J’adore Niklas Kvarforth, dernier personnage dangereux, insaisissable, pouvant rigoler avec vous après un show en buvant d’un trait une bouteille de vodka, se faufiler entre les jambes des filles en rigolant mais pouvant vous attraper les cheveux quelques minutes plus tard afin d’approcher votre tête vers son entrejambe ou encore vous regarder fixement avec des yeux dans le vide donnant rapidement l’envie de détourner le regard afin d’éviter un coup dans la tronche… Un individu toujours en lutte avec ses démons intérieurs.
« Den Påtvingade Tvåsamheten » sert d’intro : arpèges, montée en puissance loin de ce que Shining nous avait habitué jusqu’à là, mais « Vilja & Dröm » rappelle qu’un bon blast sait remettre les « / » au milieu des « o » et les « ° » sur les « a » avant que ne surgissent gargarismes et guitares mélancoliques. Kvarforth vomit les « rrrr » et peint le décor d’une couleur oppressante et malsaine rapidement.
Ça tronçonne, puis ça retombe sur un passage calme, ne présageant rien de bien pour la suite. Un « Ouchhhh » et ça repart. Structure millimétrée qu’on connait sur le bout des ongles dont on se délecte à chaque fois. Ses cris stridents donnant l’impression d’ordres donnés à des chevaux pour qu’ils avancent comme un coup de pied au cul qu’il donnerait à ses musiciens pour relancer la machine la bouteille à la main.
L’artwork est réalisé par Daniele Serra (né en Italie, il a entre autre travaillé pour les DC Comics) pouvant donner à divers interprétations, sorte de visage tête de mort sur un fond ressemblant à une fresque sortie d’une grotte préhistorique apparemment réalisé à l’aquarelle. Allez donc découvrir un livre qui lui est consacré Veins and Skulls.
« Människotankens Vägglösa Rum » possède ce savant équilibre entre une rythmique dont les accélérations nous rappellent qu’on est dans la cour des garçons mais où les arpèges peuvent nous suggérer qu’on est dans les toilettes des filles, qui n’est pas obligatoirement l’endroit le plus propre. Je pense qu’un jour, Niklas nous fera un album de blues avec des guitares acoustiques et qu’on en tombera de notre tabouret accoudé au bar. Le titre terminant par un solo sublime, renversant.
On peut reconnaître que sur l’album, Shining est plus dans le contemplatif, donnant sa chance à des morceaux beaucoup plus calmes dans son ensemble comme sur « Inga Broar Kvar Att Bränna » et même si l’agressivité se retrouve dans sa voix qui se désagrège au fur et à mesure que les minutes s’égrènent comme des grains d’houblon soulevés par le vent pour disparâitre dans une mare d’eau. « Framtidsutsikter » possède aussi cette structure : arpèges et voix claire au début puis riff malsain, batterie en embuscade, c’est mélodique, cassant puis les hurlements qui rentrent dedans, surement après plusieurs gorgées de Jack Daniel's.
On termine par le plus long morceau qui n’est pas là pour nous conter fleurette (en ces débuts de jours printaniers) avec « Besök Från I(ho)nom ». Comme un pervers au visage accueillant Niklas nous entraîne dans une balade qui parait bucolique par certains moments mais qui s’avère dangereuse au détour d’un virage glissant où une main aidante ne sera là que pour vous enfoncer la tête dans la boue quand vous tomberez à terre.
Le monde ne changera pas, Niklas continuera à provoquer, à pousser son auditoire vers sa vision du monde qui lui ait propre : le néant malsain de son esprit torturé et suicidaire. Dernièrement Redefining Darkness était plus froid, plus clinique tandis que VII: Född förlorare était beaucoup plus travaillé. Un album qui parait tout de même plus simple dans son ensemble.
Niklas Kvarforth est l’un des derniers où une tension palpable existe sur scène et ce n’est pas les photographes qui diront le contraire. Pour certains c’est de la provocation, pour d’autres c’est ce que le rock aurait dû toujours être : jouer sur le fil du rasoir. Provoquer pour exister ou pour exciter…
Lionel / Born 666
Photo Promo : © Ester Segarra
Photos Live : © 2015 Lionel /Born 666
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