De l’afrobeat de Fela Kuti au blufunk de Keziah Jones, la fourmilière de talents qu’est Lagos a, depuis des décennies, lié son destin à celui de la musique. La plus grande mégalopole d’Afrique perpétue cette tradition à travers son dernier joyau : Skata Vibration et son afrorock psychédélique, sauce moderne. Si en 2018, Wuta, premier album, avait franchi les portes des hauts-lieux de la scène lagotienne, Tatsuniyan Lagos pourrait bien offrir au quatuor des perspectives bien plus internationales.
Alors qu’ils fréquentaient le même studio, les Nigérians Adey (batterie), Stiques (voix), Laughter (basse) et Jad, d’origine libanaise (guitare), n’ont pas résisté longtemps à la tentation de s’éclater ensemble. Le groupe était alors formé, pour notre plus grand plaisir, tant la communion est réelle et l’envoutement total. Résolument rock, Skata Vibration saupoudre son art de ce qu’afrobeat et soul offrent de plus puissant. Le tout s’ajoute à des sonorités afrorock traditionnelles des 60s et 70s, concoctant ainsi un cocktail des plus explosifs. Après 7 ans de vadrouille de part et d’autre du Nigéria, l’heure est à la maturité et elle se nomme : Tatsuniyan Lagos. En virtuoses inspirés, les quatre acolytes enflamment un album à la chaleur et l’énergie diablement curative !
Au commencement, "Centre Of Excellence" traduit parfaitement cette générosité et ce dynamisme addictif. Cette introduction, disponible depuis 3 semaines sur les plateformes d’écoute, donne un succulent avant-goût de la dextérité du quatuor. Apparaît ensuite le chant de Stiques, d’une sincérité absolue, pièce fondamentale de cette inébranlable harmonie. Maîtrisé de bout en bout, Tatsuniyan Lagos marque par le rythme effréné qu’il impose à l’auditeur, l’assoiffant toujours un peu plus à l’issue de chaque titre. Nous voilà pris au piège dans cette urgence endiablée, au coeur de laquelle, paradoxalement, on finit par se sentir si bien. La prédominance des cordes y est pour beaucoup. Vives et impérieuses, elles abritent, en grande partie, l’empreinte de Skata Vibration.
Du moins, jusqu’à "The Love Song", quand retentit la tendresse de la chanteuse germano-nigériane Nneka. Bien qu’à contre-courant, intervenant juste après l’insaisissable "Headless Chicken", cette rupture est un véritable temps fort. Elle puise sa pertinence dans l’immense douceur qu’elle transmet au cœur du brasier, telle une perle d’eau dans la fournaise. Nneka interprète également "Dark", dans un registre plus fulgurant, plus assimilable au reste de l’album.
Cette force ultra-vitaminée qui caractérise l’album se nourrit d’un quotidien brutal, déchiré entre corruption et injustice. Le Nigéria est aujourd’hui l’un des pays où la corruption est la plus omniprésente (selon Transparency International). Une situation qui laisse peu d’opportunités lumineuses à une jeunesse pourtant grondante, bercée par les luttes et les espoirs. C’est aussi à cette jeunesse survoltée et infatigable, à l’image de Skata Vibration, que s’adresse le somptueux Tatsuniyan Lagos.
Sortie le 14 février 2020
Tracklist : 01- Center Of Excellence |