Æolian, quintette originaire des Baléares, propose un death mélodique puissant, se démarquant des formations nordiques spécialistes du genre grâce à une riche palette d'influences et l'expression permanente d'une sensibilité environnementale. Deux ans après leur premier album Silent Witness, les Espagnols semblent animés d'un même besoin d'exprimer la souffrance de la planète et de dénoncer les ravages causés par l'homme. Une cause noble qui prend toute sa puissance dans l'ambiance teintée de fureur et d'amertume de leur nouvel opus, The Negationist.
Difficile en 2020 de traiter de thèmes comme la pollution des océans, la déforestation et les dommages irréversibles causés par l'activité humaine, sans être submergé par la colère et le pessimisme. C'est justement ce sentiment d'urgence qui guide la formation de Palma de Majorque, et transparaît dans les onze titres de The Negationist. Pourtant, loin de verser dans la noirceur complète, Æolian instille ça et là des éléments lumineux dans certains morceaux, permettant d'ouvrir la voie à une - très - légère lueur d'espoir ...
Æolian fait entendre le cri de souffrance de la Terre, par le cri ou plutôt la diversité des cris du puissant et talentueux vocaliste Daniel Pérez, et par la variété des instrumentations. The Negationist est marqué par beaucoup de rage et de désespoir et un constat bien amer sur l'héritage laissé aux générations futures. La noirceur prend le dessus, comme dans le rythmé "Bleeding Garbage", ou dans le thrashisant "Blackout", navigant entre chant colérique à la Judas Priest, death groovy et passages mélodiques intenses se concluant sur de belles notes de violon.
Sur "Momentum", de l'entame effrenée où les hurlements se font black, à des parties beaucoup plus mélodiques, la voix navigue entre growl et scream, entre désespoir et rancoeur, évoquant l'arrivée du jugement pour l'espèce humaine, coupable d'avoir été la menace précipitant la planète à sa perte.
Les compositions sont variées, et il faut saluer le travail sur la rythmique et l'excellente prestation d' Alberto Barrientos à la batterie. Les passages les plus rapides mettent en avant l'une explosion de rage, mais sont toujours couplés à une approche mélodique, le jeu sur les deux tableaux black / death menant souvent à un effet déchirant, plein d'émotions comme dans "The Flood", tout en équilibre, aux couplets profonds et aux cris sidérants.
La force d'Æolian repose sur le duo de guitares, toujours en première ligne, complémentaires ou tout en harmonies, et il faut avouer que c'est une véritable démonstration qui est opérée par Raúl Morán et Gabi Escalas, en symbiose complète. Sur "Ghosts Anthem", batterie et basse rivalisent de virtuosité dans des variations de tempo qui mettent en valeur les riffs de guitares et la mélodie, avant un final solennel où un orchestre de cuivres se mêle aux jeux des cordes pour un effet grandiose.
Des interludes de guitare classique surgissent dans plusieurs morceaux, se mêlant presque naturellement au metal extrême déroulé dans The Negationist. Ainsi, les cordes sèches mènent à un solo magistral dans le titre à la fois groovy et folk "Animals Burned", servent d'introduction dans la power ballad aux allures de chant de marin "Unseen Enemy", ou encore sur le single "The Golden Cage", en contraste saisissant avec le black / death à la rythmique phénoménale et au riff lancinant qui s'ensuit.
Ce morceau efficace donne la part belle aux instruments, de la belle partie acoustique au solo de basse et de batterie, les lamentations des guitares - encore elles ! - exprimant bien l'amertume et la désolation devant la destruction de la planète. Ce faisant, Æolian confirme un certain parti pris, celui de privilégier les guitares au chant pour fixer les mélodies accrocheuses, ce qui peut laisser sur leur faim les amateurs de refrains-hymnes.
Si cet album souffre de quelques moments d'essoufflement, les passages tirant sur le black dans certains morceaux se révélant moins percutants que les parties purement melodeath, souvent mémorables, il faut tout de même admettre que le quintette délivre ici un opus solide, subtil et bien construit.
Les morceaux gagnent en complexité et en identité au fur et à mesure de l'avancée dans la tracklist, en témoigne l'excellent final de l'album (constitué des trois derniers titres), à la tonalité grandiloquente et où les guitares classiques viennent habiller le death metal, amenant beaucoup de subtilité dans la puissance. Les touches hispanisantes acoustiques sont incroyables dans le mélodique "Children of Mud" aux parties rythmées rappelant Insomnium ou les premiers albums d'In Flames, se mêlant même discrètement aux riffs électriques pour une outro qu'on aurait souhaitée plus longue.
The Negationist se conclut de la plus belle des manières, avec ces parties plus claires qui réussissent à surgir de la désolation ambiante. Un prélude au piano, des riffs lancinants, et toujours une navigation sur le fil entre des sons black glauques et un solo endiablé plutôt lumineux, voilà ce qui caractérise l'ultime morceau, "Reborn", le cri d'alarme des Espagnols s'achevant sur de belles notes de guitare classique, comme un retour aux sources et une lueur à laquelle s'accrocher, malgré tout...
The Negationist - Liste des titres :
01. Momentum
02. We Humans
03. Animals Burned
04. Unseen Enemy
05. Blackout
06. Golden Cage
07. Bleeding Garbage
08. The Flood
09. Children of Mud
10. Ghosts Anthem
11. Reborn
Line-up Æolian :
- Daniel Pérez – Chant
- Raúl Morán – Guitare
- Gabi Escalas – Guitare
- Leoben Conoy – Basse
- Alberto Barrientos – Batterie
The Negationist, second album d'Æolian, sort le 20 novembre 2020 via Black Lion Records.