Retour en Normandie. Retour en Septembre. Retour au Festival du Loup Vert.
Nous sommes à Jumièges les 21 et 22 septembre. Les gros report à lire ici pour le jour 1 et là pour le jour 2.
Ce festival a tout d’un grand par sa programmation, mais a réussi à conserver l’esprit familial. Autant dire que nous avons passé un bon moment sur place et les rencontres avec les artistes ont pu se faire dans des conditions optimales. Un grand merci à l’organisation et notamment à Erica.
Après avoir vu Fatbabs et Black Ship, nous rencontrons Scars pour un gros entretien. Le havrais aura-t-il encore des secrets pour vous après cet interview ? C'est sous le regard de son acolyte de toujours Selecta Antwan que nous échangeons sur le parcours du normand.
LGR : La façon dont on pourrait te décrire, en trois mots : musique, médecine et rhum ?
Scars : Ouais, on peut dire ça ! Mais c’est vrai que plus ça va aller, plus le mot rhum va tendre à se transformer en spiritueux parce que je commence vraiment à m’intéresser plus uniquement au rhum. Avant, c’était le rhum à 100% ; maintenant c’est toujours le rhum à au moins 80% mais là, depuis pas longtemps, le Cognac m’intéresse énormément, le Calvados m’intéresse énormément, l’armagnac pareil, mezcal, tequila,... Il y a vraiment que le whisky pour l’instant que j’appréhende avec un petit peu de retenue parce que c’est un monde qui est beaucoup trop vaste. J’aime bien faire le tour des choses et voir les choses en profondeur, et le whisky j’ai peur que ça me prenne des années et des années.
Mais, oui, écoute sinon c’est très bien résumé effectivement : rhum, oui, oui à fond carrément ! (rires)
LGR : Et le quotidien, du coup, tu parlerais plutôt de trois vies ou d’une triple vie ?
Scars : Plutôt la triple vie. La journée typique : je me lève le matin, je vais bosser au cabinet médical où je remplace, donc tantôt c’est du côté du Havre, parfois c’est près de Fécamp, parfois c’est près de Dieppe,... enfin bref, en Seine-Maritime. Dans la journée, quand j’ai un peu le temps, il y a des petits passages où je vais participer à des discussions booking, ou autre, etc sur Facebook. Enfin voilà, moi j’ai toujours le logiciel médical d’un côté, la page Facebook, et la page Gmail qui sont ouvertes et puis voilà quoi ! Globalement, j’essaie de faire les deux de fonds. Après quand il y a un peu de rush au niveau du boulot, je ne vais pas y toucher jusqu’à midi. A midi, je mange un pauvre sandwich et là par contre ça va être booking, management, organiser, le côté régie sur la tournée, sur les dates. L’après-midi reprend, je re-bosse. Il y a certains jours où je m’occupe du blog du rhum aussi ; qui me prend pas mal de temps mais j’ai la chance de travailler avec une copine super talentueuse qui s’occupe de tout ça avec moi et donc qui m’est d’une aide précieuse. Et puis, fin de journée, je rentre chez moi et là c’est vie familiale et puis voilà, classique ! Donc, non j’arrive à peu près à tout faire dans une journée, c’est juste que je ne dors pas beaucoup et que je ne vois pas beaucoup de potes mais bon après, mes vrais amis y sont habitués et puis savent à quel moment réussir à m’intercepter !
LGR : Intéressant ! Bravo ! J’imagine que l’été, le rythme change ? On t’a vu faire beaucoup de dates, notamment avec Selecta Antwan.
Scars : oui et non ! Parce que j’ai aussi énormément de boulot. En tant que remplaçant, il y a plein de médecins qui partent pendant les vacances scolaires parce qu’ils ont des gosses. Et donc je bosse autant que je fais des tournées, en fait. Sur l’été, je fais dix jours de tournée en juillet, dix jours de tournée en août où là vraiment ça correspond à deux fois une semaine sur lesquelles je ne prends pas de boulot. Et le reste du temps, par contre c’est rempla, rempla, rempla… Et donc comme je te l’ai dit, sur les pauses de midi et deux, je gère la régie pour la tournée, les hôtels, les ceci et cela…
LGR : Ouais, donc c’est chargé !
