L’arrivée du printemps est toujours source de gaité, le soleil brille, les oiseaux gazouillent, la gente féminine se vêtit plus légèrement mais Paradise Lost a choisi ce moment pour sortir sa nouvelle offrande et il est certain que la jovialité ambiante va en prendre un sérieux coup dans l’aile.
Depuis ses balbutiements, Paradise Lost s’évertue à développer une musique empreinte de spleen qui collerait le bourdon à Bozo Le Clown, le tout enveloppé d’une ambiance obscure. Il est clair que les britanniques ont connu trois étapes au cours de leur carrière, avec un commencement en fanfare, la formation ne cessant d’évoluer qualitativement passant d’un doom-death pesant (Lost Paradise) à un heavy/doom classieux (Draconian Times) laissant derrière lui une multitude de classiques, dont certains sont érigés au statut de culte comme "Gothic", "Eternal", "As I Die", "Embers Fire" ou "True Belief".
Quelque peu lassé d’évoluer dans les sphères métalliques, Paradise Lost sortit One Second qui divisa les fans, transformant son propos vers des sonorités plus électroniques, dont l’apogée sera atteinte sur Host, sorte d’album électro/pop qui n’a plus rien à voir avec le métal. Il s’en suivra des disques de qualité moyenne où les machines resteront très présentes jusqu’à la sortie de In Requiem, qui verra le combo d’Halifax renouer avec les guitares et les rythmiques plus appuyées et, à un retour à un chant plus rugueux.
La nouvelle étape représentée par ce disque est la mise en avant d’une nouvelle facette très sombre, ces derniers humeront le bon filon et appuieront en ce sens sur le magnifique Faith Divide Us, Death Unite Us, produit par Jens Borgen et donnant à Paradise Lost un côté plus abrupt également, la même recette étant appliquée à un Tragic Idol de haute volée. C’est avec un line-up inchangé que Paradise Lost s’apprête à jeter à la face du monde, sa nouvelle livraison intitulée The Plague Within.
En préambule, il est à noter que ce nouvel album a été produit par Jaime Gomez Arellano au sein des Organe Studios de Londres (Ghost B.C, Ulver, Cathedral, Angel Witch) et que le visuel, magnifique au demeurant, est l’œuvre de Zbigniew M. Belak, artiste, illustrateur et architecte polonais qui s’est également occupé de l’artwork des derniers Mayhem, Watain ou Entombed A.D.
Nick Holmes nous a déclaré que l’approche de The Plague Within était différente, qu’elle englobait les débuts du groupe, combiné à leurs années les plus récentes et que beaucoup de morceaux avaient une approche death-metal. L’expérience fait qu’il faut souvent raison garder à la vue de ce genre de déclaration, la publicité étant souvent mensongère, mais force est de constater que les premiers morceaux dévoilés et l’imagerie de l’opus vont clairement en ce sens.
Les hostilités sont lancées avec "No Hope In Sight", titre déjà dévoilé sur la toile et, il semblerait que les avances faites par Nick Holmes se vérifient clairement, la rythmique y est massive, montant crescendo, soutenue par des guitares imposantes et un pont de toute beauté, avec une alternance de vocaux clairs délicats et des growls affirmés, faisant de cette composition un incontournable de ce dernier album. La suite est du même acabit avec, cependant, quelques variantes, mais les compositions de choix se succèdent immuablement, les relents death-metal étant présents dans tous les recoins de The Plague Within, non seulement au niveau de l’organe vocal de Nick Holmes mais aussi dans les rythmiques abordées comme sur les très appuyé Terminal, mais surtout sur le féroce Flesh From Bone, dont la cadence alambiquée estampillé death-metal n’avait encore jamais été utilisé chez Paradise Lost, faisant de ce morceau le plus brutal de sa riche discographie.
Mais Paradise Lost ne fait pas que foncer dans le tas. Comme à son habitude, il excelle dans l’écriture de compostions plus lentes, emplies d’une tristesse maladive et d’une mélancolie contagieuse. Jetez donc une oreille à Eternity Of Lies et ses chœurs féminins ou Sacrifice The Flame et votre journée ne sera assurément pas placée sous les meilleurs auspices, la palme revenant incontestablement au doomesque Beneath Broken Earth qui, avec son rythme rampant et sinueux, rehaussé d’énormes riffs pachydermiques et doté d’un refrain énormissime, font de ce morceau un autre "must" de cet album mais également de la discographie de Paradise Lost, la formation retournant à l’essence même de ces débuts lorsque ces derniers publiait, jadis, le cultissime Lost Paradise. Concernant les références au passé, nous pouvons également y ajouter "Punishment Through Lies" qui semble directement issu de Shades Of God.
Outre le côté brut et une facette death-metal prédominante, le véritable atout de The Plague Within réside dans l’atmosphère obscure qui s’en dégage. C’est bien simple, ce disque est sans doute le plus sombre de l’histoire de Paradise Lost. La mise en place d’atmosphères tristes, appuyée par des cordes assez présentes, sont légions ("Sacrifice The Flame" ou "Victims Of The Past" pour ne citer que ceux-ci), la mélancolie inhérente aux compositions du groupe est présente dans chaque notes développées mais avec un coefficient multiplicateur plus élevé sur ce dernier méfait.
Malgré la grande qualité de l’album, quatre morceaux sortent cependant du lot comme le désormais bien connus "No Hope In Sight", "Victims Of The Past" et son puissant refrain, auxquels nous pouvons ajouter le fabuleux "Beneath Broken Earth" et le magnifique "Return To The Sun" qui clôture The Plague Within de façon magistral. Il faut aussi souligner les chœurs discrets du brutal "Flesh From Bone" mais surtout ceux de "Return To The Sun" qui amène une certaine spiritualité à l’ensemble.
La production de Jaime Gomez Arellano est parfaitement à propos et colle complètement à la musique développée par le quintette, le son de guitare est plus rugueux qu’à l’accoutumée et globalement plus sale, ajoutant encore plus à ce côté brut. Les musiciens sont tous au taquet avec une section rythmique qui pilonne comme jamais, un Gregor Mackintosh dont les lignes mélodiques sont parfaitement identifiables mais les lauriers reviennent assurément à Nick Holmes qui growle d’une façon dont on ne le pensait plus capable, même si ses éructations au sein de Bloodbath nous avaient mis la puce à l’oreille, son timbre vocal y est bien plus gras et profond, empreint d’une rage, d’une hargne et d’une haine inédite (la fin de "Return To The Sun" en est le parfait exemple), alternant, sans aucune faiblesse avec un chant clair tout en douceur, donnant un dynamisme bienvenu à l’ensemble.
Pour jouer les rabat-joie, on peut trouver deux titres qualitativement en-dessous du reste de The Plague Within. D’abord "Terminal" qui souffre d’un break quelconque et "Cry Out", handicapé par un commencement peu inspiré mais dont la seconde partie reste la plus intéressante.
Au final, The Plague Within est l’album qu’on espérait plus de Paradise Lost. Après avoir digéré le choc de la première découverte, l’album s’ouvre totalement et vous happera dans un monde brutal, obscur, triste et mélancolique où vous perdrez toute once de sourire. The Plague Within comporte quelques morceaux aux allures de futurs classiques et les aficionados de la période post-Draconian Times en seront pour leurs frais, Paradise Lost renoue avec ses racines les plus profondes, en réussissant le tour de force de ne pas renier ses albums récents. Il est indéniable que la publicité faite autour de cet album n’est pas mensongère et que ce disque se hisse incontestablement dans le haut du panier discographique du groupe.
Magistral.
Note réelle : 9.5/10