Après leur EP Tightrope qui nous avait bien séduits fin 2018, il nous tenait à coeur depuis un bout de temps d'interviewer BIGGER, il ne manquait que la bonne occasion. La première organisation du BISE Festival de Nantes, en marge des Biennales Internationales du Spectacle, a permis que la rencontre puisse se produire. A une heure de leur concert du soir à Stereolux, trois des cinq membres du groupe nous reçoivent dans leur loge pour une discussion à propos de Rock, de leur musique, du showbizness et de leurs goûts musicaux. Nous voici avec Kevin (chant, guitare), Damien (guitare, choeur) et Mike (basse)...
Au BISE de Nantes ce soir, on est dans une config' courte, avec un concert de 30 minutes. Est-ce suffisant pour vous, pour vous chauffer et développer votre musique ?
Damien : C’est court mais on a préparé un set en conséquence, assez intense, condensé et qui représente ce qu’on sait faire.
Kevin : Ça donne un avant-goût de ce qu’on peut faire dans un set complet de 1 heure 20, avec quand même des morceaux forts pour le groupe. Après c’est vrai qu’il faut compacter tout ça !
Damien : C’est agréable aussi d’envoyer le boulet d’entrée de jeu, t’as l’énergie à tenir à fond de bout en bout !
Kevin : On a 6 morceaux à faire tenir en peu de temps, on flippe un peu ! On ne va peut-être pas parler beaucoup entre les morceaux, ne nous en voulez pas !
Vous êtes l’un des seuls groupes de Rock au BISE, avec les Italiens de The Pier notamment. Quel est votre point de vue sur la situation du Rock en France ?
Mike : C’est un problème de génération, ce n’est plus trop notre tour en ce moment. Au début 2000, il y a eu une explosion du Rock, ce n’est plus le cas maintenant mais c’est pas pour ça qu’il ne faut pas continuer.
Damien : Il y a beaucoup d’electro pop en ce moment mais la flamme rock est toujours là. Il y a beaucoup de projets rock quand même.
Kevin : Je dirais que le Rock depuis 40 ans va et vient sur le devant de la scène selon les autres types de musique qui se développent. Il y a aussi du Rock mêlé avec d’autres styles, on se demande si c’est encore du Rock, ou de l’Electro…
On peut voir ça avec Thom Yorke par exemple qui développe son style et sa musique sans se soucier des genres.
Kevin : Oui, voilà, justement, il suit son cœur. Pour moi, c’est un rockeur, ce gars. Mais à un moment donné, les musiciens tentent d’aller au fond de leurs idées peu importe le style. Il faut tenter des choses.
Damien : Mais je crois aussi que les gens sont demandeurs de groupes où ça joue vraiment sur scène, sans séquenceur. On nous le dit souvent, on est 5 sur scène, et c’est de plus en plus rare. On n’a plus que des formations réduites aujourd’hui, car l’économie de la musique est compliquée aussi.
Vous avez la chance d’avoir un chanteur irlandais. Kevin, que penses-tu de cette manie des rockeurs français à chanter en anglais ? Alors que l’inverse n’arrive jamais.
Kevin : C’est parfois très énervant et parfois très surprenant car tu peux voir des chanteurs avec beaucoup de talent qui tentent de reproduire des façons de chanter qu’ils ont entendues. Et entre reproduire quelque chose et faire ce que tu veux exactement faire, c’est bien différent. Parfois je préfère un mec qui chante anglais avec un accent français car il n’essaie pas de faire semblant de prendre un accent from Memphis, ce qui est souvent dégueulasse. Le plus important est de faire passer quelque chose de soi-même, peut importe la langue. On écoute pas mal de Desert Rock en ce moment, c’est chanté en arabe. On ne comprend pas ce qu’ils disent mais on ressent la musique et les émotions. Et si ça sonne vrai ou pas.
Damien : Par rapport à la musicalité, le Rock est fait pour l’anglais. Ça parait plus facile de faire du rock en anglais, car en français, tu ne fais pas du tout les mêmes choses ou alors tu fais du Noir Désir et voilà… Sans jugement de valeur aucun. Mais la langue que tu utilises te fait composer d’une certaine manière.
Kevin, comment es-tu arrivé à faire de la musique en France ?