Scars : Bah écoute, ouais, c’est assez chargé, ouais. Des fois c’est un peu too much, mais ça fait partie du truc. Je crois que je n’ai jamais trouvé de manager qui assumerait autant de boulot donc on le fait nous même avec Antwan. Antwan le fait beaucoup plus qu’avant aussi. C’est vrai que maintenant il est vraiment mis à contribution de par lui même mais c’est vrai que c’est pareil, il fait pas mal de régie, pas mal de dates,...
Selecta Antwan : C’est vrai que maintenant quand les gens veulent faire jouer Scars, ils passent aussi par moi.
Scars : Et puis avant je récupérais les régies. Et maintenant, quand ils passent par Antwan, je dis à Antwan “Je te laisse tout gérer” et Antwan le fait aussi bien que moi parce que ça fait sept ans qu’on bosse ensemble ! On sait ce qu’on veut, on sait ce qu’on ne veut pas.
LGR : En tous cas c’est très intéressant pour nos auditeurs. On se rend bien compte du quotidien qui est trompeur des fois.
Scars : Bah ouais ! Tu vois, c’est marrant parce que j’ai fait une partie de tournée avec ma femme et elle a toujours cru que quand je partais que c’était que du kiff, que de l’amusement et tout. Et elle s’est rendue compte que non, t’as vraiment plein de trucs à gérer dans la journée et finalement les moments vraiment cools c’est peut-être le moment un peu avant de jouer où tu vas manger, et puis le moment où tu as fini de jouer où là tu profites. Avant d’aller te coucher ! Et dès le lendemain tu as plein de trucs à gérer, des trucs à confirmer, des coups de fil, des bordels, des machins. La vie sur la route !
LGR : On peut parler d’un été chargé, avec Antwan ?
Scars : Ouais, on a eu un bel été. On a fait beaucoup moins de festivals que l’année passée parce que l’année passée c’était l’année la sortie de mon deuxième album et donc j’avais eu la chance d’avoir l’alignement des astres à savoir tous les grands festoches de reggae en tous cas français. Summer Vibration, Zion Garden, le No Logo, le Reggae Sun Ska,... Je les avais tous faits l’année dernière ; donc là forcément, tu ne vas pas prétendre y retourner l’année d’après, surtout si ton projet tu l’as déjà utilisé pour faire les dates. Donc on a eu beaucoup de dates mais pas beaucoup de festoches. Et bah c’était cool aussi ! Là ça fait quelques années que l’été on tourne avec Volodia, donc du coup des tournées communes, un mélange de tournée et de vacances ensemble. Et donc oui, bien chargé et c’était vraiment super, on a eu la chance d’avoir un super été, il a fait beau tout le temps. On a eu du monde sur chaque date, ce qui n’est pas toujours le cas surtout quand t’es dans des lieux très touristiques où parfois, tu sais pas pourquoi, il suffit qu’il fasse gris ou autre, bah les touristes restent chez eux et se disent “Je sortirai demain”. Là, non, blindé tout le temps ! Donc trop cool, trop bien, béni, totalement béni !
LGR : Sur l’été, on a aussi la Summer Tape. Tu nous en parles un petit peu ?
Scars : Ouais, c’est mon côté hyper actif qui fait que j’avais pas forcément besoin de sortir quelque chose parce que l’album est paru il y a un an, mais… Je m’étais dit "Oh quand même, il y a des sons que j’aimerai bien exploiter…" Et puis ce ne sont pas des sons que j’avais envie de faire “au super-propre” etc. J’avais vraiment envie de garder le côté un peu mixtape qui a un côté très cool, c’est à dire vraiment, c’est des sons que j’avais fait à la maison donc vraiment en mode home-studio, que j’ai quand même fait mixer et masteriser pour l’occasion mais qui forcément ne vont pas avoir la lourdeur d’un son qualité album. Mais voilà, puisque c’était dans l’idée d’offrir ces morceaux-là aux gens, de les mettre en téléchargement gratuit… Je me suis dit c’est un bon compromis, ça reste très écoutable mais ce n’est pas non plus grosse production comme un album quoi !
