We Are The Plague, un titre ô combien évocateur en cette période, « plague » pouvant tout aussi bien signifier fléau, peste, épidémie…. Ce n’est pourtant pas un album prémonitoire qu’a réalisé l’Australienne Suzie Stapleton, le fléau en question étant plutôt porté par l’humanité tout entière.
Pour son premier album, Suzie Stapleton se confronte d’emblée à des thématiques dures qui ne sont pas sans provoquer un certain pessimisme : dégradation de l’environnement, paupérisation galopante et fossé qui se creuse entre pauvres et riches, sociétés de plus en plus motivées par des considérations égocentriques et financières à court terme…. En bref, une humanité plutôt déclinante, même avant le covid-19.
Cela se ressent donc nettement sur sa musique, crépusculaire, à la tristesse insondable, au mode mineur omniprésent, mais qui peut aussi par moments, au milieu du brouillard de mélancolie et de désillusion, laisser entrevoir l’espoir et la combativité retrouvée.
La première moitié de We Are The Plague est saisissante, portée par la voix de l’Australienne qui nous happe. Son timbre indéfinissable, légèrement rauque par moments, retient l’attention, et son interprétation marque les esprits, tant elle alterne les passages déchirants, vindicatifs, résignés ou plus lumineux. L’ensemble évoque une vague parenté avec des chanteuses de la trempe de Patti Smith ou PJ Harvey.
La chanteuse - guitariste, installée en Angleterre, s’accompagne d’une configuration minimaliste : le bassiste de Jim Jones And The Righteous Mind, Gavin Jay, et le batteur des Stranglers – rien que ça ! – Jim Macaulay, le tout parfois un peu saupoudré de piano, violon ou violoncelle, mais il faut vraiment tendre l’oreille. Les arrangements sont à l’image de la configuration, assez réduits et bruts, et produisent un son plutôt folk, avec des détails notables à la guitare ici et là, mais qui est loin de se limiter à cette étiquette et s’enrichit d’influences rock tour à tour psyché ou indé.
Le premier morceau éponyme exprime toute sa force, entre une voix marquante et parfois scandée, une guitare au son un peu psyché et des paroles en forme de désaveu de l’humanité, et contraste avec la ballade qui suit « Thylacine », pourtant tout aussi prenante. D’autres titres retiennent l’attention, tels ce « September » qui passe de la fragilité à la puissance, ou « The River Song », dont le chant a capella impressionne pendant une minute trente.
Mais, peut-être de par des arrangements trop épurés ou un style qui n’évolue pas durant les morceaux, une certaine monotonie finit par s’installer, et plusieurs titres moins marquants sont ainsi redondants par rapport aux chansons plus notables.
L’album reprend de la vigueur sur la fin. Si « In the Darkness » commence comme une ballade dépouillée et répétitive, elle se conclut sur des guitares lancinantes et une voix poignante qui lui donnent une autre dimension, ce que continuent « Silence in my Bones » et surtout « Negative Prophets », conclusion frappante.
En dépit d’éléments dispensables sur l’album, We Are The Plague marque l’émergence d’une artiste à la voix singulière, au propre comme au figuré, qui, en gommant certaines répétitions, devrait être promise à un futur plus radieux que celui dépeint dans ses chansons.
Tracklist
1. Intro
2. We Are The Plague
3.Thylacine
4. Blood On The Windscreen
5. September
6. Don’t Look Up
7. The River Song
8. Angel Speak
9. You Were There
10. In The Darkness
11. Silence In My Bones
12. Negative Prophet
Sortie de l'album le 31/07/2020 chez Negative Prophet Records / Cargo Records
Crédit photo : Jeff Pritcher (photo 1) - Gérald Jenkins (photo 2). Reproduction interdite sans autorisation.