Kevin : Je suis arrivé en Franche-Comté il y a 6 ans, par hasard, car j’étais avec une Franc-Comtoise à l’époque. Je ne pensais vraiment pas rester ici dans la campagne. Je suis allé dans le Jura vers où vit Damien, un petit village avec un petit bar où j’ai rencontré Anthony qui avait un studio d’enregistrement un peu caché dans un hangar, il avait un van, faisait tourner des groupes. J’ai trouvé ça fou de trouver des musiciens ici, avec un grand cœur, qui m’ont ouvert leurs portes. J’ai donc fait de la musique avec eux. Ça m’a fait rencontrer Damien et d'autres musiciens professionnels. J’ai eu beaucoup de chance de tomber sur eux à cette période-là. J’ai progressé plus vite que je ne l’aurais fait à Dublin, car ici tu n’as pas 40 000 distractions, donc depuis que je suis ici je n’ai fait quasiment que de la musique. Je ne pense pas aller ailleurs car je suis avec des gens avec qui j’adore faire de la musique.
Votre EP Tightrope est sorti il y a un peu plus d’un an maintenant. Il a reçu de très bonnes critiques de la presse nationale (Télérama, l’Huma, Rock & Folk…). Qu’est-ce que cette reconnaissance médiatique vous a concrètement apporté ?
Damien : Des encouragements déjà, on se dit être sur la bonne voie. Même si quand on fait notre musique on ne pense pas forcément à ça et au fait d’être jugé à la sortie. C'est des encouragements parce que Bigger est un projet encore récent, on a plein de chemin à faire encore. Ça fait circuler le nom, ça nous permet aussi l’accès à certains lieux comme aujourd’hui…
Vous avez un entourage pro bien composé avec Marina au management et aux relations presse, un éditeur et Isabelle au booking. Pouvez-vous nous parler de cette équipe de l’ombre ?
Damien : Cette équipe s’est constituée petit à petit. Marina, je la connais depuis longtemps car je travaille avec elle pour Catfish (nda : son autre groupe). Elle est notre manageuse, c’est quelqu’un qui a une force assez impressionnante, qui a une énorme motivation. Pbox, notre tourneur depuis un an et demi, on l’a rencontré au Printemps de Bourges où on jouait devant une caravane en off du festival, ce qui nous avait aussi permis de nous faire repérer par Jean-Louis Brossard, programmateur des Transmusicales de Rennes et qui nous y a fait jouer ensuite. Et depuis plus récemment, on est avec Upton Park à l’édition. On commence à sentir une vraie énergie autour du projet. On a une vraie équipe, on commence à accéder à des réseaux, on a des prescripteurs qui nous soutiennent aussi. On sent que le projet intéresse et qu’il y a des gens qui y croient.
Comme je le disais, l’EP a plus d’un an. Un album est en préparation pour poursuivre toute cette émulation ?
Damien : On est justement en plein cœur des pré-prod actuellement. On sort juste la tête de l’eau en terme de création, là. On a vraiment fait gaffe à la cohérence artistique. On a envie d’un album avec une vraie ambiance de bout en bout.
Kevin : Je crois aussi qu’on confirme notre style, qui on est. On a compris ce qui fonctionne pour nous grâce à nos EP qui étaient plus des patchworks. On se sait ce qu’on veut faire maintenant.
Damien : Notre cohérence va passer par des sons de claviers qui vont typer l’ensemble, des sons de voix, des clavecins qui vont nous emmener vers quelque chose de particulier. On a quasi tout, maintenant on attend des confirmations de studios d’enregistrement. En tout cas, l'album devrait sortir à l’automne prochain.
On attend cet album avec impatience alors !
Pour finir, attardons-nous sur vos goûts du moment. Quelles sont vos dernières claques musicales ?
Kevin : Pour moi, c’est Psychotic Monks. On a joué avec eux au Rodia à Besançon il y a deux mois. Je les avais déjà vus aussi. Je les trouve cool et très libres. Il n’y a pas beaucoup de chant. C’est un projet complétement ouvert. Ils ont compris plein de choses, j’ai l’impression. Ils sont dans un vrai délire entre eux. Il y a une mise en scène complétement cool et l’énergie est énorme.
Damien : Ma claque de l’an dernier, c’est Puts Marie. C’est vraiment classe et jusqu’auboutiste. Ils vont à fond dans leur truc. Il y a des montées complètement dingues. La voix du chanteur est folle, il oscille entre hip hop et soul, tout en chaleur.
Et en ce moment, je n’arrête pas d’écouter Orville Peck, c’est dans le label Sub Pop. C’est la rencontre d’Anna Calvi, d’Elvis Presley et de Chris Isaak. C’est un truc de dingue !
Kevin : Orville Peck a une espèce de rideau qui cache son visage. C’est un peu country, desert rok, et très moderne.
Mike : Je dirais The War On Drugs, c’est le premier groupe de Kurt Vile. Ce n’est pas sorti récemment mais ça m’a mis une petite claque.