J’étais content de me repencher sur des sons qu’on appelle un peu les chutes de studio ; c’est-à-dire des sons que moi j’ai aimé écrire, que j’ai aimé enregistrer, mais qui n’ont pas trouvé forcément grâce aux yeux de mon producteur. Donc ça s’est retrouvé ni sur le premier album, ni sur le deuxième. J’en avais une quinzaine mais je n’avais pas non plus envie de faire du bourrage en disant “Non je veux à tout prix mettre tous les sons que j’ai fait” puisque ce n’est pas intéressant. Il y a des sons qui, effectivement, en les réécoutant, je me suis rendu compte qu’ils n’avaient vraiment leur place nulle part. Ils ont peut-être été intéressant pour me faire progresser dans l’écriture ou dans l’enregistrement ou dans plein de trucs, mais qui en valeur absolue n’avait pas leur place, même pas sur une mixtape. Donc finalement, je n’en ai gardé que sept ! On avait parlé pas mal d’ailleurs avec Antwan de ça, des morceaux, de savoir lesquels on mettait etc. Je suis resté sur ces sept-là qui sont finalement que dancehall ; non pas parce que j’avais envie de faire une mixtape dancehall mais parce que finalement c’est des sons que mon producteur n’avait pas forcément envie d’exploiter parce que peut-être trop dancehall, ou je ne sais pas… Mais donc là, vu que c’était mon projet d’été, allez, je me fais plaisir ! Et en plus ça colle bien avec l’été, tu sais tu t’enjailles, voilà t’es en soirée, ou tu vas en soirée, ou à côté d’un barbec’, tu mets un son qui bouge un peu, paf ! tu mets les sept titres, les trucs envoient, et puis voilà ! Et à priori ça a l’air d’avoir plutôt plu aux gens donc tant mieux !
LGR : “Tant mieux”, très belle conclusion ! Autre fait marquant de l’été, 3 millions de vue sur le We All Crew ?
Scars : Ouais ! Je suis passé complètement à travers parce que, c’est con à dire, mais j’étais vraiment plus focalisé sur les 1-million, donc les 2-millions je les ai vus peu de temps après… En tous cas quand ils sont arrivés, je les ai vus. Mais 3 millions,... Je ne les ai pas vus ! Donc effectivement, je m’en suis rendu compte un jour, parce que des potes mettaient le son en soirée et là je me dis “Putain, ouais, on les a passé !” donc trop cool, et ce qui est aussi tout à fait cool, c’est qu’on a passé le million sur la Mic Session avec Jahneration. Et donc c’est cool, parce qu’un son qui n’est pas porté par Naâman, qui s’appelle We All, avec tous les copains qui ont tous leur gros buzz de ouf, bon bah tu dis “Ouais, il y a 3 millions” Bon, au final… C’est un peu grâce à tout le monde, et surtout grâce aux copains qui marchent vachement bien quoi ! Là, Jahneration et moi, bon, je sais que Jahneration ils ont une grosse hype de ouf, et qu’effectivement l’immense majorité des vues sont grâce à eux, mais… il y avait quand même cet espèce de sentiment que… je pouvais aussi m’approprier un peu ce million aussi ! (rires) En tous cas plus que sur le We All, tu vois ? Me dire “Putain, c’est pas encore un son que à moi qui tape un million de vues, mais quand même on en est pas loin !" C’est vraiment un feat et tout. Surtout quand tu regardes les autres, t’as celui de Balik qui est loin devant, celui de Volodia où on est pas super loin l’un de l’autre, et puis les autres avec Dub Inc et tout ça. Donc tu as vraiment de la grosse concurrence, et que toi tu vois que ton score est vraiment pas ridicule et passe le million, bah écoute, c’est le bonheur quoi ! C’était encore des occasions de boire du rhum tout ça, ouais !
LGR : J’ai cru lire une petite anecdote sur le tournage du clip de We All… C’est la triple vie qui fait que tu n’étais pas sur le tournage ?
