Il y avait déjà beaucoup de monde à Cambrai pour le premier jour de festival, mais la journée du samedi affiche complet, le sold out ayant été annoncé quelques jours auparavant. Petite particularité, ce n'est pas la venue d'une gosse tête d'affiche qui fait battre ainsi des records au festival nordiste, mais plutôt deux : chacun dans son style, chacun avec ses fans, ce sont les géants Mass Hysteria et In Flames qui se partagent de bonne guerre la médaille d'or de la popularité.
Au menu de ce deuxième jour du BetiZfest : de l'éclectisme et une affiche qui donne la part belle aux groupes français ! Au programme : Virgil, Oddism, Sticky Boys, Pogo Car Crash Control, Bukowski, In Flames et Mass Hysteria.
Ambiance
Après une fraîche nuit au camping ou dans le charmant centre de Cambrai, les festivaliers se pressent en nombre devant le Palais des Grottes en ce deuxième jour, toujours dans la bonne humeur.
Il faut dire que tout a été pensé pour rendre les choses plus agréables. C'est donc Mortal Combo, une fanfare d'un genre un peu particulier, qui assure l'ambiance musicale à l'extérieur avant l'ouverture des portes. Leurs blousons noirs et maquillages metal font sensation.
Mortal Combo reprend avec énergie et bonne humeur des standards du rock et du metal avec un groove très convaincant et des riffs qui permettent aux festivaliers de s'échauffer un peu les cervicales et de donner de la voix. Un moment fort sympathique, avec la participation d'élèves d'une école de musique locale venant prêter main forte aux hommes en noir.
L'affiche du jour étant très variée, on n'est pas étonné de constater à quel point la communauté présente au BetiZfest est diverse, riche, bien au-delà des clichés parfois réducteurs sur le metalleux type. C'est aussi pour cela qu'on aime ce festival qui rassemble, pour la mayonnaise qui fonctionne dans le public et une vraie volonté des orga de laisser leur place à tous les styles.
Parmi les festivaliers, florilège de cohabitations bienveillantes entre jeunes et moins jeunes, entre les Jesterheads (fans de In Flames) et l'Armée des Ombres (aficionados de Mass Hysteria), de la proximité, des bandes de potes, de l'amour... c'est beau !
Virgil
La scène française est à l'honneur aujourd'hui et on commence les hostilités avec Virgil, un groupe local. Les quatre jeunes Lillois se lancent avec énergie et conviction dans un set explosif de black / death metal porté par une rythmique survoltée, des riffs et shreds à tout va des deux guitaristes et surtout un growl d'outre-tombe maîtrisé par Marius, le charismatique vocaliste qui réussit à alterner des passages black et death sans sourciller.
Le son de Virgil ne se résume pas à du gros death, des passages tantôt atmosphériques, tantôt groovy, ou des ruptures de rythme bien éxécutées créent un ensemble à la fois sombre et moderne.
Vocalement c'est particulier mais très bien fait. Ils présentent "Nameless" et "Sanctuary", deux titre visibles en ligne, et en profitent pour annoncer la sortie prochaine de leur premier album.
Une bonne découverte que Virgil, et même s'il est encore un peu tôt (nous ne sommes qu'en milieu d'après-midi), c'est l'occasion pour les festivaliers, encore assez peu nombreux, de se réveiller - ou de digérer le welsh dégusté le midi – grâce au premier circle pit de la journée !
Oddism
Les hurlements dans le micro lors du soundcheck ne laissent aucun doute : le groupe suivant, Oddism, va envoyer du lourd, du violent, du sombre, plutôt dans la veine metalcore. Le jeune quatuor nordiste qui prend possession de la scène vont effectivement se distinguer par la puissance de leur set, avec une énergie impressionnante et ravageuse.
La batterie tremble, la lourdeur des riffs force les têtes à s'agiter, et même si avec de nombreux temps / contretemps, le mathcore assymétrique assez complexe des compositions d'Oddism peut sembler difficile à suivre, l'intensité et l'énergie brute du groupe font réagir le public.
La présence forte de Gio, le chanteur, auteur de screams et de hurlements déchirants, va mettre tout le monde d'accord.
