Quatre ans. Il aura fallu quatre ans à Stick Figure pour publier un nouvel album après Set In Stone (la grosse chronique ici) en 2015. Quatre ans c'est long, surtout en cette époque de fast-food, de fast style, de go fast, de fast & furious, où la planète entière est interconnectée, où tout se transmet en temps réel et où les artistes sortent singles sur singles, voire albums sur albums en de courtes périodes de temps.
Mais justement, si le crew de Scott Woodruff a été absent du terrain discographique durant ces dernières années, il n'en a pas moins occupé les charts reggae avec différents singles qui ont, d'une certaine manière, teasé cet album, World On Fire, paru le 30 août, ou comment mieux prolonger cette trêve estivale qui vient tout juste de s'achever.
En effet, pour les siècles des siècles, le son de Stick Figure demeure chaud et ensoleillé avec ses couleurs deep roots qui s'accordent parfaitement avec des tonalités planantes et psychédéliques. On rappelle à ce propos que le groupe nous provient en droite ligne de Californie, la patrie du Summer Of Love, des Doors et des Jefferson Airplane. En conséquence, ça sent bon l'amour, la plage, le sunset, les vagues et le surf chez Stick Figure ; preuve en est avec le superbe clip océanique, animal, minéral et végétal de "Fire On The Horizon", extrait de Set In Stone.
Cette brève description résume ainsi ce qui va vous attendre sur World On Fire, à travers lequel le combo n'a pas nécessairement évolué musicalement. Ce serait dommageable si l'ambiance générale n'était pas groovy à souhait, puisqu'elle est bien là la qualité principale de l'album. Si quelques morceaux n'ont pas forcément retenu notre attention, on notera que le rub-a-dub loud & heavy du crew est toujours aussi efficace. Pour mieux comprendre les choses, Stick Figure, c'est un peu comme si les grosses basses du rub-a-dub d'Alborosie avait rencontré les riddims planants et deep roots de Midnite, des Ligerians ou de Marcus Gad. On incorporerait presque Deep Forest et Jean-Michel Jarre pour les aspects new age propres au groupe, mais on ne va pas aller jusque là.
Et pourtant ce sont bel et bien par des ambiances new age et des plages planantes que s'ouvre World On Fire avec "Once In A Lifetime", un rub-a-dub tout en douceur où vient se greffer une guitare acoustique, instrument que l'on écoute également sur "Angels Above Me", l'un des singles annonciateurs de l'album. Ainsi, et il s'agit de l'une des forces essentielles du groupe, les éléments acoustiques se mêlent avec brio à des arrangements au synthé et électroniques proches du dub. On citera ainsi, dans la même veine, ce morceau entraînant qu'est "Livin' Easy" de KBong, l'un des activistes de Stick Figure lorsqu'il se produit sur scène (on rappelle que Scott Woodruff compose et joue tout seul, à la manière d'Alborosie), une ballade reggae aux accents pop dans la grande tradition des chansons américaines. Là aussi, on n'est pas très loin de l'image d'Epinal avec la guitare et le feu de bois sur la plage. Sans oublier les percus bien sûr et autres djembés qu'on écoute délicatement sur ce reggae/hip-hop qu'est "Summertime" en feat. avec Citizen Cope et justement dévoilé en début d'été. Quand on vous dit que la musique de Stick Figure est faite pour être appréciée au bord de l'eau sur du sable fin.
Ces caractéristiques acoustiques s'entendent également sur "Cocoa De Rock", sorte de track cross-over de l'album avec un son one drop à la Wailers. Cross-over, car, comme nous le disions plus haut, c'est en grande partie du rub-a-dub qui est produit par Stick Figure. Le stratosphérique "World On Fire", paru l'année dernière et en feat. avec Slightly Stoopid (voir ici), est conforme à ce style, ainsi que "Shine" (tiens, tiens) avec un flow très raggamuffin de Scott Woodruff et une guitare (électrique cette fois-ci) pinkfloydienne. Sur "All For You", on aura été conquis par le synthé chill qui ouvre le morceau ainsi que par le dub qui le conclut. Et tout ce que l'on vient d'évoquer (dub, synthés, guitare, flow ragga...) se retrouve brillamment synthétisé dans ce chef-d'œuvre qu'est "Above The Storm", point d'orgue limpide de ce World On Fire.
On est en revanche moins convaincu par le décevant "Whiskey Sun" en collaboration avec TJ O'Neill qui, malgré quelques effets dub et passages énervés, manque d'une certaine efficacité. Il en va de même avec un plongeon dans un "Great Unknown" où la sensibilité electro du morceau couplée à un rythme tango et reggae n'obtient pas l'effet escompté, c'est-à-dire nous faire remuer : l'idée de base était plutôt bonne mais non le résultat final. "Rise And Fall" souffre lui aussi d'une réelle carence en groove : on apprécie le passage dub, encore une fois, mais cela ne suffit pas à nous emballer.
Il faut, par conséquent, attendre la douzième piste, "Life Is A Party", pour véritablement retrouver ce son lourd et massif de Stick Figure avec ces arrangements et mélodies ravageurs au clavier dans un rub-a-dub loud & heavy qui pourrait, à lui seul, faire trembler la faille de San Andreas. Les Roots Radics n'ont qu'à bien se tenir. Sur "Welcome To The Sun", ce sont plus les Wailers qui ont été convoqués en intro avec un roulement de batterie à la Carlton Barrett ; puis Scott Woodruff lance le rouleau compresseur à grand renfort de skank, de guitare et de clavier stratosphériques. Et c'est justement un clavier à la Moby façon "Porcelain" qui porte à lui seul toute la conclusion de l'album, le superbe "Burn The Night".
TRACKLIST
1. Once in a Lifetime
2. World on Fire (feat. Slightly Stoopid)
3. Angels Above Me
4. Shine
5. All for You
6. Above the Storm
7. Whiskey Sun (feat. TJ O’Neill)
8. Summertime (feat. Citizen Cope)
9. Easy Runaway
10. The Great Unknown
11. Rise and Fall
12. Life is a Party
13. Cocoa de Rock
14. Welcome to the Sun
15. Burn the Night
Artiste : Stick Figure
Album : World On Fire
Label : Ruffwood Records
Date de sortie : 30/08/2019