Scars : C’est ça ! (rires) J’étais totalement à Montpellier. Mais ça c’est à cause de Peter, le manager de Naâman, c’est de sa faute ! Il m’appelle le samedi ou le vendredi je crois, et il me dit “On tourne le clip de We All dimanche.” Alors je demande “Dimanche de la semaine prochaine ?” Il me répond “Non, dimanche dans deux jours” ou le lendemain, un truc comme ça. A ce moment là j’étais avec ma femme, je dis bon bah… je vais peut-être devoir aller cliper. Et elle me dit c’est hors de question. Donc je rappelle Peter, je lui dis “Ecoute ça va être chaud…” Il me répond “T’inquiète pas, je me doutais bien que ça ne serait peut-être pas super simple, je préviens tard.” Il me dit “Tu sais quoi, tu te filmes, avec un bon cadre derrière, un truc sympa, et nous on va se démerder.” Et effectivement, ils en ont parlé entre eux, ils ont trouvé cet espèce d’effet spécial qui fait qu’au final c’est cool, parce que ça rythme aussi un peu le clip, ça fait un changement de plan, l’effet est trop bien et vraiment t’as l’impression… Enfin moi qui suis nul en montage, clip etc. je ne sais même pas comment ils ont fait pour incruster en temps réel avec le mouvement de Volodia qui approche, tu vois la vidéo qui part… Je me dis mais “Comment ils ont fait pour que la vidéo elle suive ?” Enfin, je ne sais pas… Encore aujourd’hui, je ne sais pas comment ça fonctionne ! Mais au final, je suis super content du résultat, et si c’était à refaire je pense que ça vaudrait le coup qu’il y ait un couplet, peut-être pas forcément moi, mais un couplet qui soit pas au même endroit. Je trouve vraiment que ça amène un petit truc ! Donc pas de regrets de cette anecdote.
LGR : Tu nous retranscris rapidement l’histoire du We All ? On a pu voir un autre son récemment du We All, avec Cheeko.
Scars : Ah ! Oui et non, car pour moi et pour beaucoup de gens, c’est pas vraiment We All. C’est un remix avec les gens du We All. Ce que moi j'appellerai un morceau du We All, alors peut-être que ça n’engage que moi, mais pour moi c’est un morceau qui a un peu une genèse comme ça a été le cas pour le morceau "We All". C’est à dire que : Naâman a été le premier à trouver l’instru, il a commencé à écrire un refrain, et après on s’est tous greffés là-dessus. Là, le morceau de Cheeko, Cheeko avait déjà fait son morceau et il s’est dit “Je veux faire un remix.” Donc de là, à partir de là, pour moi, c’est pas la même genèse. T’es vraiment sur autre chose et qui est sympa aussi et qui se refera d’ailleurs sur pas mal de morceaux peut-être, un peu single des uns et des autres où ils invitent toute l’équipe derrière. Mais du coup pour moi, c’est quand même pas la même genèse.
La genèse du We All et de ce morceau et du collectif qui en est sorti après, c’est qu’en fait, bah voilà, on est tous amis depuis des années et des années, et puis, on s’est dits un jour “Tiens si on se faisait un morceau ensemble.” Mais en fait, on ne l’a jamais fait. Donc, il y a eu l’Olympia de Naâman, qui a fait que… pour le public, amener quelque chose d’un petit peu nouveau, un truc un peu exclusif, faire une surprise aux gens, et on s’est dit “Allez, c’est l’occas’” et puis il a fallu l’organisateur, Peter, qui est toujours très très bon pour ça, pour motiver les troupes, rappeler les gens à l’ordre “Bon alors ton couplet tu l’envoies aujourd’hui ou demain, enfoiré, faudrait pas qu’on tarde trop !” donc voilà, quelqu’un qui finalement fait de la réal, qui réalise et qui pousse tout ce petit monde un petit peu aux fesses pour que ça se fasse quoi. Et effectivement, ça s’est passé, le clip dans la foulée, l’Olympia, puis après ça nous a amené à faire une carte blanche avec Naâman au No Logo, et à le refaire sur quelques dates des autres copains, etc. Donc trop bien ! Et puis, il y a eu aussi la volonté de pas mal de gens, à priori 3 millions et quelques, qu’on fasse d’autres choses ensemble mais c’est un bazar complet d’organisation.
