Si je vous donne une petite interro surprise sur les groupes de metal en provenance de Malte, est-ce que quelqu'un saurait donner au moins une bonne réponse ? Allez, ce n'est pas compliqué, on en a même chroniqué sur La Grosse Radio, c'est dire ! Toi, là, au fond, qui tente de se cacher derrière son bureau, une idée ? Même pas ? Tant pis. Et toi, toi qui est tout devant mais toujours discret, tu connais au moins une formation locale ? Encore un non ? Rien du tout ? Si votre mémoire flanche, on peut se rappeler de Rising Sunset (lien en bas, merci). Mais ils ne sont pas seuls sur cette petite île. Non, en 2012, un autre combo d'un tout autre genre nous offre son troisième brûlot en 17 ans d'existence, et le deuxième en 1 an. Weeping Silence, comptant deux demoiselles dans ses rangs (une chanteuse et une claviériste), nous fait part de For the Unsung, une livraison à la pochette noire et orangée qui devrait permettre aux curieux de poser une oreille attentive sur ce que ces sept compères ont à nous proposer.
Et d'entrée de jeu, l'auditeur est accueilli par une production soignée et permettant de mettre en valeur à merveille les diverses compositions offertes par Weeping Silence. Au fond, rien de très étonnant à tout cela quand on sait que le disque est passé, pour ça, entre les mains de Brett Caldas-Lima, un expert en la matière. Mais tout le monde le sait (ou peut-être pas, mais ça doit se savoir !), un gros son, ça ne fait pas tout. Encore faut-il savoir blinder ce qu'on va y trouver derrière. Pour commencer, établissons les bases : avec nos amis maltais, on évolue dans les terres d'un metal mélodique assez mélancolique, triste, qui ne respire pas la joie et ne nous laisse pas imaginer des petits papillons dans des champs. Leur musique évolue donc entre une formule aux guitares massives, parfois plus heavy (« Love Lies Bleeding » notamment), mais souvent assez lourdes, dans le but de former une ambiance, jouant dans la cour du doom. Il faut bien avouer que la présence d'Anders Jacobsson des suédois de Draconian en tant qu'invité n'est, ainsi, pas surprenante, contrastant de ses growls sur les morceaux « Love Lies Bleeding » et « The Search Within » avec la voix élégante et aérienne de Rachel Grech.
Cette chanteuse, d'ailleurs, a un timbre assez particulier, et une voix qui n'est pas commune. Si la musique de Weeping Silence ne brille pas toujours par son originalité, encore marquée de temps en temps par les grands noms du genre, le chant de la vocaliste, lui, aide à constituer un atout dans la recherche d'un son personnel et d'une identité propre. Un registre aiguë, qui n'est pas sans évoquer Anneke Van Giersbergen dans certaines de ses intonations et dans les parties plus graves de son timbre, mais toujours juste et maîtrisée, suffisamment pour inviter confortablement à entrer dans le monde construit par le combo. Cohérence musique / voix ? Impeccable, et la dualité entre le chant masculin extrême et ces cordes vocales féminines, souvent dominante dans la musique des maltais, ne tombe jamais dans les clichés : le growl intervient avec précision et souvent en soutien au chant féminin, reproduisant l'effet belle et la bête. Mais là où ça devient intéressant, c'est que sur cet effet et en dépit de l'inspiration des porte-étendards du style, la base est toujours plus véloce et rythmée que la lenteur et la noirceur habituelle dans le genre.
On dirait un peu des jumelles, à droite ...
Nos sept maltais ont donc de la suite dans les idées, en proposant des morceaux assez diversifiés pour ne pas ennuyer, et assez hétérogènes pour garder tout de même une ligne conductrice et une base commune. Pour autant, on ne pourra pas s'extasier devant toutes les pistes. Une grande partie de ces-dernières sont de qualité, il est vrai. Et aucune n'est mauvaise, c'est tout à fait vrai également. Le groupe évite le plagiat facile et les plans basiques, oui, et le tout reste réellement solide du début à la fin. Seulement voilà, parfois, le groupe semble tomber dans certaines répétitions en souhaitant absolument ne pas refaire le même schéma. Piège dans lequel il est dommage de voir certains morceaux tomber, alors qu'ils ne sont pourtant pas dénués de qualités et que les instruments font un très bon boulot dessus. « Mire of Pity » souffre de ce problème, là où le clavier y est excellent, tout simplement. Mais que ce soit dans les lignes de chant, dans certains riffs ou dans les interventions entre les chants, il y a quelques airs de déjà vu … avec les deux morceaux précédents. Si cette mauvaise équation ne se déclinera pas sur toute la durée, deux échecs sont donc à leur compteur : outre celui-ci, le refrain de « Bitter Screams » tombe un peu à plat, et, lui aussi, repart dans des travers que l'on souhaiterait ne pas rencontrer : ça ressemble presque à « Love Lies Bleeding » sur ce dit refrain.
Mais ces quelques coups de barre ne ruinent pas l'ensemble de l’œuvre, bien au contraire : « The Search Within », et ça repart ! Le titre a une approche plus doom, plus lente et développant une atmosphère intrigante, et ténébreuse. Et bien qu'Anders joue les troubles-fêtes une fois de plus, la piste ne tourne pas au vulgaire plagiat de Draconian. Là où les scandinaves joueront dans la cour doom et ralentissement de tempo sur toute la longueur, Weeping Silence combinera des influences plus heavy pour aboutir à des parties de guitare assez rapides et tranchantes pour le genre. « Love Lies Bleeding » est un parfait exemple de ce que proposent les maltais, un archétype des combinaisons musicales qu'ils opèrent, et, ce toujours avec aisance et talent. Le refrain, qui plus est, reste entêtant, un point qui mérite encore de l'approfondissement. Mais ce n'est pas le but premier du groupe, les mélodies catchy et les touches pop, très peu pour eux. Tout se joue dans l'ambiance, et l'homogénéité de ces atmosphères tisse un fil d'Ariane. Difficile donc de ne pas s'imprégner sur toute la longueur, en dépit des légers passages à vide. L'apogée est atteinte sur l'excellente « My Possession » qui, toujours dans cette classe si caractéristique du doom, allie les ombres (la guitare, le clavier, les growls de Joseph Grech) et la lumière (le chant, re-le clavier polyvalent, une force de la talentueuse Alison Ellul.
Ainsi, on ressent donc dans For the Unsung un réel hommage aux racines du doom / gothique, tout en ayant la volonté d'y apporter une touche personnelle. Et bien que subsistes quelques imperfections, il y a une sérieuse marche de progrès là-dedans. Cependant, le groupe va devoir se remettre du départ de leur chanteuse Rachel Grech après plus de dix années de bons et loyaux services au sein de Weeping Silence. Mais inutile de paniquer : au vu du talent des musiciens et de la qualité de cette galette, il est fort à parier que la relève sera brillamment assurée. Nous sommes donc en face d'un combo très prometteur et mature, qui pourrait bien passer en tête de peloton d'un style de plus en plus abandonné. Et c'est tout ce qu'on leur souhaite !
Note finale : 7,5/10