Mora Prokaza – By Chance

Les  confins de l’Europe recèlent parfois d’étranges surprises en matière de metal. La Biélorussie, pays assez discret sur la scène internationale, a ainsi donné naissance en 2013 à Mora Prokaza, un duo qui a livré deux opus de black metal très classiques avant de s’orienter vers un avant-garde black complètement barré pour By Chance, son troisième opus.

Les débuts du duo, composé depuis le deuxième album du chanteur Farmakon et du batteur Hatestorm, s’inscrivaient pleinement dans le black metal et n’auront probablement intéressé que les purs afficionados du genre. Cette troisième livraison est à la fois plus ouverte et moins abordable. Mora Prokaza a en effet décidé d’abandonner en partie les carcans du black metal pour laisser libre cours à sa fantaisie et à sa folie – destructrice et décomplexée. Le metal extrême s’accorde désormais avec de la musique expérimentale, de la trap, des influences cinématographiques et même quelques accents de musique traditionnelle slave.
 


Cela s’entend dès le premier titre, « WIMG » : des percussions et des cuivres ouvrent le bal de façon très cinématographique, le son déjà distordu de façon vaguement malsaine, avant que le chant hurlé ultra éraillé et aigu du vocaliste Farmakon ne lance véritablement les hostilités. La guitare et la basse restent relativement peu saturées pour le genre, participant plutôt à l’ambiance menaçante, et c’est le chant aigu et très rapide qui donne toute l’agressivité au morceau, s’aventurant parfois dans une forme de growl qui au final ressemble plus à des aboiements.
 


Les morceaux gardent une bonne homogénéité entre eux, une ambiance cinglée qui harmonise l’ensemble, mais ils se démarquent globalement les uns des autres. Certains portent plutôt une atmosphère sombre et épique, assez classique du genre, tels « I’m a Human », mais beaucoup font vraiment alterner des parties plus classiques et des passages totalement expérimentaux,  voire lier le tout pour un rendu souvent dissonant mais étrangement captivant.
 


Parmi les sommets du genre, citons « Check it » et « See it that Way ». Le premier alterne instrumentations minimaliste et très électrique et met en avant un accordéon et des sonorités slaves, convoquant aussi en arrière-plan – il faut tendre l’oreille pour vraiment les identifier – des cuivres et des cordes, le tout restant sur une crête d’agressivité sans que ne survienne jamais la déflagration de violence que l’on pourrait supposer. Le second fait tourbillonner pendant six minutes, sur une alternance constante de rythmes, guitares saturées, arpèges à la guitare sèche et au piano, chœurs d’inspiration vaguement grégorienne, claviers s’aventurant sur de l’electro et de la trap minimaliste. Le résultat improbable ne peut que marquer.
 


L’ensemble est loin d’être facile d’accès, mais il concentre la folie du duo sur une demi-heure, lui évitant de se noyer dans le superflu, même si les derniers morceaux semblent répétitifs. Il faut dire qu’ils reprennent les idées des précédents sans apporter grand-chose de nouveau, bien que « Blacker than Black » apporte une conclusion fort appréciable. De plus, si le chanteur est capable de nuances – une voix éraillée presque chuchotée sur « I’m not Yours », une voix claire avec effet écho presque psalmodiée sur « Madonna », des cris pas loin de la suffocation sur « Blacker than Black », son chant hurlé suraigu peut finir par en lasser certains.
 

Improbable, expérimental, inattendu, By Chance ne plaira pas à tout le monde et demande un état d’esprit particulier pour y adhérer. Mais l’expérience vaut le détour pour cet album qui ne ressemble à aucun autre.

Tracklist
1. WIMG (2:41)
2. Im Not Yours (3:39)
3. Check It (3:36)
4. Im A Human (2:41)
5. I See It This Way (6:08)
6. Madonna (3:19)
7. Be There (3:30)
8. Sorry Man (3:11)
9. Blacker Than Black (3:01)

Sortie le 3 juillet chez Season Of Mist

 

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :