Lizzard – Out of Reach

 

Lézards appliqués...

Décidément, 2012 aura été une grosse année pour la Klonosphere ! Hein, c'est quoi, cette bestiole, me dites-vous ?! Hola, dites, vous charriez, là... En principe si vous n'avez pas passé ces dernières années coupés de l'actualité métallique française, trop "occupés" à vous avachir en familière compagnie devant "l'Amour est dans le Pré" et autres réjouissances de premier ordre pour notre audiovisuel français (damned, vous imaginez du coup le niveau du reste?!...), il serait quand même étonnant que vous n'ayez pas ouï dire de ce petit label national « qui monte, qui monte » (comme la chaîne de télé dont je vous parlais il y a 2 secondes, tiens - ahem!) ...

Bon, petit cours de rattrapage alors ?!

C'est à l'initiative du groupe Klone, et dans le but de se serrer les coudes en ces temps de disette  pour les artistes face à la situation catastrophique du marché de la musique en général, et du disque en particulier - pour des formations qui ont déjà à la base les plus grandes difficultés du monde pour se faire connaître et s'en aller défendre leur  bifteck - , que s'est donc monté ce collectif, afin de regrouper sous sa bannière et promouvoir des groupes français de tous horizons (Magoa, Jumping Jack, Hypno5e et Memories of A Dead Man pour citer les derniers en date)... Un peu comme Holy Records avait su le faire à une époque en tapant davantage à l'étranger (et à l'instar également jadis d'Adipocere dans une moindre mesure... snif, je vous parle là d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaîiiitreuh!...), l'engagement envers les groupes signés étant donc - peu importe leur niveau de notoriété à la base - de leur faire profiter peu ou prou des mêmes moyens d'enregistrement et de promotion. Et ces derniers, on le constate avec bonheur, sont de plus en plus conséquents... Une bien belle initiative donc, même si pour le 'live' il est préférable de s'être conditionné à apprivoiser les différents combos hébergés par le label, car en concert un groupe Klonosphere en cache bien souvent un autre! Pour preuve, cette petite tournée nationale qui écume actuellement nos salles et rassemblant les trois formations-phare du collectif : Klone, Hacride et Trepalium. A ne rater sous aucun prétexte si d'aventure ils accostent près de chez vous !

 

Lizzard band promo pic

Mais revenons-en à notre trio du jour... Et aux esprits chagrins qui iraient crier au copinage ou au piston (si je devais me faire l'avocat du diable, je dirais « Et pourquoi ce genre de procédés ne pourrait-il pas avoir cours par chez nous et dans notre milieu chéri, d'ailleurs??! » ...), précisons tout de suite que les LizZard - puisque c'est eux la petite bête dont il s'agit - ne sont pas non plus tombés de la dernière pluie et n'ont attendu après personne pour se faire déjà un nom.


Le combo Limougeaud (avec à son bord deux Britanniques tout de même...) s'est en effet d'abord fait connaître sur la Toile il y a 6 ans de cela, enfantant tour à tour les remarqués La Criée (démo de 2006) et Venus (EP de 2008, et sans liens de parenté avec la chanson de Bashung ou de Bananarama...). Ce dernier avait été produit par rien de moins que Rhys Fulber (légendaire homme derrière les manettes de Front Line Assembly, Paradise Lost et autres Fear Factory, parmi tant d'autres), qui les prit sous son aile, et dès lors il n'est pas étonnant que le groupe ait souhaité remettre le couvert avec lui pour ce premier véritable album, Out of Reach, sorti le mois dernier... Il faut dire qu'entretemps, le groupe n'a cessé de gagner en notoriété, tournant avec les grands noms de notre métal hexagonal, mais séduisant surtout de plus en plus outre-Atlantique, jusqu'à ouvrir pour le légendaire batteur Carmine Appice (frère de Vinny-le-Sabbathien, et qui a notamment joué chez Vanilla Fudge, Cactus et King Kobra, ainsi que pour Ozzy, Ted Nugent et autres...Christophe et Rod Stewart en 'live'!!), lequel ira même jusqu'à déclarer que LizZard est le groupe « le plus cool qu'il ait entendu depuis bien longtemps » ...

