Le plateau du lecteur CD se rétracte, et le bouton "play" lance le véritable assaut constitué par ce nouvel effort de Lamb of God.
Cette première écoute de VII: Sturm Und Drang (sorti en plein été ce 24 juillet 2015 chez Nuclear Blast) passe à toute vitesse, et l’album fait honneur à son titre (“Tempête et Passion”, du nom d’un courant politique et artistique allemand), laissant l’impression de s’être fait aplatir par une implacable locomotive de riffs lancée à toute vitesse. Le rouleau-compresseur semble toutefois, au premier abord, un peu trop uniforme, et on a du mal à discerner les morceaux les uns des autres, mais l’impression ne dure pas.
Ce nouvel opus de Lamb Of God, en effet, ne révèle toutes ses subtilités qu’après plusieurs écoutes attentives, et s’avère être un excellent cru, très sombre et oppressant par certains aspects.
Les ambiances sont finalement assez variées, et font la part belle aux tempêtes de guitares alignant des tempos soutenus. La voix, quant à elle, est sans surprise ultra puissante et bluffante de brutalité.
Trois morceaux attirent rapidement l’attention, le premier étant “Erase This”. Ce morceau est construit autour d’un riff énorme, qui n’est pas sans rappeler Black Label Society par sa progression, et multiplie les détails intéressants et décochés avec génie. Des ponts sur fond d’harmoniques hachées, sonnant presque comme les touches d’un téléphone, mènent au refrain, dont les phrases courtes et percutantes seront reprises à pleins poumons par les fans du groupe américain. Un solo de talk-box vient agrémenter la composition, et impressionne par son intégration à la structure du morceau. L’effet de talk-box, habituellement assez marqué, voire kitsch, est ici pleinement maîtrisé, et voit se déployer rien de moins que sa meilleure utilisation depuis “Pigs”, de Pink Floyd.
Fait récurrent depuis 2009, Randy Blythe s’aventure sur le terrain du chant clair, de façon encore plus fouillée que sur Wrath et Resolution. C’est notamment le cas sur “Overlord”, morceau peu conventionnel du quintette, dont le début évoque le blues originel. La piste est une réelle charnière dans la structure du disque, et sa progression lente et lancinante est renforcée par un chant doublé à la tierce, à mi-chemin entre Alice In Chains et Soundgarden (!). La progression tend vers plus de puissance, et voit le chant se saturer, puis revenir au thème clair, après un riff lourd aux sonorités orientales envoûtantes.
Troisième titre marquant lors des premières écoutes, “512” constitue une petite pause après deux premiers morceaux très intenses, et apporte beaucoup de mélodie. L’ambiance est à la fois pesante et dramatique, effet renforcé par l’excellent production.
A propos d’ambiance et de production, justement, le son de l’opus semble au premier abord manquer d’ampleur, impression qui se fait vite oublier après une ou deux pistes. On comprend même peu à peu le pourquoi de ce son étriqué : concernant les guitares, faire rentrer autant de puissance dans un si petit espace sonore tient de la prouesse, et apporte un sentiment légèrement oppressant, d’enfermement, qui participe au ressenti global de l’album et de ses ambiances.
Enfermement. C’est aussi un thème important dans ce disque qui est le premier depuis la difficile expérience de Randy Blythe dans les prisons tchèques. Pour rappel, après avoir repoussé un fan de 19 ans qui essayait de monter sur scène, le frontman a été poursuivi et condamné pour coups et blessures provoquant la mort, le jeune fan étant décédé suite à sa chute.
Le titre d’ouverture de l’album, “Still Echoes”, est d’ailleurs fortement empreint des 38 jours passé par Blythe en prison. Le titre traite en effet de la guillotine qui trône dans la prison de Pankrá, geôle ayant accueilli le chanteur pendant son incarcération. Le texte est une réflexion sur l'usage que les nazis ont fait de cet instrument à la fin de la guerre, et sur le sifflement du couperet respnsable de la mort de plus de 2000 personnes, qui résonne encore dans les couloirs du pénitencier, comme le souligne le titre du morceau.
D’un point de vue musical, cet opener annonce la couleur : guitaristiquement, et comme escomté, ça va très vite. Plein de petits ornements et ghost notes font vivre les riffs, et donnent plus de vie aux rythmiques métalliques et mécaniques qui déferlent telles la tempête annoncée par le titre de la galette.
Les riffs de Mark Morton et Willie Adler sont réellement le coeur de l’album, et le travail accompli, tant du point de vue des arrangements que du rendu sonore, est remarquable. La batterie de Chris Adler est tout aussi précise et chirurgicale, et de nombreux détails agrémentent les blasts et roulements habituels.
Globalement, l’album est varié, et on n’a pas l’impression que le groupe ait eu à effectuer du “remplissage”, exception faite peut-être du dispensable “Desillusion Pandemic”, qui n’apporte pas grand chose au disque, à part la mise en avant du traitement très fin de la voix.
On regrette un peu le contenu de certains solos, notamment sur “Engage The Fear Machine” : la guitare lead dépose un solo qui n’est pas foncièrement mauvais, mais le résultat est assez mal intégré à la scène musicale, et semble posé sur la section rythmique sans réelle cohérence. Le premier solo de “Torches” dénote aussi un peu de l’ambiance apocalyptique que dégage la composition. Le morceau est d’ailleurs excellent par cet aspect, l’atmosphère qui s’en dégage étant véritablement saisissante. Les cataclysmiques “I Am Inferno” proférés par Blythe font partie de ces phrases qui hantent l’auditeur après son écoute. Dans le même genre, le “Jesus Christ you make me sick” de l’excellent “Footprints” fait son petit effet, et démontre toute la rage déversée dans cet album.
Au final, Lamb Of God réalise un retour studio fracassant, avec un disque homogène qui ne tourne pas en rond. Plusieurs écoutes sont nécessaires afin de prendre pleinement la mesure de ce que nous offrent les Américains, mais le soin indéniable apporté aux compositions saute rapidement aux yeux. On ne peut que se laisser embarquer par les ambiances sombres et pesantes qui s’installent au fil des morceaux, et surtout espérer entendre des extraits de l'album lors des prestations du groupe cet été en Europe.
8,5/10