Ce qu'on apprécie chez Bisou, c'est sa façon bien à lui de vouloir faire évoluer le dub, la fraîcheur qu'il insuffle au mouvement. Son "electro dub pop", ainsi qu'il aime à définir son style musical, bien que, soyons-en sûrs, Bisou n'a que faire des étiquettes, a réussi à trouver un écho non négligeable auprès du public et des programmateurs français, voire même européen, comme en attestent ses récents passages au sein de deux festivals prestigieux, le No Logo (voir ici) et le Télérama Dub Festival (voir ici).
Comme ses aînés de la scène dub live française au tournant du troisième millénaire (High Tone, Brain Damage, Zenzile, etc...) Bisou n'a pas peur de se jeter à l'eau en expérimentant de nouvelles choses ou en mélangeant des influences qui, a priori, n'ont rien en commun. A priori. Il existe pourtant bel et bien une réelle alchimie entre tous les sons que Bisou se plaît à mixer puisque, n'en déplaise aux insupportables puristes du genre créé par King Tubby, dub et pop font pourtant très bon ménage, à condition, bien évidemment, de trouver la subtile harmonie qui saura les unir.
C'est ce qu'il avait notamment parfaitement réussi à faire l'année dernière avec la publication du magnifique single "On Sera Beau" en feat. avec Suzanne Léo (voir ici) par l'entremise de laquelle il rajoutait d'ailleurs de la chanson française dans un style qui y était jusqu'alors hermétique. Qu'à cela ne tienne, Bisou a donc mis sur pied le premier tune "chanson française dub pop" de l'histoire (excepté le travail d'un Chaton) et il l'a réalisé avec brio. Preuve qu'avec de l'envie et de l'audace, tout est envisageable.
Cependant, c'est avec un peu de moins de surprise que nous avons découvert son dernier opus en date, l'EP Miniature, paru le 10 février chez les Tourangeaux d'ODGProd. En effet, alors que nous pensions que Bisou allait poursuivre tambour battant cette exploration dub de la chanson française, l'artiste est revenu à ses fondamentaux plus electro dub qu'il avait déjà exprimés dans Haumea en 2017 et Musical Spaceship en 2018.
Moins de surprise donc, mais toujours autant de passion à écouter ce son galactique et interstellaire, car, cela peut paraître une évidence, mais Bisou est le seul à faire du Bisou. Personne d'autre dans le dub français, à l'exception notable d'OnDubGround (Olo ayant ainsi mixé et mastérisé cet EP), les "mentors" de Bisou, ne produit quelque chose d'aussi original et novateur où les plages de synthwave côtoient des kicks trap ou stepper et sur lesquels viennent se glisser un skank.
Alors, parés pour le "Décollage", titre qui aurait d'ailleurs très bien convenu pour ouvrir Musical Spaceship. Ici, Bisou reprend cette recette efficace qui nous a très rapidement séduits avec ses synthés tout droit issus des années 80, de la new wave, voire même d'une pop un peu kitsch façon Europe ; on a d'ailleurs l'impression d'écouter un générique de dessin animé japonais à travers ce tune, notamment dans la partie stepper du morceau. Quoiqu'il en soit, ce "Décollage" est parfaitement réussi, d'autant plus que le dubmaker y a placé des voix mixées à la DJ Snake (ou à la C2C) et on est prêt à poursuivre cette aventure dans la galaxie Bisou.
Celle-ci est parsemée de "Paillettes" qui, telles des étoiles, font scintiller l'univers de l'artiste, un peu, également, comme une boule à facettes, dont on attend d'ailleurs toujours des nouvelles afin de sublimer les concerts de Bisou avec son pote Rakoon. La boule à facettes étant l'élément incontournable d'une soirée réussie, ça tombe bien, puisque ce "Paillettes" est l'un des morceaux les plus dancefloor de l'EP et sur lequel on s'enjaille le plus et sur lequel on a le plus envie de skanker comme des diables. "Paillettes" ou comment unifier le dub stepper à l'anglaise avec un son pop construit avec des riffs de synthés imparables.
En effet, le synthé est l'instrument primordial de la musique de Bisou, c'est par celui-ci qu'on identifie instantanément sa patte ; c'est dans cette mesure que le dubmaker peut aussi s'inscrire dans le courant synthwave qui est l'une des grandes composantes de la pop actuellement (en témoignent la bande originale de Stranger Things ou le fameux "Blinding Lights" de The Weeknd produit par un certain Max Martin, l'un des plus grands architectes sonores contemporains) ; ceci est notamment perceptible sur "Force" ou sur "Rose", un dub somme toute assez conventionnel.
A contrario, là où Bisou nous surprend le plus, c'est sur le terrible "Triptyque", qui, comme son nom l'indique se décline en un triptyque : tout d'abord, un dub garni des riffs ravageurs au synthé évoqués plus haut, puis une section stepper calibrée sound system digne des tracks d'High Tone via leur side project Dub Invaders et enfin une partie qui va combiner les éléments des deux premières en accéléré et en y ajoutant des gimmicks façon DJ Snake.
Et pour conclure son Miniature, Bisou a invité le duo Mahom pour un "#Wallofdub" qui, là aussi, dès les premières notes s'inspire d'High Tone (qu'il s'agisse du beat, du skank et des basses très grasses) et dans lequel se glisse un intermède trap bien pensé. Titre le moins bisouien de l'EP, il n'en demeure pas moins plus qu'efficace et idéal pour jumper devant un mur de son ou pour préparer le terrain à un wall of death. Au fait, Bisou n'a t-il pas découvert La Grosse Radio via le canal metal ?
TRACKLIST
1. Décollage
2. Force
3. Paillettes
4. Rose
5. Triptyque
6. #Wallofdub feat. Mahom
Artiste : Bisou
EP : Miniature
Label : ODGProd
Date de sortie : 10/02/2020