A la première écoute de cet album et notamment de ce "Disintegration" (en écoute chez nous) aux faux airs de Black Country Communion par moments, on ne saurait donner tort au frappeur carmin : ce disque fait vraiment montre d'une décontraction à toute épreuve qui fait plaisir à entendre ! L'oreille accroche directement à une batterie délicate (placée, une fois n'est pas coutume, dans les mains d'une demoiselle, la talentueuse Katy Elwell dont le look n'aurait pas laissé présager au premier abord d'une telle finesse - bouffons gavés de préjugés que nous sommes !! ...), au jeu tout en 'feeling' relâché et d'une fluidité exemplaire qui n'a effectivement pas dû déplaire à Appice (des signatures peu usitées d'ordinaire comme le 7/4 ou le 7/8 sont en plus au programme), mais surtout au rendu naturel, organique (si l'on excepte une grosse caisse un peu trop présente et 'triggée', elle...), comme on aimerait en entendre plus souvent !

 

Le chant de Matthieu Ricou, lui, a toujours été inspiré par l'alternance douce retenue/déchaînement débridé d'un Mayard James Keenan de Tool dans le même esprit que Yann Ligner chez les Klone, mais se veut tout de même un peu plus naturel et abordable dans le rendu vocal que ces derniers... Pour résumer, LizZard serait un peu à Klone, si vous voulez, ce que A Perfect Circle est à Tool ! En outre, la petite patte vocale 'stoner/grunge' caractéristique de leur confrère et voisin de label prend plutôt chez les Lézards une forme plus foncièrement 'rock' encore, et bien davantage que métal (ou bien alors serait-on tentés de recourir à l'appellation abusive de 'rock/métal moderne' qui a droit de cité aujourd'hui...), avec également une petite touche de «pop» : on pensera donc tout autant au fil des écoutes à M.J. Keenan, effectivement, qu'à un Chris Cornell (Soundgarden), voire au regretté Peter Steele (Type O Negative) dans ses moments les moins suaves, à savoir ses fameuses envolées en choeurs et ses 'gueulantes' légendaires... Dans les moments les plus calmes se feront en revanche ressentir dans la musique de LizZard des similitudes avec un Deftones qui comme on le sait se fait de plus en plus 'soft', voire un Audioslave ou un Incubus en toutefois plus énervés cette fois (faut pas déconner non plus!), et surtout sans l'enrobage 'commercial' livré d'ordinaire avec ce type de marchandises. Mais une patte 'US' et actuelle effectivement très marquée (une petite facette "juvénile" façon 30 Seconds to Mars ou Foo Fighters notamment ... même si ceux-là ne sont plus tout jeunes, pourtant !). La maturité plus affirmée d'un Vincent de l'Anathema dernière époque n'est toutefois pas si loin que cela sur l'intro et les couplets du titre éponyme.

Au fur et à mesure que ce Out of Reach se révèle, c'est en revanche davantage une enveloppe 'nouvelle scène prog' digne des héritiers de Porcupine Tree et de Tool réunis qui se tisse, avec ce mélange caractéristique à la fois d'envoûtement rêvasseur (l'onirisme d'un Sigur Ros jette parfois son voile dans les moments les plus éthérés...) et de froid hermétisme pour qui n'en détient pas les clés. Dans son approche du rythme et des breaks percussifs à dimension 'tribale', la batteuse (je ne m'y ferai décidément jamais...^^) rend d'ailleurs régulièrement un hommage à peine déguisé au groupe de quatre lettres, dont l'ombre ne cesse de planer...

