'Men-songes' en THX ...
Sortie le 16 octobre 2015
chez Sensory Records
Si le From the Past, premier opus de 2012 qui marqua le début de l'épopée Melted Space, fut en tout point une 'révélation' pour votre serviteur, l'EP de transition Between qui lui succéda un an plus tard aura été, avec le recul et malgré ses invités prestigieux (au premier rang desquels le chanteur de Melechesch et une certaine Liv Kristine...), l'objet d'un ressenti plus mitigé. Une impression à la fois de "trop peu" et d'assagissement, voire d'un certain "éparpillement", bien précoces pour ce concept si singulier qui venait de prendre forme, ce 'metal opera' avec juste ce qu'il fallait d' "extrême" et de "prog", mais surtout à dimension véritablement "cinématographique" et fortes vélléités "symphoniques", chaque fois dans le sens plus noble qui soit du terme... En dépit d'une indéniable progression aussi bien sonore qu'en matière de 'finition', on commençait donc à craindre - même si l'on n'osait trop se l'avouer... - que l'embarcation ne se mette à peser trop lourd, voire que le doux vin ne commence à prendre un peu l'eau !
Dire que l'attente fut longue et 'anxiogène' avant de pouvoir découvrir la teneur de ce vrai deuxième album dont il est question aujourd'hui, et répondant au nom évocateur de The Great Lie qui laissait déjà entrevoir quelques rebondissements dans le fil de l'histoire, est un doux euphémisme... On aurait en effet pu se laisser aller à croire que les trois années passées et couronnées de francs succès (concrétisation de l'épreuve du 'live', avec des dates aux côtés d'un The Old Dead Tree fraîchement - mais temporairement - reformé, bon accueil public et médiatique, reconnaissance à l'international...) auraient été l'occasion pour Pierre Le Pape - géniteur et compositeur en chef du projet - de rentrer dans le rang et, faute de pouvoir se surpasser, d'adopter les formats et les codes en vigueur dans la scène metal symphonique actuelle.
On avait bien tort... Cette dernière offrande est un vrai retour à du Melted Space 'pur jus', mais n'en a pas pour autant oublié de retenir les meilleures leçon de l'ère Between... Avec le petit 'plus' du moment, qui allait faire vraiment toute la différence : de nouveaux invités encore plus emblématiques et la contribution cette fois d'un véritable Orchestre Philharmonique, en l'occurence - excusez du peu - celui de Prague, bien connu des fans de metal (Rage, Septicflesh, Dimmu Borgir, Within Temptation, Satyricon) comme de ceux (au premier rang desquels Pierre lui-même...) des B.O. de films d'un certain Hans Zimmer !!
De prime abord, on constate que contrairement à From the Past, qui était un double album lui-même sous-divisé en 3 chapitres ("Livres"), nécessitant donc des écoutes multiples pour s'en imprégner, ou bien une immersion complète et ininterrompue que d'aucuns avaient pu considérer comme peu digeste, la présente offrande ne nous livre "que" 11 morceaux pour une durée plus accessible de 55 minutes de musique... La tendance - déjà ressentie sur Between - à une richesse au sein-même des morceaux plutôt que dans l'étirement et l'amoncellement de structures est donc confirmée et entérinée ici. Pour autant, on ne plonge pas aussi directement que l'on aurait pu le supposer dans le vif du sujet, les deux premiers titres faisant office à eux seuls (un peu comme chez les compatriotes et homologues 'Ayreoniens' de Foreign, dans un tout autre registre...) comme d'un long prologue de présentation (situation et personnages principaux), laissant toutefois déjà entrevoir les atouts désormais bien consolidés de la musique de Melted Space, plus majestueuse et 'cinématographique' que jamais (chaque charge ou caresse de l'orchestre se révèle un doux ravissement pour les oreilles...) ! Comme le laissait présager l'évolution sur Between, plus 'visuel' et ambitieux avec tous les attributs de B.O. que ce dernier présentait déjà, l'oeuvre se construit et se déroule comme un vrai film, avec ses rebondissements, ses moments forts et son dénouement. La production, elle aussi, est allée encore dans le sens d'une plus grande puissance, ampleur et lisibilité que sur From the Past, et atteint ici des sommets. On ne saluera jamais assez le recrutement, dès le deuxième opus, de Michael Saccoman, l'ancien 'cogneur' de chez Kronos, qui imprime à la fois une finesse et une force de frappe incommensurables à la musique de la formation, derrière les lignes de basse rondes et galopantes de son compère Brice Guillon. Quant à la paire de six-cordistes formée par Adrien Grousset (Hacride) et Adrian Martinot (Disconnected), inutile de préciser qu'elle se révèle des plus imparables, alternant rythmiques de feu et de plomb (mais sachant s'effacer dans le mix, comme sur Between, face aux voix et aux arrangements orchestraux), breaks 'dark' et moult soli virtuoses de toute beauté, plutôt connotés "prog" dans l'ensemble.
Et les morceaux, me direz-vous ? Hé bien comme je vous le disais, si l'on devait garder une comparaison avec le monde des salles obscures que Pierre Le Pape affectionne tant, on aurait envie de dire que le 'générique' du début s'éternise quand même un brin et peine quelque peu au départ à nous embarquer... Si l'ouverture sur ce "Listen to the Song of Despair" remet ainsi bien les choses sur pieds là où elles s'étaient jadis arrêtées, avec le retour attendu d'un Arno Strobl (CinC, We All Die (Laughing), ex-Carnival in Coal et Maladaptive), qui semble reprendre le fil de l'histoire exactement là où il l'avait interrompue à la toute fin de From the Past (le bien-nommé Between n'ayant été qu'une parenthèse dans la trame de l'ensemble, un 'spin-off' de l'aveu-même de son géniteur...), et aussi la résurgence furtive de la ligne vocale « here, oblivion... » de son "Dante's Memory" en guise de clin d'oeil bienvenu, on sent malgré tout le chanteur Belge un brin en 'retenue', comme s'il devait garder une certaine contenance ou sa concentration au maximum face à une entreprise aussi 'pharaonique'... On le retrouvera fort heureusement dans des prestations autrement plus convaincantes et "éclatantes" un peu plus loin sur le disque, notamment dans un rôle saisissant de « narrateur » qui semble lui avoir écrit sur mesure, à en faire pâlir encore un peu plus le défunt Christopher Lee ! Mais pour l'heure, ce n'est hélas pas l'intervention suivante, sous la forme des lamentations d'Ailyn Giménez - chanteuse de Sirenia et qui tient ici le rôle de la 'Reine des Fées', aux portes de l'agonie... - qui va encore réussir à donner l'impulsion nécessaire pour faire enfin décoller l'ensemble, comme si derrière le micro on ne pouvait pas là encore donner tout de soi. Pour en garder un peu sous le pied, coller tout à fait au synopsis ou bien ne pas trop en dévoiler à ce stade ?... Une fois plongé dans l'histoire (placée plus que jamais sous le signe de l'heroïc fantasy', deux héros - frère et soeur - partant à la recherche de leur mère qui s'avère être justement la Reine des Fées, et trouvant autant de soutiens que d'embûches sur leur chemin...), ainsi qu'à la lumière des paroles (non connues au moment de la rédaction de cette chro), il conviendra à chaque auditeur d'en juger.
Une impression qui se confirme en tout cas sur le deuxième titre, "Called by the Queen", magnifique par ailleurs, qui révèle une poignante Christine Rhoades (chanteuse 'multi-cartes' ayant notablement travaillé avec Nevermore et Jeff Loomis en solo), dont la voix vient se mêler à celle de notre Guillaume Bideau national (One-Way Mirror, Mnemic, ex-Scarve) dans de superbes harmonisations qui étonnamment (c'est sûrement tout à fait involontaire) nous évoqueraient presque dans l'intimité du refrain celles des frangins Cavannagh et de Lee Douglas sur les derniers Anathema ! Une impression familière et fort agréable que l'on aura d'ailleurs tendance à retrouver à chaque passage calme de duos mixtes en voix claires... L'heure serait donc à ce stade encore au recueillement (malgré des couplets plus 'sautillants'...) et à la communion, plutôt qu'à un déchaînement de ferveur. Pour un rendu léger et envoûtant, mais plus 'contemplatif' et onirique - comme un signe du tragique destin qui rôde, un mauvais présage de ce qui se trame pour nos héros ?!... Mais chuûûut, ne 'spoilons' pas... - , davantage en tout cas que réellement dynamique et prompt à nous embarquer dans le vif de l'action, là encore.
Les choses sérieuses ne se mettent donc en branle que sur un "No Need to Fear" entraînant de plus de 8 minutes. A son entame, après des claviers mélancoliques du plus bel effet qui rappellent le premier album, viennent se greffer de superbes lignes de violons conférant de nouveau à l'ensemble une tonalité 'dramatique' et comme empreinte de nostalgie. Lorsqu'ensuite retentit une batterie mid-tempo au jeu pour le moins 'habité', et surtout de romantiques claviers un brin "désuets" et génériques que l'on croirait tout droits sortis de chez HIM, To/Die/For ou bien de n'importe quel groupe de metal à chanteuse type Within Temptation ou Leaves' Eyes (groupe avec lequel Melted Space vient d'ailleurs de s'embarquer pour une tournée Européenne), on craint en revanche d'avoir affaire à une bien inoffensive redite du "Dying Legend" de Between (sur lequel apparaissait d'ailleurs Liv Kristine...), un morceau accrocheur certes efficace, qui prit d'ailleurs toute sa dimension en 'live', mais fort peu original et même un brin plat et "faiblard" dans le contexte plus riche, complexe et vaste de ce bouillonnant maelström qu'est le «melted space», nom de nom ! Tout comme on n'échappe pas encore une fois ici à la petite modulation de rigueur d'un ton plus haut sur le tout dernier refrain, 'artifice' bien connu des « faiseurs de tubes » en herbe de Nightwish à Barbelivien... Attendez, un instant, que me souffle dans l'oreillette ma mauvaise foi ?
Encore une fois, votre serviteur est totalement aux fraises... COUPEZ !! On va la refaire. (...)
Car non, Pierre Le Pape n'est pas de ces compositeurs 'aguicheurs' qui cherchent à flatter la corde sensible de son auditoire avec des mélodies consensuelles et "rassurantes", comment avons-nous pu seulement en douter ?... Non, ici le côté faussement 'facile' et surtout très entraînant des mélodies (encore une constante sur cet album, et je vous mets au défi de ne pas vous retrouver à en siffler quelques passages, dans la rue ou sous la douche !...) nous renverrait plutôt aux hymnes conquérants des mangas animées de notre jeunesse - une autre influence du compositeur, également grand "gamer" dans l'âme, d'où aussi ce petit parfum 'saga de jeu de rôles'... - et c'est vraiment à partir de ce moment que toute la singularité du projet Melted Space se dévoile enfin de nouveau, pour un titre qui aurait pu sans problème apparaître aux côtés de "Brother and Sister" et autres "A Favored Existence" sur le From the Past (le tandem formé par Rhoades et Mariangela Demurtas, chanteuse de Tristania, s'avérant des plus à même de véhiculer toute la gravité de l'instant, sans niaiseries inutiles...), seulement avec le souci d'une prod' digne de ce nom et une ouverture à un public élargi qu'avait déjà initiées dans les deux cas le précédent EP... La floppée d'invités se dévoile enfin, chacun se renvoyant la balle dans un grand jeu de duos, de dialogues et de questions/réponses, donnant enfin cette dimension d' "opera-metal" qui commençait à faire quelque peu défaut à The Great Lie (dont on commençait presque à croire le nom prémonitoire) ! Les multiples leitmotivs et autres motifs 'clins d'oeil' s'esquissent enfin eux aussi, à l'instar de la première ligne vocale immédiatement reconnaissable qui reprend le thème de l'intro du disque...
Bref, NOUS Y SOMMES !!!!...
Deuxième constat d'ensemble : la volonté de condenser un peu les choses, d'aérer un poil la musique et le propos par rapport au premier album s'est fort logiquement accompagnée du souci d' «écrémer » un brin aussi le 'casting'... Et c'est ainsi que l'on ne retrouve "que" 14 chanteurs sur ce disque, au lieu de la flopée qui parsemait le premier opus. Et c'est à nouveau en toute bonne logique et intelligence que Pierre Le Pape n'a choisi de sélectionner que des 'valeurs sûres'... Exit donc les noms trop obscurs issus de l'underground et les 'organes' dont les timbres et tessitures se rapprocheraient trop les uns des autres, pour faire place à des «identités vocales» bien marquées et facilement reconnaissables.
Il ne nous appartient pas de distribuer les "bons" ou les "mauvais" points. A la sensibilité de chacun de décerner les coups de coeur du moment et les « peut mieux faire » ... Nonobstant (tiens, j'ai réussi à le caser, celui-là...), comment ne pas succomber à la bestialité féroce d'un David Vincent boosté aux hormones (quoiqu'on puisse penser du dernier Morbid Angel, du reste...), dont le grain unique ne pouvait pas être mis ici à meilleure contribution, pour ce qui sera la seule vraie voix 'death' de l'album, la seule nécessaire pourrait-on ajouter ?!... Comment ne pas se prosterner, le regard embué, devant la prestation hallucinatoire, saisissante, théâtrale et emphatique à outrance comme on pouvait l'imaginer d'un Atilla Csihar revenu tout droit du marais des vampires Transylvaniens de De Mysteriis Dom Sathanas ?! (et là encore, ce n'est pas qu'on a pas aimé le dernier Mayhem !)... Chacun des 'grands noms' a vraiment été utilisé au mieux de ses capacités pour coller au plus près des attentes de leur « metteur en scène » et de l'auditeur, comme en atteste également la performance de Mikael Stanne, autant à l'aise dans des vocaux râpeux (qui renvoient directement à ses premiers pas chez Dark Tranquillity, rien que ça...) que dans un registre plus intimiste et torturé que l'homme maîtrise désormais à la perfection, après les jalons en la matière qu'auront été Projector et surtout le plus récent et superbe Construct ... Par la suite, Niklas Kvarforth (Shining) nous fait partager ses délires plus ou moins feints (!) de démon-psychopathe en dérangement tandis qu'un Kobi Farhi (Orphaned Land) viendra nous 'trémolotter' moultes petites douceurs exotiques ("Glass Castle's Beast" et ses bien belles sonorités aux résonances « de verre», justement...). Seule petite réserve : un Guillaume Bideau certes grand professionnel, exécutant sans faille et incroyable de maîtrise de bout en bout, mais dont la voix un brin « formatée » et ponctuée d'automatismes - pas toujours bien à leur place - détonne un peu ici et paraît presque 'lisse' dans la mêlée de ces identités si fortes et si singulières. Heureusement, le bougre s'en tire bien mieux dans ses interventions en duo comme sur certaines envolées dans les aigus (même si là encore, elles irriteront peut-être certaines oreilles les plus réfractaires...).