Comme habité, le chanteur d'Oddism n'hésite pas à hurler sans micro ou à se frapper la tête, puis lors du dernier morceau, il invite le public à participer et descend dans la fosse. Le vocaliste réussit l'exploit de chanter tout un titre tout en s'agitant dans une scène de bagarre, au beau milieu d'un circle pit. Sans vergogne, il contrôle la foule en lançant des pogos.
Après "Où est Charlie?", jouez au jeu "Où est le chanteur d'Oddism?" dans la photo suivante ...
Oddism aura réussi à retourner littéralement le festival, et ce avant 18h... chapeau !
Sticky Boys
Changement de décor, avec l'installation d'un backdrop exceptionnel (un bonhomme couché au trait digne de petite section de maternelle), et changement d'ambiance et de style avec le trio Sticky Boys qui fait son entrée pour un live de hard rock'n'roll endiablé.
À la guitare et au chant, Alex se démène, véritable trublion charismatique et impressionnant. Avec ses faux airs de Dave Grohl dans l'attitude, le headbang et l'énergie (tout en évitant de se casser une jambe), il entonne des titres en anglais, avec un coffre et un timbre rappelant un certain Lemmy Kilmister.
Si vocalement, c'est très convaincant, au niveau des compositions, c'est du rock'n'roll pur et dur que les trois chevelus interprètent avec beaucoup de talent, et un peu d'humour aussi. Des titres qui sonnent comme des classiques à la AC/DC, punchy et efficaces, comme "Bang That Head", "Miss Saturday Night", "Good Morning Sunshine", jusqu'à l'impeccable reprise de "Surfin' USA" des Beach Boys.
Des soli de guitare, un groove imparable, des refrains-hymne chanté par les trois musiciens, des paroles qui sont des odes au rock et aux plaisirs de la vie (et plus si affinités, si nous avons bien compris les paroles... ), tels sont les ingrédients d'un excellent moment de partage entre Sticky Boys et le public du BetiZfest qui s'agite et réagit bien volontiers aux injonctions d'Alex. ( « Ami du Nord, tu es là pour te pinter, alors lève les mains et gueule comme un putois ! » « Taisez-vous on va balancer la purée » « Applaudissez le mec des lumières. Allez, retourne bosser, feignasse ! »)
On ajoute donc un bonus pour le capital sympathie du groupe qui nous appelle ses loulous et ses louloutes, et voici le résultat : le public, unanime, a vraiment la banane.
Pogo Car Crash Control
Il aura donc fallu attendre 19h le deuxième jour pour voir la première – et seule – fille sur scène au BetiZfest, tiens donc... Les membres de Pogo Car Crash Control (le chanteur Olivier, les deux frères Louis et Simon, respectivement à la batterie et à la guitare, et Lola à la basse) viennent faire leurs balances eux-mêmes en prévenant que ce sera probablement le meilleur moment du concert.
Avec leur allure d'adolescents et leur gros son, les P3C vont envoyer des décibels et faire encore monter la température d'un cran. Leur punk rock volté, survolté, révolté, à grands coups de riffs, de gros screams un peu crado et de lignes de basse groovy, emmènent le public dans un pogo incessant.
Les slammers s'enchaînent, mettant à contribution les bénévoles de la sécurité pour les récupérer à un rythme soutenu. L'air convaincu, Olivier pousse des cris survoltés ou adopte un phrasé crossover pour des paroles assénées en français.
Un bon point pour la voix d'une jeunesse en rage ; un bon point pour l'énergie également, voire la mise en danger, avec des musiciens qui sautent en permanence, Olive qui va chanter debout sur la barrière (avant de chuter, sans bobo heureusement) et Simon qui se lance dans l'exercice périlleux du slam avec sa guitare, que le public a rattrapé de justesse...
Alors, certes, le son était assez mal réglé au niveau des micros pour Simon notamment, Olive avait une articulation plus qu'approximative, mais on leur pardonne. La médaille de l'explication la plus originale pour une petite forme revient au chanteur Olivier, opéré il y a peu des dents de sagesse. Encore un problème que les plus de trente ans ne peuvent pas connaître...
