Le power trio revient sur les devants de la scène avec AAARTH, un quatrième album contenant des morceaux en gallois, un petit trip dans les nuages, des headbangers de festivals et des morceaux tapisserie qui ne déclencheront probablement aucune émotion même chez les plus sensibles d’entre vous. T’as déjà entendu du rock en gallois toi ? Cette chronique va tenter d’y donner goût … ou pas.
C’est au beau milieu de l’après-midi d’une journée d’août, dans un grand festival belge, que notre histoire commence. Nous avions décidé, histoire de remettre les quelques neurones ayant échappé au génocide de la soirée précédente en place, d’aller flâner de scènes en scènes, peu au courant des groupes s’y produisant. Nous nous arrêtons sur un groupe aux allures tout à fait innocentes, porté par une lead singer angélique, propre mais surtout brandissant fièrement une guitare électrique. Bien assez pour attirer notre regard et nos oreilles vibrantes d’acouphènes de 4 jours intensifs de festival. Le son est planant tout en étant percutant, une voix douce et sensible et pas mal d’ondes positives et dynamiques émanent de la scène pour un public qui semble acquis à la cause. Alors après avoir réussi à déchiffrer le nom du groupe, crié avec un accent gallois rappelant la langue de Legolas Vertefeuille fils de Thranduil roi des elfes, nous décidâmes qu’il serait judicieux de se pencher sur le nouvel opus proposé par la formation.
Sympathiquement baptisé AAARTH (cette fois-ci on touche plus au langage de Shagrat, fils de Mog, chef des Uruk-hai de Cirith Ungol) qui signifie ours en gallois, ou plutôt OOOURS, est le 4ème opus de The Joy Formidable. S’il est de manière générale plus diversifié, complexe voire incertain que les albums précédents, c’est que de l’eau a coulé sous les ponts depuis Sleeping is day sorti en 2016. Après avoir fait le parcours à l’envers en claquant la porte au nez d’une major (Atlantic Record) pour retourner vers une mentalité plus indie, le groupe connu une petite crise interne avec la fin de la relation entre la chanteuse/guitariste Ritzy Bryan et le bassiste Rhydian Dafydd. Même involontairement, cela pourrait expliquer le pourquoi d’une ambiance généralement plus sombre ou mélancolique aux sonorités originales mais parfois un peu troubles à l’instar de morceaux comme "Cicada", dont l’intro orientale intimidante aurait clairement pu plaire à un groupe de la trempe de System Of A Down ou de "Y Bluen eira", chanson qui comme son nom l’indique, est en gallois et qui n’a clairement pas le temps de niaiser et nous lance dans la bataille (pour le gouffre de Elhm, dédicace à tous les fans). Ça à l’air tout gentil comme ça mais quand on gratte un petit peu, on sent qu’on peut réveiller la bête.
Le morceau se calme pour ouvrir un "All in All", tout en mesure, montée en puissance où le décollage, le rythme de croisière et l’atterrissage sont maitrisés. Etudié pour pouvoir procurer un sentiment de satisfaction tout au long de la montée, le morceau atteint un niveau de chaos organisé touchant, donnant la chair de poule. C’est un peu comme si on cassait des chaises, qu’on lançait au mur de la vaisselle et qu’on pétait des TV à la batte de baseball au ralentit dans les nuages. Comme si des éléphants se livraient bataille dans un magasin de porcelaine mais en slow mo et tout ça de manière gracieuse. La puissance et la délicatesse. Un schéma sur lequel s’est aussi calqué la chanson "Absence" mais délaissant cette fois-ci la puissance pour créer un autre genre de surprise, venant justement de l’absence de vrai ‘’pétage de décibel’’. L’abstinence a parfois des avantages.
Pour aller chercher du vrai Joy Formidable comme on en a déjà entendu sur les précédents albums, il faut plutôt aller chercher du coté de morceaux comme "The Better me" qui fait mouche avec une mélodie plus commune au travail antérieur du groupe. "The Wrong Side" est aussi un morceau qui vous fera balancer la tête car truffé d’effets sonores secondaires rendant le tout plus complet et rond que le pourrait normalement être un power trio. On a aussi des morceaux envoyant une bonne dose de patate ("The Dance of the Lotus" ou encore "Go Loving"), de grandiloquence et qui sont taillés sur mesure pour faire leur petit effet ‘’Wall of Death’’ lors de futur festivals.
The Joy Formidable nous livre ici un album plus chamboulé et moins conventionnel que d’habitude, en recherche de nouvelles sonorités et de nouveaux horizons avec plus ou moins de succès. Ne manquant pas de faire mouche avec de vrais bon morceaux, probablement ceux sortant le moins des sentiers battus, le groupe se perd parfois un peu en chemin dans sa quête d’originalité. Si il n’est pas possible de reprocher à un groupe de vouloir chercher à faire autre chose que son son habituel, on le prie parfois de soit chercher encore ailleurs ou de revenir à ce qu’il fait le mieux. AAARTH est donc un album a écouter sans trop de prétention mais qui mérite quand même au moins une écoute, ne fut ce que pour l’atmosphérique "All in All".
Sorti le 28 Septembre 2018 chez Seradom Records
Bucket list : All in All, The Wrong Side, The Better Me