La légende dit qu'au cours d'une plongée dans les archives d'un label londonien, on aurait retrouvé les bandes de ce qui allait devenir Happy Alpha Air.
Pas de date, hormis un "196…" dont le dernier chiffre s'est effacé au fil du temps, ni d'infos sur le groupe, Toxic Kiss, à l'origine de cette poignée de chansons enlevées. On ne peut qu'imaginer la scène à l'époque : nourris aux groupes beat qui arrachent l'Angleterre à la grisaille de l'après-guerre, des gamins débarquent dans le studio d'une maison de disques. Ils enregistrent en live quelques titres, sous l'œil indifférent d'un ingé-son en blouse blanche. En quête de nouveaux Beatles-Stones-Who, le directeur artistique du label trouve le style de ces inconnus un peu trop aventureux pour l'époque. Les bandes tombent aux oubliettes, d'où elles émergent un demi-siècle plus tard, aussi fraîches et jubilatoires qu'au jour de leur enregistrement.
La réalité dit tout autre chose. Apparemment, Toxic Kiss se serait formé aux alentours de 2001 à Strasbourg, avec un line-up de Vosgiens. La réalité flirte souvent avec la légende, une légende DIY, par nécessité, en période de frilosité chronique des labels.
Mais, comme il en faut plus pour décourager ces bouffeurs de vache enragée, Toxic Kiss poursuit sa route sans béquille, monte son label, Növalis-Impulse, compose, enregistre 4 albums (tout de même! Final Lift 2004, Small Town Faces 2007, Snakes in the City 2009, le EP Happy Alpha Air 2011), enchaîne dates et premières parties (Wampas, Killers, Parabelllum, Hushpuppies, I'm From Barcelona, Lydia Lunch, Eurockéennes de Belfort, inauguration du Zénith de Strasbourg, etc.)
Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende, comme ils disent. Dans le cas Toxic Kiss, on garde les deux et on passe au blender, tant ces galériens du rock'n'roll comme on n'en fait plus savent brouiller les pistes entre rétro et intemporel, débrouille et élégance, rage de continuer et légèreté mélodique.
Isabelle Chelley – Novembre 2011