Ce qui est possible pour un morceau et plus compliqué pour un projet complet. Mais… voilà, personne ne désespère de ça. Là on va arriver dans une période, où en gros, on va peut-être avoir des fenêtres un petit peu de tir communes en terme de temps libre. Naâman ne va plus être en tournée, Jahneration ne va plus être en tournée. Et où du coup… Ce serait bien. Moi j’imagine les choses simplement. Simplement ça serait d’aller en résidence tous ensemble, imaginons une semaine par exemple, bloquer un studio pendant une semaine où tu peux dormir, et puis voilà on ferait que créer : écrire, enregistrer ; trouver un beatmaker, donc Fatbabs par exemple, trouver un réalisateur, donc ça peut être Peter tout à fait, qui réalise un peu le truc, qui manage aussi un peu pour justement réussir à canaliser les potentiels qui sont quand même très différents dans les styles musicaux et dans les façons de travailler. Il y en a qui vont écrire vite, il y en a qui vont écrire lentement, tu vas avoir plein de possibilités différentes. Donc je pense qu’il faut vraiment un chef de projet, sinon si tu ne places pas de chef de projet, on n’y arrivera jamais, ça sera le bordel. D’ailleurs, ça c’est prouvé car on a toujours rien fait ! (rires) Donc tu vois ! La seule fois où ça s’est fait, c’est parce qu’il y avait les gens qu’il fallait extra-musicalement aussi. Donc voilà, moi j’espère très très très fort que ça se fera parce que ce qui peut découler d’un projet We All, même d’un 7 titres peu importe, après c’est… c’est énorme quoi ! Ca peut être des festoches, ça peut être de partir avec un petit van 9 places et puis voilà en mode sound-system faire des tournées de festoches, des tournées de trucs et tout. Et là ça peut être vraiment génial ! Mais après peut-être que c’est encore trop tôt. Peut être qu’il faut que Jahneration sorte un deuxième album… Naâman… Voilà, il a trois albums, une mixtape donc arrivera un moment où potentiellement il pourrait se dire “Là, je peux libérer du temps.” Jahneration c’est vraiment le tout début. Ils ont fait un espèce d’autre album juste avant, mais qui était vraiment comme le premier projet de Naâman. Je comprends qu’ils aient vite envie d’embrayer sur un deuxième album et peut-être même sur un troisième. Donc si projet We All y aura, ça sera soit sur une petite fenêtre commune, mais quand ? Je ne sais pas. Soit, dans un peu plus longtemps quand chacun aura vécu ce qu’il aura à vivre. Moi c’est pareil, là, je commence vraiment à… voilà j’ai mes deux albums qui sont sortis, là je suis vraiment sur d’autres envies et notamment pourquoi pas, après avoir fait du solo pendant deux albums et je ne compte même pas toutes les mixtapes que j’ai faites avant ces dix dernières années, là je commencerais à avoir plus d’envie, justement à m’investir dans des projets communs, plutôt que de repartir sur un troisième album tout de suite. A me dire “A quoi bon refaire ce que j’ai fait déjà depuis des années ?” Là, ça a un côté plus excitant.
LGR : C’est bien, tu anticipes bien les questions ! J’allais te parlais de la suite pour toi ?
Scars : C’est vrai ? (rires) Oui, bien la suite,... La suite en ce moment c’est trop trop trop cool ! Parce que t’es dans la phase que je préfère quand tu fais dans la musique, c’est-à-dire la création. Il y a deux choses que j’adore dans la musique : les concerts, mais ça, j’en fais à l’année, que je sois en créa ou en train de défendre un album, je fais des concerts. On a la chance avec Antwan d’être sur la route toute l’année.
Antwan : Le All-year-long Tour !