Alors, une fois cette dimension-là bien installée (une deuxième moitié d'album bien plus calme et "ralentie", en dépit d'un "Fakeworld" faussement énervé sur son intro et refrain, et du ronflant "Twisted Machine"...), on finirait par en regretter le côté plus 'direct', enlevé et accrocheur (qui, pas original pour un sou et un peu léger parfois, ne tombe jamais dans du 'simplisme' pour autant...), présent sur les premiers morceaux de cet opus et pas assez récurrent par la suite. On constate que les morceaux ne s'étendent en revanche pas plus que raison (même si les deux dernières pistes s'étendent inutilement au-delà des 6 minutes...), le groupe préférant au contraire donner davantage dans la complexité verticale qu'horizontale pourrait-on dire... Reste que les guitares tendent parfois hélas à donner du coup dans du 'riffing' assez froid et au rendu finalement assez artificiel, impersonnel, manquant cette fois cruellement de chaleur et apparaissant comme juste habilement "trituré" ("The Orbiter", les breaks et ponts du titre éponyme, ...). Certes, il n'y a rien à redire sur le niveau de l'ensemble - technique, maîtrise et groove sont bien là - mais pour autant il n'y a pas grand chose à en dire tout simplement, comme s'il manquait un peu de ce petit air de revenez-y auquel on était en droit de s'attendre. Au contraire, on aurait tendance par moment à tomber dans du simple plaquage de structures et de notes, certes très 'progueux' dans l'approche pour les amateurs du genre, mais sans ce côté un peu plus avenant et chaud que l'on peut désormais trouver un peu partout dans les formations de ce style. Les soli se révèlent en revanche d'une toute autre envergure : fluides, inspirés et tout en finesse de haute volée, un peu de la trempe d'un Michael Amott dans Spiritual Beggars si celui-ci venait à tomber sur la panoplie d'effets de Tom Morello (RATM) ou de Satriani...

 

Lizzard promo pic

Le constat à en faire est que l'auditeur se retrouverait du coup parfois (pardonnez ma vulgarité) comme pris le c** entre deux chaises et à deux doigts de se vautrer ou de s'en dérober tant les fourmis le démangent... Autant la chouette "Loose Ends" nous évoquerait presque les regrettés Oceansize dans son approche sonore et stylistique délicates, autant les morceaux les plus 'calibrés' et énergiques n'échappent pas à un déjà-entendu plus généralisé, et plus gênant encore au sentiment que les musiciens se contentent d'apposer des idées qu'ils savent parfaitement fonctionner dans le cadre d'une formule donnée, d'où quelques "répétitions" prévisibles.
Même les instrumentales qui auraient pu donner une identité plus affirmée au groupe sont finalement assez inégales (et presque envahissantes dans ce contexte) : la très équilibrée et ricochante "Backslide", d'une longueur digeste même si on en aurait éventuellement bien repris encore une rasade et qu'on reste un poil sur notre faim - les idées semblant ne pas être amenées tout à fait à terme... - , succède de peu à la planante-mélancolique "Skyline", qui fait plus office de transition dispensable - voire de simple intro à "Loose Ends" - que de respiration nécessaire à l'album ou autre chose...

Bref, un album pas si "hors de portée" que nous l'annonce son titre (ça, « pas de lézards » ...), mais dont on attendra peut-être juste des successeurs un peu plus personnels (mais pas au point d'en être repliés sur eux-mêmes), plus aventureux et novateurs aussi. Il faudra alors espérer une mue digne d'un Klone, dont on vous parlait il y a peu, capables eux de transcender leurs influences initiales. Car pour l'heure notre reptile tiendrait plutôt d'un caméléon aux mille teintes, certes parmi les plus talentueux du lot, capable il est vrai de se fondre dans bien des environnements... Mais on préférera se montrer patient le temps que les LizZard fassent réellement peau neuve car, à ce jour, c'est un peu à l'image de la fameuse bestiole : fascinante au premier abord, on cherche naturellement à vouloir s'en saisir... Mais au moment où on est sur le point d'y arriver ou pensons l'être, elle finit par se dérober et nous échapper, nous laissant ainsi pris au dépourvu et perplexes, avec juste un simple morceau de corps entre les doigts, pendant que le reste se débine avec certes toute l'assurance d'une force discrète et toute instinctive.

 

LeBoucherSlave


7/10

 

Lizzard live pic

 
 

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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