Quoiqu'il en soit, ce soir, l'énergie et la fougue des Pogo Car Crash Control a ravi les festivaliers, heureux d'en découdre. Ce ne sont pas les auteurs de l'énorme wall of death lancé sur les paroles délicates de "Conseil" ("Casse-toi, m'emmerde pas") ou sur l'ultime morceau "Crève" qui viendront nous contredire.
Setlist Pogo Car Crash Control
- Déprime Hostile
- Rires & Pleurs
- Paroles / M'assomment
- Je Suis Un Crétin
- Hypothèse Mort
- Consensuel
- C'est Pas Les Autres
- En Boucle
- Comment Lui En Vouloir
- Rancunier
- Seul à Tomber
- Conseil
- Crève
Bukowski
Un esprit d'impertinence flotte à l'arrivée sur scène du quatuor de Bukowski. Les frères Dottel (Mathieu à la guitare et Julien à la basse) décident de lancer leur intro alors que la consigne avait été donnée de la zapper, les concerts de la journée ayant pris un léger retard. Du caractère, oui, et une forte identité musicale qui explose dès les premières notes de "Mysanthropia", le premier titre, énergique et puissant.
Le « heavy rock » de Bukowski est efficace et ravageur, caractérisé par une identité très marquée, la force des guitares et le chant inspiré de Mathieu et Julien.
Le superbe "Brothers Forever" sonne comme un hymne grunge au solo monstrueux, quant au titre "Easy Target", il est dédié aux victimes des attentats du Bataclan, et à tous ceux, comme les membres du groupe, qui y ont perdu des proches.
Si sur scène, l'énergie est de mise avec des sauts et headbangs des musiciens qui se montrent ravis d'être sur scène, dans la fosse l'agitation est à son comble avec des slams multiples et autres pogos enflammés.
À la fin du set, avec l'enchaînement efficace "Hazardous Creatures" / "Car Crasher", le groupe lance un wall of death, puis fait asseoir le Betizfest avant de bondir pour un moment de folie furieuse. Une belle claque que cette prestation de Bukowski.
Setlist Bukowski
- Mysanthropia
- White Line
- Mater Dolorosa
- Brothers Forever
- Easy Target
- Hazardous Creatures
- Car Crasher
In Flames
Les attentes étaient hautes pour ce concert des Suédois d'In Flames, tête d'affiche internationale du festival. Au vu des changements de direction musicale du groupe ces dix dernières années, des derniers albums inégaux de la formation, ou des concerts convaincants sur les derniers passages en France, on ne savait à quoi s'attendre. Qui plus est, le guitariste Niclas Engelin est absent de cette tournée, pour raisons de santé. Et pourtant, faisant fi de l'adversité et des a priori, galvanisés par la sortie de leur treizième opus I, The Mask, les Suédois vont offrir ce soir au Betizfest un set excellent, énergique et puissant, à la hauteur de leur réputation.
Première surprise, c'est l'Américain Chris Broderick (ex-Megadeth, Act Of Defiance) qui assure le remplacement de Niclas sur cette tournée. Visiblement ravi d'être au sein du groupe, et malgré un background thrash assez différent de celui d'In Flames, à l'identité mélodique death très européenne, Chris va assurer les parties de guitare rythmique de façon impeccable et occuper la scène avec de nombreuses interactions avec ses camarades et avec les premiers rangs.
Les autres musiciens se montrent également souriants et enthousiastes et bénéficient d'un son excellent et d'un jeu de lumières bien conçu mettant en valeur le devant de la scène, décoré de podiums grillagés sur lesques les guitaristes ou le frontman montent régulièrement. Les soli de Björn Gelotte, sont impressionnants de maîtrise.
Anders Fridén, en très bonne forme vocalement, s'impose naturellement par la puissance de son chant et ses invectives au public.
La part belle est donnée au dernier album, I The Mask, avec cinq titres joués ce soir, dont l'efficace "Voices" en ouverture et le single ravageur "I Am Above", repris en choeur par le public, qui sonne encore plus lourd en live que dans sa version studio.
Les titres plus anciens, comme les classiques "Cloud Connected" et "Colony", titre de 1999, sont joués également, pour le plus grand bonheur du parterre complet du Palais des Grottes.