Scars : C’est vrai qu’on a cette chance. Mais la phase de création… Moi j’écris très souvent, pour des featuring, pour l’envie d’écrire simplement, mais je ne vais pas aller jusqu’à l’étape du studio, parce que je n’aime plus trop faire des maquettes. J’aime bien faire ce qu’on appelle des “Def” directement. Donc des “définitives” où voilà, au pire tu ne le gardes pas, après peu importe mais au moins dans tous les cas, tu te le fais vraiment. Et donc, il n’y a pas beaucoup de moment de créa purs et durs, en tous cas de créa où tu vas jusqu’à l’étape du studio, puis du mix, puis du mastering, puis du clip. Et donc, ça commençait à me gonfler d’être dans des schémas où tu attendais deux-trois ans pour que ton album sorte. Là, je suis arrivé en fin de contrat de mes deux albums avec mon producteur et d’un commun accord, on s’est dits qu’on n’allait pas repartir sur un contrat d’artiste exclusif et qu’il allait plutôt garder le côté éditeur, distribution et la mise en place des projets. Et que, bah voilà si j’avais envie de trouver un autre producteur, et donc si j’avais envie - et c’est ce que je vais faire, d’être mon propre producteur, je pourrai le faire. Et donc comme moi, j’ai pas envie de repartir sur un album, c’est un concept économique qui est tout à fait faisable en tant qu’auto-producteur, à savoir de produire mes propres sons. J’y ai réfléchi. J’ai contacté tous les gens qui sont nécessaires pour faire de la musique, c’est à dire un beatmaker, qui fait la musique, un mec qui mixe, un mec pour le mastering, un mec qui tourne le clip, et un mec qui te fait une petite cover et puis bien sûr un éditeur pour la SACEM etc. et un distributeur qui met ton single dans les playlists sur toutes les plateformes de streaming etc. Donc tout le monde est ok, tout le monde est hyper sympa et bienveillant avec mon petit projet et accepte aussi ce changement, parce que forcément tu pars d’une prod, t’es dans une autre logique économique. Là c’est moi démarche en direct, et tout le monde a été hyper bienveillant avec moi donc c’est trop cool. Et là mercredi, j’étais chez Tom Fire, et je commence à avoir six prods à lui, j’en ai une de mon bon vieux pote TG, celui qui a fait la prod du morceau avec Taïro sur l’album. Je vais essayer de revoir Cisco dans pas longtemps. Mercredi prochain je retourne chez Tom Fire, et l’idée va être en fait de sortir des singles, c’est-à-dire sortir tous les deux-trois mois un morceau mais clé-en-mains. Donc tu sors un morceau, il y a le clip, il y a tous les liens stream etc. Un peu comme font tous les rappeurs ! Vraiment, c’est la nouvelle logique, à savoir, d’être tout le temps sur le devant de l’actu. Faut regarder Kalash qui lui est entre le hip-hop, le dancehall et le reggae, il n’y a pas un mois où il ne sort pas un single. Et le single il y a le clip et compagnie. Il est tout le temps sur le devant de la scène ! Et ça, je trouve ça génial. C’est très compliqué, il faut être toujours en mouvement, toujours dire “Eh regardez, j’ai un nouveau titre, un nouveau clip,...” mais c’est bien parce que le modèle économique n’est pas complètement délirant d’un point de vue financier moi j’arrive à m’y retrouver et à financer ça, en tous cas d’avancer des tunes en attendant d’avoir des retombées SACEM, streaming, iTunes etc. Donc là je m’y retrouve et en plus, là je commence à avoir la matière. Je te dis, j’ai les morceaux, j’ai cinq nouveaux morceaux dans la boite, et donc j’aimerai bien commencer à cliper en octobre puis sortir avant la fin de l’année un premier morceau et qu’après ça s’enchaîne. Vraiment si je peux sortir un son tous les deux-trois mois, c’est vraiment que du bonheur !
Par contre la direction artistique sera encore différente puisqu’il y aura toujours la base un peu dancehall ou un peu reggae. Mais ça sera de plus en plus crossover. Il y a même des sons où vraiment on sera plus proche de Major Lazer que de Taïro ou YaniSs Odua. On sera vraiment dans des directions artistiques beaucoup plus… Je ne sais pas trop comment appeler ça. A la fois électro mais en même temps électro ça veut un peu tout et rien dire. Mais en tous cas, ça va vraiment être hyper hyper lourd, dans le sens où ce sont des sons qui pourront aussi bien s’entendre en sound-system, en concert, que pourquoi même en club quoi ! Donc sans tomber dans le côté un peu à la con avec des paroles de merde et avec voilà, du boum-boum un peu à la con. Mais en tous cas voilà, les gens qui aiment le concept Major Lazer et autres, je pense et j’espère en tous cas, kifferont cette orientation. Après je me leurre pas, je sais qu’il y a plein de gens qui vont surement ne pas aimer et c’est pas grave, ça fait partie du jeu.
