Autant le dire tout de suite : ce cinquième album de Bloody Hammers est une déception. En effet avec The Summoning le groupe laisse de côté ses oripeaux les plus psychédéliques et doomesques pour proposer un metal gothique correct mais souvent quelconque. Cela fait que l’on a tendance à s’ennuyer comme à une messe d’enterrement tout au long de la quarantaine de minutes que dure le disque.
Tout est parfois une affaire de coïncidence : alors que ce vieux freak de Rocky Erickson (le nom du groupe serait tiré d’une de ses chansons) vient de partir pour son dernier trip, sans retour, vers l’au-delà, Bloody Hammers sort son nouvel album. The Summoning, cinquième disque du couple formé par Anders Manga et Devallia, avec sa jolie pochette aux tons très « Hammer Film Productions » ravira les fans et collectionneurs en étant disponible en deux versions vinyle. Cerise sur le tombea… pardon gâteau : la formation propose sur son webstore aux plus rapides acheteurs la possibilité de participer à un tirage au sort pour gagner une planche de Ouija. Même le regretté Pierre Bellemare n’aurait pas pensé à cette astuce marketing.
On ne peut donc pas nier que le groupe n’ait pas mis le maximum d’efforts pour proposer un emballage de qualité. Oui mais si la forme est soignée, qu’en-est-il du fond ? C’est là que le bât blesse. En effet, alors que sur ses précédentes sorties Bloody Hammers offrait un mélange réussi de sonorités doom, rock psychédélique et gothique, sur ce nouveau disque il devient terriblement prévisible et formaté.
Crédit photo Anders Manga
The Summoning n’est pas un mauvais album, il est juste banal. Tout est bien composé et produit, mais pour le génie on reviendra. Pire : le combo en arrive même à sombrer dans l’auto-plagiat sur « The Beast is Coming Out » à l’intro ressemblant fortement à celle de « Bloodletting on the Kiss » qui ouvrait l’album précédent Lovely Sort of Death.
Pour le reste : Bloody Hammers propose un metal gothique lambda aux thématiques vaguement occultistes construit sur le classique schéma : gros riff, couplet, refrain, petit break et… Ah ? On est déjà à la chanson suivante ? Nous n’avions pas fait attention... Et bien sûr l’emballage est toujours plus intéressant que la musique, comme c’est le cas avec l’opening « Let Sleeping Corpses Lie » au clip, réussi, très marqué par le cinéma d’épouvante anglais. Pour les textes de ce titre, Manga déclare s’être inspiré d’un obscur film italo-espagnol du même nom sorti en 1974, prouvant une fois de plus au passage son immense culture. Le titre en lui-même est correct avec ses parties de clavier un peu angoissantes et son bref passage planant et mélancolique.
Autre morceau ayant fait l’objet d’une vidéo soignée (et hommage au cinéaste expressionniste allemand F.W. Murnau) tournée par le groupe lui-même : « From Beyond the Grave » est un bon titre de metal gothique mais dont nous ne retiendrons pas pour autant l’originalité. La même remarque s’applique pour « Now the Screaming Starts » (inspiré par le film du même nom sorti en 1973 et réalisé par le grand maitre du fantastique à l’anglaise Roy Ward Baker et qui lui aussi a droit à son clip) et son riff un peu sabbathien et… son triplé : couplet/refrain/couplet.
« Fire in the Dark » lui peut amener au headbanging avec son riff principal bien costaud mais reste terriblement linéaire malgré son petit break. Il en est de même pour « Tales that Witness Madness » sur lequel l’on entend de timides chœurs samplés.
Justement niveau innovation nous pouvons éventuellement retenir les légères parties d’orgue gothique de « The Beast is Coming Out » ainsi que l’intro aux sonorités darkwave de « The Summoning » qui donne un aspect assez angoissant au titre.
Les meilleurs pistes à retenir finalement de ce nouvel album de Bloody Hammers sont « Welcome to Darkness », un titre au tempo presque dansant et au refrain efficace qui évoque les Sisters of Mercy par son atmosphère et la ballade « Condemned, The Prisoner » qui sonne comme un curieux, mais pas désagréable, mélange de Nick Cave et du Blue Öyster Cult de «Veteran of the Psychic Wars ». Nous n’avons pas encore évoqué « Unbreakable » qui clôture le disque, normal, il n’y en a rien à dire tellement cette chanson est quelconque.
Le problème majeur de Bloody Hammers en 2019 est que le groupe ne cherche pas à surprendre alors qu’il a tous les atouts pour produire une musique originale. Anders Manga en plus d’être un bon musicien possède toujours cette voix suave qu’il devrait moduler plus et sa partenaire Devallia semble bridée (volontairement ?) dans ses interventions aux claviers, parfois on espère un solo de guitare ou de synthétiseur au milieu d’un titre et la frustration se fait grande lorsque l’on imagine ce que cela serait si les musiciens se lâchaient un peu plus. Espérons que The Summoning ne soit qu’un faux pas et que le duo ne continue pas à s’enfoncer dans cette linéarité, nous n’aimons les marteaux que lorsqu’ils sont bien sanglants justement.
Liste des titres :
1. « Let Sleeping Corpses Lie »
2. « Now the Screaming Starts »
3. « The Summoning »
4. « Fire in the Dark »
5. « The Beast is Coming Out »
6. « Welcome to Darkness »
7. « Tales that Witness Madness »
8. « Condemned, The Prisoner »
9. « From Beyond the Grave »
10. « Unbreakable »
Sorti le 26 juin 2019 sur Napalm Records