Quoi qu'il en soit, s'il devait être décerné la 'Palme' du meilleur titre de cet album (autant rester dans 7ème Art jusqu'au bout...), il s'agirait peut-être au final du haletant "Terrible Fight" (en écoute ci-dessus) : le rythme y est effréné, c'est la charge vers la bataille tambour battant (inutile de dire que 'Morbid' Vincent y est impérial...), ponctuée d'aérations plus solennelles marquées notamment par un refrain des plus poignants, il est vrai porté par un Manuel Munoz au summum de la délicatesse et de l'émotion. Partie intégrante de la formation depuis le premier opus, on peut sans conteste dire qu'il en est désormais devenu un élément essentiel voire indissociable... Et ce n'est pas ce "A God is Dead" qui suit qui viendra contredire mes propos : sorte de pendant 'masculin' au "All Together" de From the Past (sur lequel officiait brillamment Virginie Goncalves de Kells, que l'on retrouve ici un peu plus cantonnée aux choeurs homogènes des 'Soeurs du Destin', aux côtés de ses brillantes consoeurs Clémentine Delauney et Lucie Blatrier - même si cette fois on ne différencie pas toujours qui est qui dans le mix...), ce 'piano/voix' lancinant et relevé de bien belles orchestrations donne l'occasion à notre Apollon (ce n'est pas ma femme qui le dit, c'est vraiment son rôle dans l'histoire de l'album !...) de nous livrer une interprétation à l'intensité qui va crescendo comme lui seul en a le secret. Semblant écouter davantage son coeur et ses tripes que sa concentration sur une quelconque et trop académique hauteur de notes, paraissant comme en permanence au bord de la fêlure, l'ex-The Old Dead Tree nous démontre qu'il est peut-être l'un des meilleurs interprètes masculins français dans ce registre en voix claire avec Yann Lignier de Klone, rien que ça... Toujours dans un timbre proche de Vincent d'Anathema (ce ne sont d'ailleurs pas les harmonisations vocales en fin de titre qui viendront démentir...), Munoz a toutefois aujourd'hui complètement dépassé cette affiliation pour atteindre des contrées hors du temps, des âges et même de l'espace, une dimension aérienne où la pesanteur n'aurait plus cours, comme ont pu avant lui l'effleurer des Green Carnation ou des Antimatter ... Bluffant !
D'autres titres pourraient également se retrouver en lice pour la montée des marches : que l'on pense à ce décapant "Trust & Betrayal" écrit comme sur mesure pour Stanne, ou bien à "Hopeless Crime" et ses choeurs omniprésents, peut-être le titre le plus proche jamais écrit par Le Pape pour illuster ce que l'auditeur serait légitimement en droit d'attendre d'un "opera-metal" symphonique en bonne et dûe forme - pas très éloigné notamment d'un Epica, d'un Therion ou de ce que peut faire de son côté Foreign sur des titres comme "The Running" ou "Eternal Enemies"... Les trois 'Soeurs du Destin' y brillent en outre de mille feux à leurs choeurs et Adrian Martinot nous gratifie d'un solo de haute volée où viennent se mêler harmonies 'Queenesques' et influences néo-classiques ! Mais on aurait tout aussi bien pu citer cet émouvant "Titania", nouvelle occurrence des mid-tempo désormais typiques du répertoire de Melted Space (et qui aurait sûrement fait un parfait titre de clôture...), où rayonnent des harmonies vocales à trois voix (dont celle, enfin tout à fait à sa place et à son aise d'Ailyn de Sirenia...) et où Sylvain Coudret (Soilwork) nous dégaîne un solo quasi-Malmsteenien ébouriffant de vélocité, encore un à 'nominer' au palmarès des "Premiers Prix d'interprétation dans un second rôle" de cet album !
La dernière partie de ce The Great Lie (si l'on excepte le titre précité) met quant à elle l'accent sur la dimension «jouée» de l'oeuvre, un peu comme une réminiscence du 'Livre III' de l'opus fondateur, tant dans sa fonction 'dramatique' que purement « cathartique ». Les guitares s'effacent ainsi presque totalement pour laisser la place à un orchestre en ébullition (quel travail titanesque encore une fois, Monsieur Le Pape !) et à une grandiloquente confrontation de dialogues mi-parlés/mi-chantés entre Niklas Kvarforth (véritable démon incarné, encore une fois !) et un Arno Strobl relâché et bien campé dans son personnage sur ce "The One Who Lost The Faith" des plus oppressants, sorte de conflit en direct et sous nos yeux entre le Bien et le Mal, que vient toutefois purger d'un air revigorant les soli 'Gilmouriens', le dulcimer d'un autre temps et les claviers virevoltants caractéristiques de Monsieur Arjen A. Lucassen (Ayreon), dernier invité de choix de cette galette qui n'en manquait déjà pas. Seul cet interminable final sur "Lost Souls from the Other Side", où presque tous les protagonistes se retrouvent réunis, paraît un peu poussif, inutilement étiré et un brin redondant en comparaison (en dépit de choeurs féminins solennels de toute beauté en latin), mais il a le mérite de se conclure sur une fin des plus abruptes qui a tout d'un habile « cliffhanger » - en vue d'une éventuelle suite ? - ce qui de la part de l'ingénieux Le Pape ne serait en rien étonnant...