LGR : C’est aussi une façon de te retrouver ? De faire quelque chose qui te ressemble encore plus ?
Scars : Bien-sûr, en fait, toute la musique j’ai fait je ne me suis jamais forcé. Ca a toujours été ce que j’aimais à un instant T, mais tu vois, là, j’ai 33 ans, je n’écoute plus déjà la musique que j’écoutais il y a dix ans. Donc quand je fais de la musique, je n’ai plus forcément envie de faire du reggae pur et dur ou du dancehall pur et dur parce que je l’ai fait pendant dix ans en fait. Les influences ont changé, j’ai envie de plus chanter, j’ai envie de plus enjailler les gens avec des gros drop sur lesquels tu vois, je ne vais pas chanter. J’ai envie de faire des gros refrains sur lesquels c’est juste instrumental avec un truc qui envoie à mort, et m’imaginer sur scène en train de faire sauter les gens et pas forcément faire un refrain conventionnel quoi ! Et ça, bon, c’est une évolution naturelle des choses, on va dire… On verra ! En tous cas, moi ça me fait bien kiffer.
LGR : C’est ça le plus important d’ailleurs. Petite transition sur les influences, puisque tu les évoquais justement. Tu as toi-même une influence, ou au moins es une source d’inspiration pour les “Youth” comme vous les appelez avec Antwan. On parle bien-sûr du duo S’n’K avec qui on a vu un feat sur leur EP.
Scars : Je ne sais pas si je les ai influencé mais en tous cas, ce qui est sûr, ce qui est vrai, c’est que ce bon vieux Singah ça fait des années en fait qu’il m’envoie ses morceaux en me demandant ce que j’en pense et j’ai toujours pris le temps d’écouter et de lui donner mon avis. Donc j’étais content effectivement qu’ils me proposent ce featuring, avec Kip’Poz. Qui plus est, s’est fait vraiment naturellement. Voilà, il y a encore pas mal de boulot parce qu’ils ont, si je ne dis pas de connerie, 21-22 ans un truc comme ça. Donc moi c’est ce que je dis toujours, à 21 ans, je pense personnellement que je n’avais pas le niveau qu’ils ont. Après je me trompe peut-être parce que je vois ça avec tellement de recul, c’était il y a douze ans, vu que je suis un peu vieux maintenant ! Mais franchement moi je les trouve très talentueux et du coup, j’ai accepté avec plaisir. Et vraiment, ils sont dans notre cercle un peu rapproché alors pas We All parce que voilà We All c’est des années et des années d’amitié, mais en tous cas dans le cercle proche quoi avec des gars comme Dajak ou d’autres artistes qui font partie de la “nouvelle nouvelle génération” comme on dit, ouais ! Après voilà, il y a d’autres gens, il y a Bambii, bon, elle ça fait un peu plus longtemps qu’elle fait de la musique quand même mais ça fait pas longtemps qu’elle est en train de le “montrer aux gens”. Et donc moi je suis super fier d’eux, super content de ce qu’ils font, aussi bien sur scène qu’en studio. En plus, c’est Singah qui fait les prod en grande majorité, et je trouve qu’elles sont super lourdes. Encore une fois, il y a toujours à améliorer sur plein plein de choses, mais voilà des fois, je me dit que je suis un peu trop dur avec eux, qu’il ne faut pas oublier qu’ils ont 21 ans et que quand ils en auront 33 comme moi, bah… Ce n’est pas impossible qu’ils soient 100 000 fois plus haut que là où j’en suis. Et je leur souhaite vraiment ! Donc j’espère qu’ils auront toujours cette motivation, qu’ils ne se démotiveront pas, parce que la musique est faite majoritairement malheureusement de déceptions, au moins au début ; après ça s’équilibre, et puis après, si ça marche pour toi, après c’est que du bonheur quasiment. Mais le début, surtout à leur âge, c’est beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de déceptions. Parce que t’espère que des mecs te programment pour les concerts, et tu ne comprends pas trop pourquoi ils ne te programment pas toi, puis ils en programment d’autres. Tu te dis “Ah bah merde, peut-être que ma musique elle est nulle.” Et puis tu sors un clip, t’es hyper content, et puis tu vois “Ah bah tiens je fais 500 vues…” Ah.. cool… trop bien… Je me suis fait chier, j’ai dépensé du pognon, j’ai pris trop de temps et tout, bon…
LGR : il y a énormément de questions au départ ?
