Ah, les fameux changements de style… De quoi bouleverser la vie de plus d’un fan et créer nombre de débats enflammés sur la toile. Pour Trivium, le changement a toujours été quelque chose d’habituel, chaque album différant subtilement du précédent depuis le premier effort du groupe Ember to Inferno. Mais cette fois les Floridiens ont fait le grand saut en composant un disque entier en chant clair, à mille lieues de Shogun ou Ascendancy. Alors que leur dernier opus Vengeance Falls commençait à sentir le réchauffé, le groupe tente un pari osé pour un résultat inégal et frustrant à analyser.
Les quelques titres dévoilés à l’avance laissaient espérer une mue réussie avec notamment un « Until The World Goes Cold » diablement efficace et calibré pour les ondes américaines. A l’écoute complète de l’opus, le changement de style est bien confirmé et les fans déçus par ces premiers titres peuvent d’ores et déjà éviter l’album. Fini le thrash metal ou le metalcore, Trivium joue désormais dans le heavy metal moderne largement inspiré par Dio, comme le répète à tour de bras Matt Heafy en live et en interview.
Force est de constater que la sauce prend… un temps. On sent d’abord que le groupe s’est fait plaisir sur ce nouvel album et ça se voit, ne serait-ce que dans la voix du frontman qui prend un plaisir fou à essayer des variations inédites chez Trivium. Des variations parfois réussies (« The Things That’s Killing Me ») mais aussi parfois étranges, comme en témoigne le refrain de « Pull Me From The Void », incursion manquée dans l’univers du speed metal. On devine en tout cas que Matt a beaucoup travaillé sur sa voix et qu’il est fier du résultat. Au vu de la palette qu’il déploie tout au long de l’opus, il y a de quoi !
Au rang des réussites on retrouve le titre éponyme, parfaite entrée en matière où la basse de Paolo Gregoletto est bien mise en avant. Impossible cependant de ne pas reconnaître des riffs très inspirés des récents travaux d’In Flames, une influence que l’on retrouve à plusieurs reprises sur « Until The World Goes Cold » ou « Rise Above the Tides » pour un rendu plutôt efficace. En revanche la filiation évidente avec Disturbed est l’une des faiblesses claires du disque. C’est simple, sur « Dead And Gone » ou « The Ghost That’s Haunting You », on a l’impression d’entendre David Draiman au chant pour un résultat loin d’être convaincant.
Bien peu de vestiges du passé subsistent encore, mis à part quelques mélodies de guitare par-ci par-là et des breakdowns, moins nombreux mais qui continuent de rythmer l’écoute. « Blind Leading The Blind » est sans aucun doute la chanson la plus proche de « l’ancien Trivium », avec ses passages mélodiques harmonisés et un Matt plus impressionnant que jamais vocalement. Niveaux solos en revanche, c’est le calme plat. Corey Beaulieu est capable de beaucoup mieux que ça et c’est assez triste de le voir se limiter à des interventions aussi génériques, d'autant qu'il n'a plus à assurer les growls. C’est la section rythmique qui en profite du coup pour se mettre en valeur avec une belle performance de Paolo Gregoletto à la basse. Le nouveau venu Mat Madiro propose quant à lui un jeu très intéressant, bien aidé par sa double pédale très bien placée dans le mix.
Mais voilà, Silence In The Snow manque cruellement d’inspiration, c’est un fait. Si certains morceaux ne déméritent pas, d’autres comme « Beneath The Sun » et son intro à ambiance sont à côté de la plaque. Dommage tant on sent que le groupe prend du plaisir à jouer ces morceaux.
Avec Silence In the Snow, Trivium est sorti de sa zone de confort pour nous offrir un metal alternatif intéressant, mais inégal. Taillé pour les charts américains, le disque ne manquera pas de plaire par ses singles mais il est bien trop faible pour convaincre sur la durée. Il faut espérer que les Floridiens sauront garder le positif de cette expérience pour la suite de leur carrière, d’autant que les nouvelles compositions prennent une autre dimension en live et sont loin de faire tâche au milieu des anciens titres.