On avait donc bien tort de croire que la formation allait perdre de son âme en cours de route, et tomber dans des compromissions 'commerciales' et autres concessions à un marché en berne. Non, au moment de s'atteler à la réalisation de cette nouvelle fresque aux allures 'Hollywoodiennes', c'est bien à 'coeur ouvert' et avec cette exigence qu'on lui connaît qu'encore une fois le Docteur ès 'grande musique' Pierre Le Pape "opéra"... Et votre propre palpitant n'en a pas fini de battre à l'écoute d'une oeuvre aussi complète, majestueuse et enivrante, même si elle n'aura, soit, plus jamais la profondeur et ce charme inédit et peut-être plus authentique que dégageait la première offrande du groupe, ce qui m'empêche donc cette fois d'arrondir à la note maximale (le 10 n'étant lui, comme la perfection, pas de ce monde...). Mais ce qu'il a sacrifié en brutalité, en expérimentations, en complexité et en prises de libertés, The Great Lie l'a toutefois compensé en surpassant toutes les attentes les plus ambitieuses et les plus démesurées, jusqu'à atteindre des sommets épiques de grandiosité et de bravoure que notre homme aura encore une fois bien du mal à égaler.
LeBoucherSlave
8,5/10
© Strychneen studio, et là on n'est pas fâchés que cette pochette soit davantage
dans la lignée de l'EP que de l'album précédent...
Distribution :
01. "Listen To The Song Of Despair" :
Ailyn Giménez, Arno Strobl, Clémentine Delauney, Virginie Goncalves, Lucie Blatrier
02. "Called By The Queen" :
Guillaume Bideau, Christine Rhoades
03. "No Need To Fear" :
Mariangela Demurtas, Guillaume Bideau, Christine Rhoades, David Vincent, Attila Csihar, Mikael Stanne, Arno Strobl, Clémentine Delauney, Virginie Goncalves, Lucie Blatrier
04. "Terrible Fight" :
David Vincent, Guillaume Bideau, Manuel Munoz, Clémentine Delauney, Virginie Goncalves, Lucie Blatrier.
Solo guitare : Adrian Martinot
05. "A God Is Dead" :
Vocaux : Manuel Munoz
06. "Trust And Betrayal" :
Vocaux : Mikael Stanne, Guillaume Bideau
07. "Glass Castle’s Beast" :
Kobi Farhi, Niklas Kvarforth, Guillaume Bideau, Clémentine Delauney, Virginie Goncalves, Lucie Blatrier
08. "Hopeless Crime" :
Christine Rhoades, Mikael Stanne, Niklas Kvarforth, Clémentine Delauney, Virginie Goncalves, Lucie Blatrier.
Solo guitare : Adrian Martinot
09. "The One Who Lost The Faith" :
Niklas Kvarforth, Arno Strobl. Guitare, synthés, soli et dulcimer : Arjen A Lucassen
10. "Titania" :
Ailyn Giménez, Guillaume Bideau, Mikael Stanne.
Solo guitare : Sylvain Coudret
11 "Lost Souls From The Other Side" :
Attila Csihar, David Vincent, Mikael Stanne, Ailyn Giménez, Guillaume Bideau, Mariangela Demurtas, Manuel Munoz, Christine Rhoades, Clémentine Delauney, Virginie Goncalves, Lucie Blatrier