Ce 1er Mai aura eu une saveur particulière pour tout le monde cette année. Mais c’est ce jour que le label Universal Egg aura choisi pour sortir, après 5 ans passés sans nouvelles sorties studio, Illuminate, le 13ème album des pionniers du dub britannique Zion Train. On les retrouve en compagnie de chanteurs qui leurs sont proches comme Cara Jane, Michela Grena, Prince Jamo et Rider Shafique mais n’oublions pas de citer les musiciens invités sur l’album Paolo Baldini, Don Fe et Gianni Denitto entre autres. Il aura fallu attendre longtemps mais la qualité est là. On décortique !
“We Shall Rise” feat Cara Jane est un dub stepper conscient dont la voix aux tonalités spirituelles mais non moins énergique et énervée de la chanteuse correspond bien au rythme instauré. Ce titre est capable de faire danser les personnes les plus réfractaires à ce genre d’art tout en éveillant les consciences, c’est ce qui fait, en partie, la force du reggae. Avec “Politrix” Zion Train dénonce les méfaits de la sphère politique quelque soit le pays. Quand un titre est dédié à ce genre de sujet le rythme se veut dynamique or ce n’est pas le cas de ce morceau (trop ?) calme. Un mal pour un bien puisque cela nous permet de mieux apprécier la voix mélodieuse de Prince Jamo. Le clip fait l’état des lieux des différentes contestations sociales qui ont éclatées un peu partout autour de la planète en montrant de réelles images de manifestations. “Politrix” réalise un effroyable constat sur l’état des sociétés malmenées par les décisions politiques. Ce titre prend le contre pied de “We Shall Rise” puisque Zion Train nous montre d’une part dans ce dernier des alternatives positives pour notre environnement et nous même en tant qu’être vivant mais les conséquences, d’autre part, des politiciens restant sourds à la volonté des peuples qui ont conscience que l’avenir de l’humanité ne se fera pas en faisant plus de profit au détriment de la nature, mais qu’au contraire, pour que l’humanité puisse avoir un avenir, il faut peut être stabiliser les profits pour que l’environnement puisse nous maintenir en vie. Plus clairement Zion Train nous montre avec “We Shall Rise” l’avenir que nous pouvons avoir et qu'il est souhaitable d’avoir, les solutions en quelques sortes, alors qu’avec “Politrix” ils nous montre le monde que l’on a aujourd’hui à cause de cette obsession du profit qui en plus de ne profiter qu'à un nombre de personnes très réduite exploitant le travail des autres pour leur comptes personnels nous mène tout droit à la catastrophe qui peut-être évitée uniquement à travers la démonstration de mécontentement des peuples qui obligeraient les politiciens à faire le choix des alternatives montrées dans “We Shall Rise”. En seulement deux titres, les premiers de l’album, Zion Train a réalisé un tour de force.
Cara Jane n’est pas assignée à un seul morceau et heureusement pour nous. C’est avec plaisir qu’on retrouve l’artiste sur “Fateshifter” avec Lua ou encore sur “Biorhythm” en compagnie de Jasmin. Ce dub discret et joyeux met en avant le rythme de la nature, une sorte d’énergie positive à laquelle Cara Jane nous invite à nous connecter en méditant. “Cultural Memories” avec Michela Grena est à peu près dans le même ton et rejoint le titre perdu dans l’espace “Don’t Forget”, avec Jasmin et El Natron, sur le travail de la mémoire. Ne jamais oublier pour mieux avancer. On notera sur ce dernier titre un petit solo de guitare sèche contrastant avec le mélodica sonnant très années 80.
“Watch Where” en compagnie de Lua et de El Natron se veut plus psyché à l’ambiance lente et lourde. La trompette que l’on entend tout du long du morceau apporte une atmosphère assez chaude ainsi qu’une sonorité presque hispanique. Comme happé par le cosmos “Watch Where” se termine avec des effets dub légers et aériens de manière à désamorcer ce qui a été préalablement construit. Le titre évolue et s’émancipe de lui même. “No Peace”, toujours avec Lua, reste perché, seule la présence des cuivres nous ramène sur Terre avec cette ambiance très fanfare. Quant à “Justified Silence” de Rider Shafique, on assiste à un dub urbain pour que la voix hip-hop de l’artiste puisse se poser et se mêler à l’ambiance industrielle. En parlant d’ambiance industrielle “Unity”, avec la présence de la voix particulière de Prince David, rappelle les musiques de jeux vidéo période arcade.
“Political Friction” est une agréable surprise. Quel plaisir de retrouver le flow du MC britannique Brother Culture habitué aux morceaux dub stepper et faisant partie de l’écurie du label suisse Evidence Music. Brother Culture dénonce entre autre les déboires liés au Brexit. Pour les amateurs du son vinyle on retrouve sur l’intégralité du morceau le bruit des imperfections d’un vinyle. Les deux titres qui closent l’album, “Journey to a Collective Illusion” et “On Bidston Hill” ne comportent aucun invité. Une façon de terminer en douceur mais aussi de passer un peu de temps seul avec leur public. Le premier est un dub organique piochant dans des sonorités orientales alors que le second est un conte.
Dans cet opus les combinaisons d’invités se font et se défont faisant d’Illuminate une expérience musicale originale sur tous les plans. Avec cet album, Zion Train fait la promotion des campagnes “Stop Ecocide” et “Extinction Rébellion” et finissent d’en faire une oeuvre militante. Si la nature peut continuer à exister sans l’être humain l’inverse n’est pas vrai, l’être humain ne peut vivre sans la nature. Qui aura l’audace de freiner notre propre auto-destruction ?
Zion Train - Illuminate
Sorti le 01/05/20
Label : Universal Egg
Tracklist :
01 - We Shall Rise ft. Cara
02 - Politrix ft. Prince Jamo
03 - Watch Where ft. Lua & El Natron
04 - Justified Silence ft. Rider Shafique
05 - Biorhythm ft. Cara & Jasmin
06 - Cultural Memories ft. Michela Grena
07 - Fateshifter (OHIOF) ft. Cara & Lua
08 - Unity ft. Prince David
09 - Don't Forget ft. Jasmin & El Natron
10 - No Peace ft. Lua
11 - Political Friction ft. Brother Culture
12 - Journey to a Collective Illusion
13 - On Bidston Hill