Si les Canadiens ont déjà su se faire un nom en Amérique du Nord en proposant un pagan/folk metal depuis 2009, ce n'est pas forcément le cas sur le Vieux Continent. Transcending the Ruins est leur troisième long format, après Ancestral Anthems en 2009 et No Beer In Heaven en 2014. Mais si le groupe précise qu'il s'agit d'une musique proche de groupes comme Arkona, Korpiklaani, Windir, Nightwish, Turisas ou Skyforger, l'auditeur se rend vite compte que le classement de Protokult dans une case n'est pas chose aisée...
L'artwork est un bon exemple de la complexité du groupe. Si la neige et le château peuvent représenter le pagan/folk, style appuyé par la typographie runique du titre de l'album, la femme dans un bain de sang tenant une colombe et un poignard ensanglanté tend plutôt à rappeler le death metal (impossible de ne pas traduire et penser à Bloodbath) ou le black pagan metal (Bathory). Mais la couverture d'un album est toujours ouverte à interprétation.
Pour comprendre les thèmes abordés et certains sons employés dans les morceaux, il est important de savoir que les cinq membres sont tous d'origine slave ou perse. Le chanteur guitariste Martin Drozd et le bassiste David Slowiak sont polonais, la chanteuse et claviériste Ekaterina est kazakhe, le guitariste Jack Neila est canadien d'origine tchèque et enfin le batteur Kaveh Afshar est iranien. Ainsi, leurs origines ethniques sont audibles dans certains titres : notamment les parties de chant russe d'Ekaterina faisant penser à Arkona. Il est par ailleurs étonnant d'entendre la fameuse mélodie d'origine finlandaise "Ievan Polkka" écrite par Eino Kettunen (également reprise par Korpiklaani) dans le morceau supposé être celtique "Troubled Lad (Slainte Mhath)".
Le folk est principalement représenté avec la présence d'instruments comme la flûte, le violon, l'accordéon, le xylophone ou la guimbarde. "Mark Of Thunder" ou 'Oy Kanada!" comportent des riffs rappelant vaguement Ensiferum tandis que "Wenches" et "Troubled Lad (Slainte Mhaith)" sont des titres plutôt festifs et moins sérieux, le deuxième se rapprochant des pirates d'Alestorm. Mais les Torontois ont tendance à explorer les limites du pagan/folk quitte à les dépasser largement. Ainsi, nous retrouvons un timbre à la Bruce Dickinson et des riffs heavy et mélodiques dans "1516 (Keeper of the Hops)", un chant féminin opératique à la Nightwish ("Rusalka"), ainsi que des parties de black ("Feed Your Demons"), d'autres de doom ("Greet the Dawn"), de gothique à la Peter Steele ("Valley of Thorns") et même de grind ("Wenches").
Un éclectisme bienvenu ? Eh bien non. Le problème réside dans la volonté d'en faire trop de la part d'un jeune groupe qui cherche encore probablement son identité musicale. Ce mélange de genres ne serait pas tellement dérangeant s'il était opéré d'une chanson à l'autre, mais chaque morceau inclut plusieurs sous-genres, qui parfois cassent totalement le rythme de celui-ci. Prenons par exemple le morceau de plus de sept minutes "Valley of Thorns" : notre ouïe est attaquée de tous les bords avec d'abord des riffs épiques, puis du black, puis du symphonique, un solo de batterie et un chant parlé plutôt gothique avant de retourner sur du black pour finir sur une touche folk avec du chant allemand, le tout mal égalisé. Wow ! Que s'est-il passé ? Sept minutes pour ça c'est bien trop long, mais cela ne suffit pas au groupe car le dernier morceau, "Dead New World", est assemblé de la même façon pendant une quinzaine de minutes, pendant lesquelles il est très difficile de rester accroché.
La ballade "Greet the Dawn" est probablement le morceau qui tient le mieux la route avec la douceur de la voix d'Ekaterina accompagnant les arpèges à la guitare clean qui n'est pas envahi par une multitude d'autres éléments se superposant, bien que la partie finale doomesque qui suit les choeurs soit étonnante mais bien réalisée.
Protokult propose un troisième album avec beaucoup d'ambition, peut-être même trop. La durée de l'album et la multitude de genres différents se superposant dans une production qui laisse à désirer (beaucoup de chants sont quasiment inaudibles) font de l'écoute de cette galette une épreuve plutôt qu'une partie de plaisir. Si les morceaux étaient construits de manière plus judicieuse et simple avec les différents styles (techniquement maîtrisés) que le groupe souhaite inclure, il serait possible d'en faire un album de qualité. Finalement, ce sont probablement les morceaux les plus festifs qui resteront gravés dans les mémoires, et notamment "Troubled Lad (Slainte Mhaith)" très prenant et dansant.
Tracklist :
01. Mark of Thunder
02. Feed Your Demons
03. 1516 (Keeper of the Hops)
04. Oy Kanada!
05. Troubled Lad (Slainte Mhaith)
06. Na Gryanoi Nedele
07. Rusalka
08. Valley of Thorns
09. Wenches
10. Greet the Dawn
11. Dead New World
Sorti en auto-production le 1er octobre 2020.