clins d’œil de Pierre.
Crédit photo : Emilie Fricheteau
Après Les conquêtes multiples de leur premier album, ils remettent le couvert deux ans après avec Ces garçons-là. Interprété magistralement au tout début et à la toute fin en rappel, on devine un affect particulier pour cette chanson éponyme. Le concert est trop court, l'émulation régnant à la Maroq' nous emmène tous. On accueille avec joie le nouveau de la bande se produisant pour la 1er fois au synthé avec Radio Elvis, Martin Lefebvre. On voit arriver Pierrick Devin (réalisateur de l'album) et Adrien Gallo le chanteur des BB Brunes qui a décidé de convertir son approche capillaire de type Brialy à une afro post Jackson Five.
Devinez quoi ? On aime ! On aime parce que ça nous donne envie d'aller sur scène, de rire et s'amuser, de s'éclater entres potes parce que c'est vraiment ce que l'on ressent. Ça bouge et saute sur scène du coup ça bouge et ça saute dans la fosse. La musique est bonne, la voix de Pierre est belle, la sauce prend, le public est aux anges et nous on réécoute tranquillement à la maison « Ces garçons-là » en se souvenant des mimiques de ces trois loustics qui nous ont totalement emportés.
Crédit photo : Emilie Fricheteau