Il faut croire que l'hydrocarbure apporte l'inspiration, car ils sont nombreux les groupes de musique qui se nomment d'après le kérozène. Ici, Kerosen est un quatuor rock-punk québécois. Avec l'album Afflux sanguin, paru en début d'année 2020, le groupe enflamme les oreilles : en 12 chansons comme autant de coups dans le bide, les artistes balancent leur verve contre tout ce qui les agace, tout en câlinant l'auditeur entre deux coups de pédale.
L'auteur, Éric Martin, cisèle ses paroles avec le regard expérimenté qu'il porte sur la vie. En quelques mots, il sait poser le décor, sous-entendre l'histoire tout autour, dérouler les personnages en une rapide esquisse, et transmettre ses ressentis. Tour à tour crooner et cracheur, sa voix grave donne corps au personnage pas toujours recommandable de chaque morceau.
Il fustige alors les beaux parleurs avides de réseaux sociaux («l'Élu»), les profiteurs, les prêtres pédophiles («Complice»), s'agace contre les gourous du bien-vivre (« Rat de laboratoire»)...
Il passe également la quarantaine, il a envie de vivre, vraiment vivre au lieu de se soumettre à ce que la société attend de lui («40 ans»). Il s'émeut de l'amour d'une femme pour son mari malade («Dan»), et de rythmes ardents on passe à un tempo plus calme, avec le même talent.
L'énervement de Kerosen est un punk bienveillant qui transmet à la fois la colère contre qui oppresse et la sympathie pour l'opprimé, à l'image de l'appel à refuser de se soumettre au regard des autres («L'éclipse»).
Mais il n'y a pas que les paroles qui carburent, et cela contribue à faire de Kerosen un groupe complet, qui permet aussi de danser ou de se poser, entre riffs de guitare énervés et arpèges apaisants.
On profite de cet Afflux Sanguin qui nous regonfle de vie neuve, et nous laisse désormais rempli de courage et d'estime pour soi-même, avec la pêche d'agir, sans se comparer ni courber l'échine.
Sortie le 21 février 2020
