Avec presque 25 ans d’existence et onze enregistrements au compteur, Månegarm peut être considéré comme un groupe vétéran de la scène viking metal. Après avoir mis tout le monde d’accord en tête d’affiche du dernier Cernunnos Pagan Fest, le groupe revient pour récupérer son trône de chef des Vikings. Inutile de jouer les faux suspenses : Fornaldarsagor lui confère le titre sans contestation possible.
Huit morceaux pour moins de cinquante minutes de jeu : Månegarm veut visiblement contredire l’adage « plus c’est long, plus c’est bon ». Et huit morceaux, relativement courts pour le genre (autour de cinq minutes) c’est largement suffisant à la formation suédoise pour montrer l’étendue de son talent.
Ce Fornaldarsagor commence de manière fracassante avec "Sveablotet", des guitares agressives, une voix growlée écorchée du plus bel effet, une batterie à cent à l’heure, des relents de black, le groupe ne mollit pas avec les années. Et sur le refrain, les chœurs épiques et une voix ultra mélodique viennent magnifiquement prendre le relai. Alors oui, une alternance couplet agressif / refrain mélodique c’est classique, mais les Suédois magnifient le schéma, pour en faire un morceau tout à la fois brut et lyrique, où le violon vient discrètement et savamment lier les différentes parties.
Si plusieurs morceaux sont construits de la même manière ("Hervors arv", "Slaget vid Bravalla" …), Månegarm sait parfaitement varier les structures. "Ett sista vafal" ralentit le rythme pour raconter la tragique histoire d'amour entre Helge Hundigsbane et son épouse Sigrun. Elle ouvre avec des chœurs conquérants et un violon vraiment mis en avant pour la première fois de l’album. Une voix féminine limpide vient nous mettre en admiration, contraste parfait avec les chœurs, avant qu’Erik Grawsio ne fasse retentir sa voix puissante, d’abord en chant clair, avant de nous prendre par surprise avec un growl fracassant – sa gymnastique vocale force le respect et l’ensemble laisse muet d’admiration.
"Spjutbadden", quant à elle, accélère un peu le rythme pour offrir un morceau plus mid-tempo, où la guitare et la basse font démonstration de leur groove, et où le violon accompagne la voix hurlée du chanteur pour un contraste très bien trouvé.
Tous les morceaux mériteraient leur quart d’heure de gloire, tant l’ensemble est travaillé, puissant et pourtant plein de nuances. Le guitariste Markus Andé abat un énorme travail, mais c’est surtout le batteur Jacob Hallegren qui impressionne par sa férocité et sa vélocité. Sur chaque titre, sa frappe volerait presque la vedette aux autres instruments. Erik Grawsiö, lui, maîtrise le chant de bout en bout, dans plusieurs styles bien différents. Son growl très particulier est bien présent et imprime son empreinte sur tous les morceaux, son timbre éraillé le confinant parfois au scream. Mais au sein des morceaux, il passe aussi par du chant clair, toujours éraillé, et du chant beaucoup plus lisse, très mélodique et saisissant.
Si le groupe cultive depuis longtemps ses influences pagan, elles sont moins ostensibles que chez bien d’autres groupes, et ce sont les motifs mélodiques des guitares et les chœurs guerriers, plus que les instruments acoustiques, qui donnent cette coloration folk. Le violon, rare instrument traditionnel, est présent sur la majorité des morceaux, mais loin de n’intervenir que pour un solo sur les ponts, sait se faire discret et accompagner les guitares lors des couplets, sans chercher systématiquement à se mettre en avant. Cela donne un rendu authentique et cohérent, et ne pas multiplier les instruments permet de leur donner toute la place qu’ils méritent – ils sont tous parfaitement audibles et mis en avant à tour de rôle.
Les chansons s’enchaînent donc, sans fausse note, toutes plus prenantes les unes que les autres. Et puis vient le dernier morceau, "Dodskavet", pendant parfait du titre d’ouverture. Doux là où le premier était agressif, lent comme "Sveablotet" était lancé à toute allure, cette ballade offre une conclusion dépouillée et ô combien prenante, toute en voix claire, d’abord accompagnée uniquement du violon avant que les guitares et une batterie étonnamment douce ne les rejoigne.
Alors au final, plus c’est court plus c’est bon ? Si cette formule est évidemment loin de s’appliquer à toutes les situations (oui, on vous a entendus au fond), dans le cas de Fornaldarsagor, c’est parfaitement justifié. En seulement huit pistes, l’album reste ultra cohérent dans le ton, tout en étant très varié et parfois complexe dans ses constructions. Viking, folk, black s’entremêlent savamment, pour un album qui peine à rassasier tant ses qualités nous donnent envie d’apprendre à crier « encore » en suédois.
1. Sveablotet 5:32 2. Hervors arv 5:21 3. Slaget vid Bråvalla 5:02 4. Ett sista farväl 5:13 5. Spjutbädden 5:56 6. Tvenne drömmar 4:46 7. Krakes sista strid 7:38 8. Dödskvädet 5:39 Sortie le 26 avril chez Napalm Records Crédit photo : Jens Ryden | |