Slams et pogos s'enchaînent, le pubic s'époumonne sur de nombreux morceaux, visiblement comblé de voir autant d'énergie et de volonté de partage de la part d'In Flames, formation décidément incontournable, sur ce show explosif.
Setlist In Flames
- Voices
- Everything's Gone
- Pinball Map
- Where The Dead Ships Dwell
- Call My Name
- Monster In The Ballroom
- All For Me
- (This Is Our) House
- Deep Inside
- Here Until Forever
- Chosen Pessimist
- Leeches
- Colony
- The Truth
- I Am Above
- Cloud Connected
- The End
Mass Hysteria
Inutile d'enquêter pour identifier dans la foule ceux qui sont venus pour Mass Hysteria : ils sont bien là, en nombre impressionnant, arborant fièrement des tshirts à leur effigie. C'est que les Mass, c'est autre chose qu'un groupe, c'est un état d'esprit. À la fois tauliers, gourous athées d'une armée des ombres loyale et passionnée, et gars simples proches de leurs fans, les membres de Mass Hysteria ont réussi à créer un lien unique et rare avec leur public, les bien nommés furieuses et furieux.
C'est donc un Palais des Grottes plein à craquer et prêt à en découdre qui accueille le groupe. Le set commence avec le récent "Reprendre Mes Esprits", titre de l'excellent dernier album Maniac, sorti fin 2018, et dans la fosse c'est l'explosion, une sorte de fièvre s'empare du public et ne faiblira pas. L'ambiance survoltée accompagne les morceaux emblématiques "Vae Soli" ou "Positif à Bloc", exécutés magistralement par un groupe qui semble boosté par le chaleureux accueil des furieux nordistes.
Mouss arpente la scène comme à son habitude, interpellant le public avec une force et une énergie sans pareil. Les guitaristes Fred et Yann ne sont pas de reste, solidement campés chacun de leur côté pour des riffs ravageurs.
Le set, résolument métal, voire plus (moment d'exception avec "Plus Que Du Metal" qui plonge la fosse dans le chaos le plus total, entre walls of death et moshpits endiablés) devient engagé au son de "L'Enfer des Dieux", hommage aux victimes d'attaques terroristes, ou lorsque Mouss évoque les combats nobles des sans-dents et des gilets jaunes.
Des titres à l'ancienne comme "Contraddictions" sont l'occasion de faire sauter tout le monde, quant à la folie furieuse, ou hystérie de masse, sur l'ultime moceau "Furia", elle sera dédiée à la mémoire de l'ancien député-maire de Denain, le metalleux Patrick Roy, disparu il y a huit ans (qui avait déjà eu l'occasion de monter sur scène avec les Mass pour jouer ce morceau).
Un chaos bienheureux, de l'agressivité et de la bienveillance tout à la fois, cette rage et cette révolte qui transpire dans chacune des paroles, autant de choses qui font d'un concert de Mass Hysteria une expérience unique, fiévreuse et marquante.
On est avec eux, comme en famille, et même ces limites-là sont floues : les enfants de Yann débarquent sur scène pendant une interruption technique, les membres du groupe font venir femmes et enfants sur scène pour la photo finale, mais ils descendent également à la barrière, de grands sourires aux lèvres, distribuer des mediators, bises et poignées de mains aux fans des premiers rangs.
Setlist Mass Hysteria
- Reprendre Mes Esprits
- Notre Complot
- Vae Soli
- Une Somme De Détails
- Positif à Bloc
- World On Fire
- Chamane Acide
- Se Brûler Sûrement
- Nerf De Boeuf
- Derrière La Foudre
- L'Enfer Des Dieux
- Plus Que Du Metal
- Chien De La Casse
- Arômes Complexes
- Contraddiction
- Furia
Nombreux sont ceux qui ressortent de cette fosse un peu sonnés, endoloris, en nage, mais avec un sourire béat et une furieuse envie de recommencer, ou de revenir très vite.
Ce deuxième jour de festival a tenu toutes ses promesses et même plus encore. Merci, le BetiZfest, et à l'année prochaine !
Photographies : © David Poulain 2019
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