Ce mardi soir de fin mai, nous voilà rendus dans les beaux quartiers parisiens. Les concerts sur des péniches, ça, on connait. Mais en bons fans de rock énervé, c'est plutôt du côté de Petit Bain qu'on a l'habitude de se retrouver. Ce soir, on met les petits plats dans les grands, direction Le Flow, entre les Invalides et le Grand Palais, sous le Pont Alexandre III. Et pourquoi ça ? Pour voir Samantha Fish live !
Samantha Fish, c'est une autre facette du blues américain. Une de ces artistes qui fait les beaux jours des festivals US mais que le vieux continent connait peu. Ça lui donne au premier abord un petit côté "hype" qui justifie sa présence dans une salle plutôt orientée jazz. Mais les connaisseurs ne s'y sont pas trompés. Dans la file d'attente, on retrouve bon nombre de t-shirts à la gloire des héros du rock seventies : le Grateful Dead, Janis Joplin...
Pendant le tour de chauffe mené magistralement par les Curse Of Lono, quelques quatre cent clients se glissent sous la ligne de flottaison pour prendre place devant la scène de la salle de concert aménagée en sous-sol. Le groupe présente son nouvel album et livre une prestation agréable, idéale pour cette salle. Un show maitrisé mais tout en subtilité et retenue...
Maintenant, il va être temps de laisser place à Samantha Fish.
Samantha Fish, c'est un peu le renouveau du blues rock. Certes, on garde la recette du boogie rock seventies mais avec la patte féminine de l'artiste et toute sa sensibilité. Comme la belle s'exporte peu, pas facile de se faire une opinion de ce que ca va donner en live. À l'écoute des albums, majoritairement les deux derniers Chills And Fever de 2017 et le petit dernier Belle of The West de 2018, on se dit que pas mal de titres ont le potentiel pour exploser live. Fin du suspense, ça va être entièrement le cas !
Samantha maîtrise diverses facettes du blues. Lorsque le show commence avec "Bullet Proof", elle nous accueille armée d'une cigar-box. Et là, on pense aux prouesses d'un Seasick Steve par exemple. Le coté vieux blues du delta, ça fait toujours recette. Puis, Miss Fish a aussi un joli brin de voix. On comprend le fan de Janis Joplin mentionné plus haut. Lui, il va certainement y trouver son compte ! Et nous aussi.
Les titres s'enchaînent et l'ambiance monte d'un cran. Le groupe qui accompagne Samantha est au top. Un bassiste qui multiplie ses gammes blues pour soutenir les solo de Samantha qui a lâché la boite à cigare pour sa Gibson SG blanche fétiche. Et là, on rentre dans le blues rock énervé. La présence scénique de miss Fish force le respect. Elle fait partie de ces artistes qui captent l'attention du public. Ça ne s'explique pas mais quelque que chose se passe. Elle vit son concert avec enthousiasme et nous fait partager sa passion. Elle nous emmène en voyage dans son univers. Pas besoin de maîtriser la discographie par cœur pour adhérer, le courant passe de suite.
Le show est parfaitement huilé. On s'autorise une petite redescente avec un morceau de Barbara Lewis "Hello Stranger" introduit par quelques arpèges joués sur une guitare acoustique puis on remet le bleu de chauffe. Bleu de chauffe, ça reste une image, parce que question tenue de scène, Samantha Fish arbore une petite robe à paillettes que les Ronettes n'auraient pas reniées. Cela contribue au côté étincelant et flamboyant de l'artiste.
Durant 90 minutes, on ne s'ennuie pas. Samantha déroule, monte en puissance et soutenue par un batteur démentiel et un clavier soul, elle s'emploie, se donne pour notre plus grand plaisir.
Au final, le style de Samantha Fish est assez indéfinissable. On cause blues, c'est certain mais pas que... Sur que le blues du delta a été une influence... Cigar-box oblige et quelle version de "Shake’em On Down" en final ! Mais cette voix soul mélangée à ce côté Janis Joplin, ça rajoute d'autres influences. Puis cette Gibson SG qui déverse des sonorités rock voire même rockabilly de temps à autre, ça, c'est la touche Samantha Fish. Ce soir, ce n'est pas une relecture de blues à laquelle nous assistons. On a droit a une véritable création de quelque chose qui puise ses racines dans le blues. Samantha Fish apporte une fraicheur nouvelle et sa patte experte fait des merveilles dans le haut du manche de la Gibson.
Une bien belle soirée ! Et ici, le succès se mesure à la présence au merchandising. Samantha assure elle-même le service après-vente. Présente, sur le stand, elle signe des autographes, discute en toute simplicité avec les spectateurs. Un joli moment d'échange. Et à ce rythme là, gageons que pour les dernières dates, il sera quasi impossible d'obtenir les vinyles de Chills And Fever et Belle Of The West. Tout sera sold-out ! Bien joué miss Fish ! On quittera donc la salle en se disant qu'on a peut-être vu la naissance d'une nouvelle figure de proue du blues actuel qui remplira des Zénith dans quelques années. Mais nous, on l'aura vu les premiers, au meilleur moment, celui des petits clubs !
Textes : Eric Jorda & Alexandre Luciani
Photos : Eric Jorda