Scars : Oui, je pense qu’il faut savoir bien s’entourer et y croire toujours parce que mis à part les pop-star où les gens qui ont des destins incroyables comme Nekfeu, comme Rilès, comme Naâman, comme Biga*Ranx… Il y a très très très peu de gens qui ont des parcours étoile filante. Et encore je dis ça, mais ce sont des gens qui ont travaillé comme des oufs. Mais ils ont quand même eu, au-delà du travail, parce que je connais des personnes qui travaillent autant qu’eux et qui ne sont pas arrivés là où ils sont mais, voilà, eux, ils ont une part de talent qui est quasiment du domaine du génie, qui fait qu’eux, bah tu n’expliques pas. Et en plus de ça, tu as aussi le fait que le public s’empare de ta musique et l’emmène au sommet. Et ça, alors ça, tu contrôles encore moins que le talent. Moi c’est ce que je dis toujours. Je suis de l’école Narouto, c’est-à-dire que je n’ai pas de talent spécialement à la base, en tous cas pas vraiment pour la musique j’ai l’impression. J’ai un gros amour de la musique, mais moi je suis vraiment un bosseur quoi. Je dois les quelques trophées de chasse dans ma jeune carrière musicale, au boulot et uniquement au boulot et peut-être à la personne que je suis, avec peut-être mes qualités humaines. Mais pas forcément artistiques à 100% quoi… Je pense qu’il y a le boulot énormément et puis le fait que, sans être jamais jaloux, sans être jamais envieux, en étant cool et en attendant ton heure, bah en fait, un jour, tu as un mec comme Taïro qui te dit “Hey ça te dit de faire ma première partie à l’Olympia ?” Voilà. Bah tu te dis “Cool ! Trop bien ouais !” et puis pareil, dix ans d’amitiés avec Naâman, qui me propose des trucs incroyables. Bah c’est lié aussi je pense… Oui, il y a d’un côté l’aspect musical mais aussi le côté humain qui fait que…
Parce que quand je regarde il y a dix ans, Naâman il avait aussi d’autres gens dans son entourage qui ne sont plus là aujourd’hui, parce que ce sont des mecs qui un jour probablement, je ne sais pas, ce sont lassés, soit… j’en sais rien… Mais du coup ne sont plus dans son entourage actuel. Je pense que le plus important c’est aussi de ne jamais vraiment changer de mentalité et puis après, si ça doit arriver, ça arrive…
LGR : Et après on foule la scène des Solidays !
Scars : c’est ça ! Par exemple ! Ca aussi c’est un exemple, parce que, regarde… Il y a combien de Mic Sessions de Jahneration ? Et… il y aurait eu combien d’artistes qui avaient plus de buzz, et qui globalement auraient eu plus d’intensité que moi sur scène à ce moment-là ? Quasiment tous, on va dire. Volo, un peu près comme moi, et encore je le considère avec un peu plus de notoriété que moi, notamment à Paris. Mais tu vois, Dub Inc, Balik de Danakil, YaniSs Odua,... Donc le fait qu’ils aient fait appel à moi, bah je me suis dit “Bon bah trop cool !” Et encore une fois, ce sont les choses qui se choisissent pas tellement et puis qui arrivent le jour où ça arrive. Et faut vraiment en profiter quoi !
LGR : Et donc on va te laisse profiter ce soir, d’un set uniquement Scars ici au Loup Vert. Merci beaucoup pour ton temps et cette superbe rencontre.
Un énorme merci à Sam’Roots, Selecta Antwan, Scars, Erica et tous les bénévoles croisés tout le week-end qui nous ont réservé un très bon accueil.